FEUILLET 18 DE LA LECHE LEAGUE FRANCE
Il arrive qu’on dise à une mère qui allaite que son enfant souffre d’intolérance au lactose et qu'il doit être sevré du sein. En général, ceci arrive après un épisode de diarrhée persistante qui a duré plusieurs semaines, et la mère ne sait plus que faire. Mais l’arrêt de l’allaitement est rarement la solution et peut même faire empirer la situation. Le fait d'apprendre davantage sur l’intolérance au lactose peut aider la mère à clarifier la situation et peut-être à déterminer la cause de la diarrhée de son enfant sans avoir à le sevrer inutilement.
1 - Qu'est-ce que l’intolérance au lactose ?
Le lactose est le sucre qui se trouve dans le lait de tous les mammifères. Le lait humain est très riche en lactose. Il y a deux fois plus de lactose dans le lait humain que dans le lait de vache. Il a plusieurs rôles :
• Il accroît l'absorption du calcium.
• Il ralentit la croissance des bactéries nocives dans le tube digestif du bébé.
• Il aide à approvisionner en énergie le cerveau du bébé.
La lactase, par contre, est l’enzyme qui transforme le lactose dans les intestins. La lactase est présente dans les intestins dès la naissance. Il existe de très rares cas de bébés nés sans lactase. Un bébé complètement déficient en lactase ne peut digérer le lactose du lait et, avant l’introduction de laits artificiels sans lactose, ces bébés ne survivaient pas. Il existe une autre affection, appelée la galactosémie, dans laquelle l’enzyme du foie qui change le galactose en glucose (un sucre simple que le corps utilise comme énergie) est absente, ce qui rend le bébé incapable de métaboliser le lactose. Si elle n’est pas traitée, la galactosémie entraîne des vomissements, une perte de poids, une cataracte et une arriération mentale. Ces deux affections sont rares et deviennent évidentes dès les premières semaines ou les premiers mois de vie. Si un bébé a été en bonne santé et a bien pris du poids pendant les premiers mois, il est quasiment impossible qu’il souffre de déficience primaire en lactase ou de galactosémie.
L’intolérance au lactose est assez courante chez certaines populations humaines. Elle est causée par une lente diminution de la production de lactase par le corps. Cela se produit graduellement, sur une période de plusieurs années et ne causerait pas une diarrhée soudaine.
Parmi les populations où l’intolérance au lactose est courante, celle-ci n’apparaît pas avant l’âge du sevrage - qui se situe entre deux ans et demi et quatre ans : une personne qui souffre d’intolérance au lactose présente les symptômes graduellement, tout au long de sa vie. Par exemple, un enfant de dix ans pourra tolérer plus de lait qu’une personne de vingt ans qui, elle-même, tolérera plus de lait que quelqu’un de soixante ans.
Les personnes qui sont intolérantes au lactose souffrent de ballonnement et/ou de diarrhée après avoir bu du lait (un de mes camarades à l’université était un Indien Oneide qui avait appris à considérer le lait comme un laxatif). Les personnes qui sont intolérantes au lactose peuvent tolérer le fromage et le yaourt car le lactose est transformé pendant leur fabrication. La capacité de tolérer la glace et les fromages frais varie d’une personne à une autre.
D’après les anthropologues, les populations qui tendent à être intolérantes au lactose à l’âge adulte sont celles qui traditionnellement ne pratiquent pas l’élevage de vaches laitières pour se nourrir, telles que la plupart des peuples asiatiques, d’Afrique de l’Ouest, des Indiens d’Amérique et certains peuples sud-européens et méditerranéens. Il est rare que des personnes de descendance anglaise, scandinave ou d’autres pays européens souffrent de carence en lactase. Même chez les populations où l’intolérance au lactose est courante, son degré varie avec l’âge et d’une personne à une autre. Beaucoup de personnes, même parmi ces populations sujettes à l’intolérance au lactose, n’en souffriront jamais.
La véritable intolérance au lactose n’est pas une allergie au lait ; c’est une déficience en lactase qui s’accroît graduellement. Si une mère est déficiente en lactase, cela n’affectera pas le contenu en lactose de son lait. De plus, il est impossible qu’un enfant soit intolérant au lactose du lait maternel mais qu’il puisse tolérer les produits laitiers ou inversement - le lactose reste du lactose.
Il y a des cas de bébés sensibles qui deviennent grincheux ou agités quand leur mère boit du lait ou mange des produits laitiers. En général, le fait d’éliminer les produits laitiers de l’alimentation de la mère suffit pour arrêter les symptômes. Mais ceci n’est pas une intolérance au lactose. C’est une affection qui est causée par des fragments de protéines de lait de vache qui sont passés dans le lait maternel. Les protéines de lait de vache sont très différentes des protéines du lait maternel et peuvent provoquer des réactions chez certains bébés.
