Cet article est paru dans Allaiter aujourd'hui n° 37.
Sur l'allaitement long, voir Allaiter aujourd'hui n° 70, LLL France, 2007
En 1995 est paru aux États-Unis un ouvrage passionnant sur les aspects « bioculturels » de l'allaitement (1).
Une des contributions (2), écrite par Katherine A. Dettwyler, professeur d'anthropologie à l'Université du Texas, s'intéressait à une question bien précise : à quel âge les petits humains devraient-ils être sevrés (le sevrage étant entendu ici comme la cessation totale des tétées) si l'on se basait uniquement sur des considérations physiologiques ?
Chez les primates (famille dont font partie les êtres humains) et comparativement aux autres mammifères, la durée de gestation est plus longue, le poids à la naissance (par rapport au poids adulte) plus élevé, le cerveau (par rapport au poids corporel total) plus lourd, la durée de dépendance à l'adulte plus longue, la maturité sexuelle plus tardive, la durée de vie plus longue et... l'âge du sevrage complet plus tardif.
Chez les mammifères, celui-ci semble pouvoir être corrélé à plusieurs variables : âge de quadruplement du poids de naissance augmenté de quelques mois (entre 3 et 4 ans pour les humains) ; âge où l'on atteint le tiers de son poids adulte (entre 6 et 7 ans pour les humains) ; durée de la gestation (chez les primates les plus proches de l'Homme, à savoir les chimpanzés et les gorilles, la durée de l'allaitement est égale à plus de six fois la durée de la gestation) ; âge d'apparition des premières molaires définitives (5,5 à 6 ans pour les humains, qui est aussi l'âge où le système immunitaire arrive à maturation).
De toutes ces données, on peut conclure que l'âge « naturel » du sevrage chez les humains se situerait entre 2,5 et 6 ans.
Les historiens et les anthropologues confirment bien évidemment que chez de nombreux peuples, l'allaitement long, jusqu'à 2, 3 ou 4 ans, était la règle (3), et qu'il l'est encore dans maints endroits du globe.
Les archéologues s'intéressent eux aussi au sujet depuis quelque temps, et font des découvertes intéressantes.
C'est ainsi que la paléoanthropologue Estelle Herrscher, étudiant des squelettes d'enfants enterrés dans la nécropole Saint-Laurent de Grenoble, a montré, grâce à l'analyse de certains isotopes qui signent la consommation de lait maternel, qu'à la fin du Moyen Age, le sevrage débutait vers 2,6 à 3,3 ans (4), alors qu'au 18e siècle, l'allaitement durait moins longtemps, avec des conséquences sur la santé : un état sanitaire plus déficient à l'époque moderne qu'au Moyen Age, et une croissance meilleure des 5-9 ans au Moyen Age.
Au Guatemala, d'autres archéologues, s'appuyant eux aussi sur l'étude des isotopes dans l'émail dentaire de squelettes dont l'âge allait de 500 ans avant JC à 1500 de notre ère, avaient conclu que les enfants de ces époques commençaient à consommer des aliments solides avant l'âge de 2 ans, et continuaient à être allaités pendant la majeure partie de la période de minéralisation des prémolaires (2 à 6 ans) (5).
(1) Breastfeeding. Biocultural perspectives, sous la dir. de KA Dettwyler (Ed. Aldine de Gruyter, 1995).
(2) A time to wean : The hominid blueprint for the natural age of weaning in modern human populations.
(3) Piovanetti Y, Breastfeeding beyond 12 months – An historical perspective, Pediatr Clin North Am 2001 ; 48(1) : 199-206. Dans beaucoup de cultures, les enfants pouvaient même continuer à avoir accès au sein jusqu'à un âge bien plus avancé : jusqu'à 12 ans, par exemple, dans les civilisations précolombiennes (Guzmán Peredo, Miguel (éd.), Prácticas médicas en la América antigua, Ediciones Euroamericanas, 1992) et chez les Esquimos.
(4) Herrscher E, Alimentation d'une population historique : analyse des données isotopiques de la nécropole Saint-Laurent de Grenoble (XIIIe -XVe siècle, France), Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris 2003, tome 15, fascicule 3-4.
(5) Wright LE, Schwarcz HP, Stable carbon and oxygen isotopes in human tooth enamel : identifying breastfeeding and weaning in prehistory, Am J Physical Anthropology 1998 ; 106(1) : 1-18.
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Bonjour, je suis contente de lire vos articles. On n'est pas assez soutenu quand on allaite. Notre entourage croit savoir ce qui est bien ou pas et certaines idées sur l'allaitement sont tenaces même pour nos mères. Et les papas sont casi inexistants sauf pour réclamer des calins.
Merci pour vos recherches cela nous permettent de faire des choix et de ne pas culpabiliser.
Bonjour à vous toutes,
Quel réconfort de lire vos messages et cet article. J'allaite ma fille de 15 mois et je me sens bien seule.
Mon conjoint, ma famille, sa famille, mes amies ne comprennent pas et me font des remarques désagréables. On me dit que je suis égoïste et que je ne pense pas à ma fille.
Je suis si heureuse de partager ces moments magiques avec mon tresor et elle est tellement joyeuse, en bonne santé...pourquoi arrêter.
Je lui donne tout ce que je peux comme amour, câlins et tetees...et ça dérange.
Bonne continuation et encore merci.
Merci pour vos articles complets et surtout pour les sources. Très utiles pour argumentés de manière claire.
Cela redonne aussi du courage pour continuer. Mon bonhomme de 3 ans et demi vous remerciera plus tard!
Bonjour,
Ma fille vient de fêter ses 3 ans et je pratique toujours la tété à la demande.!
Il me semble nécessaire de se détacher des discours communs, idées reçues ... peu importe le nom qui leur est donné. Faîtes comme vous le sentez, assumez vos choix et n'ayez pas honte. Soyez plutôt attentif au double discours qui se cache derrière ceux qui vous font des remarques. Vous verrez que ces personnes-là ont tout simplement peur de la différence et/ou ont un esprit étriqué. Aidons-les à voir les choses autrement, à s'ouvrir l'esprit...et sinon, tant pis!
Quant à nous, mère allaitante, continuons à profiter du plaisir de ces moments partagés, prenons conscience de la chance que nous avons de vivre ces instants avec nos enfants et soyons en paix avec nous-même.
Merci pour cet article qui me conforte dans mon choix de poursuivre l'allaitement de ma fille qui a 16 mois passés, et ce malgré les critiques de certains proches.
J'aime allaiter ma fille et tant que je m'en sentirais capable et qu'elle en aura besoin je contiuerais. Je sais qu'elle trouvera d'elle même le "bon moment" pour arrêter, quand ELLE sera prête.
Merci pour cet article qui me réconforte dans l'idée de poursuivre mon allaitement le plus longtemps possible pour le bien de ma fille, et la population devrait être mieux informée, car j'entends souvent que allaiter longtemps, c'est être une mère indigne !
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