Ce dossier a été publié dans Allaiter aujourd'hui n° 39, LLL France, 1999
L'avis des allergologues
L'avis des pédiatres
L'aspect économique
Lire aussi De l'intérêt d'attendre que l'enfant soit prêt
Des raisons de l'allaitement maternel, le lecteur de cette revue connaît les plus constamment évoquées : l'adaptation parfaite du lait à la physiologie nutritive et générale du nouveau-né ; les relations entre la mère et l'enfant.
D'autres raisons, tout aussi pertinentes, sont moins connues : la croissance faciale et la coordination sensori-motrice de l'ensemble du corps qui sont favorisées au mieux par la tétée au sein, en raison de l'adaptation parfaite des mouvements bucco-faciaux avec la résistance mammaire, et de la sensorialité buccale avec les saveurs variées du lait.
Mais l'allaitement a une fin alors que croissance faciale et coordination motrice n'ont pas fini de se constituer. Que faire pour les favoriser encore après le début du sevrage ?
Les deux premiers temps de la digestion sont : tétée puis déglutition, ensuite mastication puis déglutition. Le schéma moteur de la mastication se substitue progressivement, entre 6 et 30 mois, à celui de la tétée. Quand cette dernière disparaît progressivement, elle doit être remplacée par une mastication qui devient de plus en plus efficace avec les progrès de l'éruption dentaire.
Il faut donc introduire progressivement des aliments en morceaux, car les mouvements masticatoires ne peuvent être déclenchés que par le contact de solides avec la muqueuse buccale ; solides dont le volume, la consistance et les saveurs doivent être aussi variés que possible. En dépend, outre la croissance faciale et la coordination motrice, la qualité du rangement dentaire sur chaque arcade, qui nécessite des pressions aléatoires sur les crêtes gingivales. En dépend aussi la qualité des informations sensorielles qui construisent à cet âge une part importante des connections neurales encéphaliques : le goût et l'odorat, toujours liés, sont les sens majeurs du nourrisson, et seuls des aliments en morceaux, broyés en bouche, peuvent générer des saveurs et des flaveurs suffisantes pour la stimulation cérébrale (à l'étage thalamique, hypothalamique et de la réticulé mésencéphalique).
Tout ceci démontre la nocivité de l'administartion passive d'aliments mixés, moulinés, réduits en bouillie et imposés à la cuillère. Le nourrisson avale immédiatement une bouillie qu'il ne peut ni téter ni mastiquer. Le premier temps de la digestion devient une déglutition rapide, sans autres mouvements faciaux qu'une rétropulsion de la langue. Enfin l'aliment est insipide, car ses saveurs ont été éliminées par le broyage industriel ou domestique.
La bouillie donnée à la cuillère pervertit des fonctions primordiales du corps et leur avenir.
Drs A-R Chancholle et J Saboye, Chirurgie plastique et reconstructive, Unité de traitement des fentes labiales et palatines, 20 avenue Frizac, 31400 Toulouse.
L'avis des allergologues
"Il n'existe aucun argument médical pour donner autre chose que du lait maternel ou en poudre avant l'âge de six mois".
Professeur Dutau, CHU de Toulouse. Cité dans "Allergie à l'arachide, des vies empoisonnées", Que Choisir, février 1999.
L'avis des pédiatres
Dans un texte bizarrement passé inaperçu et qui gagnerait à être plus connu, le Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie déclare notamment : "Chez les enfants des milieux favorisés dont l'allaitement maternel est poursuivi au-delà de l'âge de 1 an, le lait de femme reste une source prépondérante de protéines, représentant 80 % de l'apport à 6 mois, 50 % vers 9 mois, et 20 % à 1 an (...) La croissance pondérale moins rapide des enfants nourris au sein, qui aboutit à une différence de près de 600 g à 1 an, apparaît donc liée au fait qu'ils stabilisent d'eux-mêmes leur consommation énergétique à un niveau plus faible. L'introduction d'aliments de complément n'affecte pas cette autorégulation, l'énergie fournie en supplément provoquant une réduction compensatrice de la consommation de lait. Les nourrissons dont l'allaitement maternel est prolongé déposent par ailleurs moins de graisses dans leurs tissus (...) Juger la croissance des nourrissons au sein d'après les courbes disponibles pourrait faire croire que leurs apports sont insuffisants, alors que ce sont les références actuelles qui sont inadaptées à ce mode d'alimentation (...) Il ne s'agit donc pas de redouter une carence protéique liée à la consommation exclusive de lait de femme, risque inexistant avant 3 mois, et même avant 6 mois (...) Dans les pays industrialisés, l'allaitement maternel exclusif permet un développement normal au moins jusqu'à 6 mois."
Besoins en protéines des nourrissons et des enfants en bonne santé, Arch Pédiatr 1997 ; 4 : 373-382.
L'aspect économique
Attendre que l'enfant soit prêt et l'intégrer ensuite progressivement à la table familiale, cela n'a pas qu'un intérêt nutritionnel ; cela représente aussi de sacrées économies quand on pense que le bébé français moyen, chéri des industriels, consomme pour près de 3 400 francs de nourriture pendant sa première année.
De 1960 à 1997, la consommation des ménages en aliments diététiques et aliments pour bébés est passée de 186 millions de francs à plus de 6 milliards ! En 1995, 345 millions de petits pots ont été vendus en France, ce qui fait du bébé français le plus gros consommateur européen.
Mais ce "beau score" ne satisfait pas les industriels qui bien sûr voudraient vendre encore plus. Pour cela, ils inventent de "nouveaux" produits, quitte à réinventer la roue, comme Nestlé avec les P'tit Duo, des petits pots proposant de manière distincte viande et légumes afin de "mieux en apprécier les saveurs" ! Ou ils cherchent de nouveaux clients, notamment les "grands bébés" au-delà de 1 an (car si 90 % des bébés de moins de 6 mois consomment des petits pots, ils ne sont plus, horreur !, que 30 % à le faire après 2 ans...). Comme le dit un porte-parole de Nestlé, "il s'agit d'inciter les mères à prolonger l'alimentation de leur bébé en baby food au-delà d'un certain âge, fixé de manière générale au début de l'apprentissage de la marche".
"Bébés : une cible convoitée", Le Figaro économie, 1er février 1999.
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