2 - Les “diarrhées gênantes” et l'allaitement
L’une des causes les plus courantes d’une diarrhée persistante, surtout chez les bambins, est parfois appelée “intolérance passagère au lactose”.
Le pédiatre William Sears utilise un terme qui lui semble un peu plus approprié : “diarrhée gênante”.
Une diarrhée gênante peut être une réaction :
• à un traitement aux antibiotiques,
• à une maladie intestinale,
• ou au processus de passage d’une alimentation lactée à une alimentation d’adulte.
Chacune de ces situations peut irriter les parois de l’intestin et causer une diarrhée persistante. Une telle affection est temporaire, et le temps - et non le sevrage - apportera une solution. Une diarrhée gênante passera (il est possible que cela prenne des semaines ou même des mois), et il n’est ni nécessaire, ni utile, de sevrer.
Des recherches récentes confirment l’idée qu’un bébé qui souffre de diarrhée doit continuer à être allaité.
L’essentiel de ce travail de recherche a été fait dans les pays en voie de développement où les installations sanitaires et l’hygiène sont insuffisantes et où la diarrhée peut être un problème sérieux, voire mortel, pour les bébés et les petits enfants. Arrêter l’allaitement du bébé pendant quelques jours à chaque crise de diarrhée lui ferait courir un grand risque de malnutrition et de sevrage prématuré, et donc de crises de diarrhée plus sévères.
Dans une étude entreprise en 1985, cinquante deux enfants allaités âgés de moins de deux ans ont été admis à l’hôpital avec une diarrhée sévère et liquide qui se poursuivait depuis moins de quarante huit heures. Ils ont été séparés en deux groupes : dans l’un des groupes, les bébés ont été sevrés du sein et ont reçu uniquement une solution de réhydratation par voie orale ; dans l’autre groupe, les bébés ont reçu la solution de réhydratation et ont continué à être allaités en même temps (la solution de réhydratation est conçue pour remplacer l’eau et les sels minéraux perdus pendant une diarrhée sévère). Les bébés allaités ont eu en moyenne cinq selles de moins que les bébés sevrés. Leurs selles étaient inférieures en volume et ils ont récupéré plus vite que les enfants du groupe qui avait été sevré. De plus, les enfants allaités ont eu besoin de 25 % de moins de solution de réhydratation, ce qui a réduit pour eux le risque de contracter une sérieuse affection appelée hypernatrémie (un excès de sodium dans le sang). D’autre part, le lait maternel a favorisé l’absorption des substances nutritives et des liquides, ce qui a eu un effet bénéfique sur l’évolution et l’issue de la diarrhée.
3 - Les questions à poser
Que peut faire une mère si on lui dit que son enfant souffre d’intolérance au lactose et qu’elle doit le sevrer ?
Malheureusement, une vraie intolérance au lactose ne peut être diagnostiquée que par une biopsie de l’intestin grêle. C’est une opération que la plupart des médecins et des parents n’envisageraient pas facilement de faire. Il existe un test pour la déficience en lactase dont la cause est inconnue (le terme médical pour cette affection est “déficience idiopathique en lactase”), mais ce test est long et compliqué - un jeûne de douze heures suivi par l’absorption d’une dose de lactose pur puis cinq prises de sang faites au cours d'une période de deux heures. L’intolérance au lactose est donc difficile à confirmer et, à cause de cela, son diagnostic semble être parfois utilisé un peu à la légère”. Mais il y a des questions qu’une mère peut se poser et poser à son médecin pour aider à trouver la cause de la diarrhée de son enfant.
A-t-on éliminé les hypothèses de galactosémie ou de déficience primaire en lactase ?
Si l’enfant a plus d’un mois, a été allaité, a pris du poids et grandi, il est improbable qu’il souffre de l’une de ces sérieuses affections.
Est-il possible que quelque chose ingéré par la mère contribue à la diarrhée de l’enfant ?
Si la mère mange une grande quantité de fruits, ou (ceci est rare) des légumes comme du chou ou des épinards, cela peut contribuer à la diarrhée de son enfant allaité. Certains laxatifs, surtout ceux qui contiennent du séné ou de la casse, peuvent avoir le même effet.
L’enfant est-il un nourrisson qui a des coliques et des selles mousseuses vertes ?
Dans son livre, The Experience of Breastfeeding, Sheila Kitzinger écrit : “Parfois le diagnostic d’intolérance au lactose est fait pour un bébé allaité parce qu’il a des coliques et des selles explosives, vertes et mousseuses, et qu’il ne grandit plus... Souvent un tel bébé tète beaucoup, mais ne prend pas assez de matières grasses - qui sont plus élevées à la fin de la tétée. Certains bébés semblent incapables de digérer une grande quantité de lait pauvre en matières grasses. Dans ce cas, il est préférable de ne pas retirer le bébé du premier sein... Pour certains bébés, il est préférable de n’offrir qu’un seul sein par tétée.”
