Article publié dans les Dossiers de l'Allaitement numéro 65 (Octobre-Novembre-Décembre 2005)
1er cas
D'après "Relactation under extreme circumstances". Veronika Scherbaum. Shared experiences in infant and young child feeding in emergencies. Emergency Nutrition Network, July 2003.
Le mari de l’auteur, médecin, a été envoyé en Ethiopie pour son travail, et s’y est installé avec sa femme et leur fils. L’auteur travaillait comme consultante en nutrition, dans le cadre de l’amélioration des traitements utilisés chez des enfants souffrant de malnutrition sévère. Elle était en Ethiopie depuis près de 3 ans lorsqu’elle a été hospitalisée en raison d’une hépatite A sévère, dans l’hôpital où travaillait son mari. Pendant son séjour à l’hôpital, une jeune fille de 16 ans s’y est présentée, et a accouché dans la journée. Lorsqu’on lui a donné son bébé, elle l’a repoussé et a refusé de le mettre au sein. Le lendemain, un membre de l’équipe soignante a vu partir cette jeune fille, sans son bébé. L’hôpital a été fouillé sans qu’on puisse trouver où cette jeune mère avait dissimulé l’enfant.
C’est seulement 3 jours plus tard que le bébé a été retrouvé, tout à fait par hasard, dans le cimetière attenant à l’hôpital, sous un monticule de terre recouvert de branchages, d’où une de ses mains dépassait. Il était toujours vivant. Le personnel de l’hôpital étant en sous-effectif et surchargé de travail en raison d’une épidémie de méningite, le mari de l’auteur a décidé de confier ce bébé à sa femme. L’auteur a donc commencé à nourrir le bébé avec du lait de vache dilué et sucré, car aucun lait industriel pour nourrisson n’était disponible à l’hôpital. Pour calmer le bébé, en particulier la nuit, elle a aussi commencé à le mettre au sein. Elle a rapidement constaté que ses seins augmentaient de volume, et a donc pousuivi les mises au sein parallèlement au don de lait de vache dilué et sucré, donné à la cuillère. L’auteur avait déjà entendu parler de femmes allaitant le bébé d’une autre femme pour diverses raisons. Au bout d’une semaine, elle allaitait exclusivement ce bébé. En tant que nutritionniste, elle était particulièrement heureuse de pouvoir allaiter ce bébé plutôt que de devoir le nourrir avec du lait de vache.
L’auteur et son mari ont déposé une demande d’adoption du bébé. Cela leur a été refusé dans la mesure où il leur était impossible de prouver que ses parents étaient décédés. Par ailleurs, ils devaient quitter l’Ethiopie quelques mois plus tard. L’auteur a donc cherché et trouvé une femme qui acceptait d’élever le bébé après leur départ. Elle a sevré progressivement l’enfant sur 2 mois, ce dernier passant de plus en plus de temps avec la femme qui allait devenir sa nouvelle mère. Après son départ d’Ethiopie, elle est restée en contact avec la mère adoptive. L’enfant souffre de paralysie partielle et de troubles cognitifs, séquelles de son début de vie très difficile, mais va globalement bien par ailleurs.
2e cas
D'après "Relactation in difficult circumstances : rising to challenge". Barbara Krumme. Shared experiences in infant and young child feeding in emergencies. Emergency Nutrition Network, July 2003.
L’auteur travaillait en Ouganda. En raison des guerres et des famines, le système de santé de ce pays était totalement détruit, et les décès maternels étaient fréquents. Dans ce contexte, il est courant de voir des femmes allaiter l’enfant de leur fille décédée.
On a amené un jour en consultation, dans le dispensaire où elle travaillait, un bébé dont la mère était décédée. L’enfant souffrait de malnutrition majeure et de déshydratation. Il semblait avoir environ 2 mois, mais il était difficile de lui donner un âge en raison de son état clinique. Il était nourri avec du lait de vache dilué et de la bouillie de maïs, et souffrait de diarrhée. L’auteur a demandé à une autre mère allaitante d’allaiter cet enfant en plus du sien. Il n’a pas été facile de la convraincre : il était inenvisageable pour cette mère d’allaiter un enfant qui n’était pas de sa famille ni de son entourage proche ; elle a accepté uniquement parce qu’on lui a promis que cela serait temporaire, et qu’elle recevrait également des suppléments alimentaires. Le jour suivant, la jeune tante du bébé s’est présentée à la consultation. Elle n’avait pas encore d’enfants elle-même, mais elle a commencé à mettre au sein le bébé de sa sœur décédée.
Le bébé devait téter très souvent, car il se fatiguait très rapidement, et il fallait induire une lactation chez sa tante. 2 à 3 semaines ont été nécessaires avant que la tante du bébé ait suffisamment de lait pour allaiter exclusivement ce bébé. 1 mois après l’arrivée du bébé au dispensaire, la jeune femme est retournée chez elle avec « son » bébé, très fière de l’allaiter. L’auteur l’a revue plus tard avec le reste de sa famille lorsqu’ils ont dû fuir au Zaïre. Le bébé était toujours allaité, il était en bonne santé, et il commençait à consommer des solides. Avec le soutien de cette amille, et malgré des circonstances très difficiles, cette jeune femme se comportait réellement comme la mère de l’enfant.
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