Ces derniers jours, les médias ont largement diffusé des communiqués sur une « avancée majeure de la technologie » : la fabrication de « lait humain » par des vaches clonées.
Un laboratoire argentin a annoncé la naissance de la première vache clonée au monde comportant deux gènes humains, qui pourrait produire, à l’âge adulte, « du lait similaire à celui des êtres humains », selon l'Institut national de technologie agricole (INTA).
Récemment, des chercheurs chinois avaient annoncé avoir mis au point un procédé similaire, mais en clonant deux vaches portant chacune l'un des deux gènes.
En fait, ce type de clonage n’est pas une nouveauté : dès 1990, divers laboratoires pharmaceutiques annonçaient avoir réussi à cloner des vaches excrétant dans leur lait de la lactoferrine humaine.
Surtout, le fait que du lait de vache contienne de la lactoferrine et du lysozyme n'en fait pas pour autant du lait de femme !
C'est toujours du lait de vache, qui contient toujours tous les composants du lait de vache (entre autres une caséine très différente de la caséine du lait humain, beaucoup plus difficile à digérer). Le clonage de ces vaches leur permettra d’excréter dans leur lait juste 2 des « 279 protéines du lait humain qui participent à la protection du bébé » (Pr Peter Hartmann). De plus, il est très probable que ce lysozyme sera en majeure partie détruit lors de la pasteurisation du lait de vache, dans le processus de fabrication du lait industriel pour nourrissons. Sans parler des très nombreux autres composants du lait humain qui resteront absents ; celui-ci est par exemple le lait le plus riche en oligosaccharides (au moins 200 molécules différentes, qui jouent un rôle majeur dans la protection de l’enfant), contrairement au lait de vache qui en contient très peu.
Il est donc parfaitement abusif de dire que le lait des vaches clonées sera « similaire à celui des êtres humains ». Par ailleurs, l’allaitement est bien plus que le transfert de lait de la mère à l’enfant. Il constitue une interaction complexe entre la mère et son enfant.
On pourrait penser que les chercheurs sont motivés par le désir altruiste de mettre au point un substitut aussi proche que possible du lait humain, mais ce n’est pas vraiment le cas. Depuis des années, l’industrie pharmaceutique s’intéresse énormément au lait humain. Les recherches sur les composants du lait humain effectuées dans les années 80 et 90 ont montré que les propriétés de nombre d’entre eux représentaient un potentiel énorme de prévention et de traitement des maladies humaines. Actuellement, environ 2000 brevets ont été déposés sur des composants du lait humain, qui représentent une manne céleste pour l’industrie pharmaceutique, et pour les fabricants de lait industriel. Il semble que les scientifiques sont en train de tenter de créer un monopole sur le lait humain ou ses composants.
Le jour où les vaches produiront du lait humain, c’est qu’elles seront devenues des femmes ! La complexité du lait humain est telle (et on continue à découvrir régulièrement de nouveaux composants) qu’un clonage ne pourra certainement jamais permettre de concevoir un animal génétiquement modifié sécrétant réellement du lait humain. Le seul objectif de l’industrie pharmaceutique est de récupérer, dans le lait de ces animaux clonés, les protéines humaines pour soit les rajouter à un lait industriel (qui sera toujours fabriqué à partir de lait de vache), lait qui pourra alors être vendu nettement plus cher au prétexte qu’il sera « comme le lait maternel », soit les utiliser pour la fabrication de médicaments novateurs.
Françoise Railhet, éditrice des Dossiers de l’allaitement
14 juin 2011
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