On appelle parfois ce phénomène “déséquilibre entre le lait de début de tétée et le lait de fin de tétée” (le lait de début de tétée est aqueux et pauvre en matières grasses et le lait de fin de tétée est le lait riche en calories que le bébé reçoit de plus en plus au fur et à mesure que la tétée progresse). On peut remédier à ce déséquilibre tout simplement en laissant le bébé téter à un sein jusqu’à ce qu’il ait fini et lâche le sein tout seul, au lieu de lui faire changer de sein à un moment déterminé.
L’enfant a-t-il souffert récemment d’une maladie intestinale ?
Le docteur Sears, dans son livre Safe and Healthy, propose de voir les choses de cette façon-ci : “Il est courant d’avoir une période prolongée de selles molles après une infection intestinale... et cela peut durer pendant plusieurs semaines ou mois. Les parois de l’intestin se reconstituent lentement chez la plupart des enfants. Si votre enfant a de la diarrhée, il est plus important de se concentrer sur l’enfant tout entier, plutôt que sur son derrière. S’il semble se porter bien et qu’il ne continue pas à perdre du poids, vous n’avez pas besoin de vous inquiéter, même si ses selles restent molles.”
Il est facile de blâmer l’allaitement mais est-ce vraiment la raison ?
Une diarrhée et une perte de poids persistantes peuvent être les symptômes d’un problème plus grave. Et si l’enfant est sevré et que le problème persiste ? Dans ce cas, l’enfant serait privé non seulement de sa meilleure nutrition, mais aussi de son meilleur réconfort - et un temps précieux aurait été gaspillé pendant lequel le problème pourrait empirer.
Une diarrhée persistante peut entraîner une période difficile et inquiétante, mais on peut donner aux parents l’assurance que le sevrage n’est presque jamais la réponse.
Judithe THOMPSON
Références
Kitzinger Sheila, The Experience of Breastfeeding, New York, Viking-Penguin, 1987
Lauwers J. and Woessner C., Counseling the Nursing Mother, New Jersey, Wayne, Avery Publishing Company, 1983
Lawrence Ruth A., Breastfeeding : A Guide for the Medical Profession, St. Louis : Mosby, 1994
Riordan Ian, Auerbach K., Breastfeeding and human lactation, Boston et Londres : Jones et Bartlett, 1993
Sears William, Save and healthy, La Leche League Internationale, 1989
Khin-Maung-U. et al., “Effect on clinical outcome of breastfeeding during acute diarrhea”, Brit Med J 1985,290 : 587-589.
McCracken Robert D., “Lactase deficiency : an example of dietary evolution”. Current Anthropology, 1971, 12 : 479-517.
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Feuillet 18 - révisé octobre 2001
Ma fille vient d'avoir 3 ans.
Depuis qu'elle est née, ses selles ont toujours été liquides 'diarrhée", les selles moulées étaient exceptionnellement rares ! Je n'ai jamais pensé que cela était normal même si chacun a ses différentes manières de faire... Il n'empêche qu'elle grandissait très bien sans soucis au niveau des courbes.
Après avoir soulevé ce point plusieurs fois avec le pédiatre, nous avons fini par faire une analyse pour voir si ce n'était pas dû au gluten, résultat négatif... pas plus, ce doit être son fonctionnement...
Pour la visite des 3 ans de ma fille, je l'emmène à mon généraliste et lui explique la situation qui perdure sans amélioration... et là il commence à me parler de l'intolérance au lactose. Jamais entendu parler, d'accord essayons pour voir !
en une semaine et demi de lait sans lactose, ma fille a eu des selles totalement normales et moulées!!! problème réglé enfin!!! quel soulagement..
Je précise que je ne l'ai pas allaité, elle buvait du lait en poudre 'galliagest' car elle renvoyait toujours un peu de lait après les bibs, et qu'elle boit actuellement 1 biberon de 330 ml le matin uniquement ! j'ai été surprise de voir le changement radical avec le lait sans lactose alors qu'elle n'en boit qu'un seul par jour ! elle mange évidemment des yaourts et du fromage mais effectivement cela ne dérange pas.
Voilà pour mon témoignage, je suis heureuse que l'on ait enfin trouvé la solution au problème et ma fille doit maintenant s'habituer à devoir pousser pour que " ça sorte"!
Le lactose contenu dans les gélules "placébo" peut il engendrer une intolérance. En effet un résident en prend depuis environ un an, or depuis quelque temps il dit avoir des selles liquides.
Merci pour votre réponse.
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