Severe vitamin B12 deficiency in an exclusively breastfed 5-month-old Italian infant born to a mother receiving multivitamin supplementation during pregnancy. Guez S, Chiarelli G, Menni F et al. BMC Pediatrics 2012 ; 12 : 85.
La vitamine B12 est nécessaire pour l’une des réactions du cycle de Krebs, et pour l’activité d’une enzyme qui catalyse la méthylation de l’homocystéine pour la transformer en méthionine. Une carence en vitamine B12 induit une accumulation d’acide méthylmalonique et d’homocystéine, ainsi que les signes cliniques hématologiques et neurologiques qui y sont corrélés. Une carence en vitamine B12 chez un bébé peut être en rapport avec une anomalie génétique au niveau de l’absorption ou de l’utilisation de cette vitamine, ou à une carence dans les apports (étiologie la plus fréquente).
Les auteurs présentent un cas de carence en vitamine B12 chez un enfant exclusivement allaité, dont la mère végétalienne avait pris un supplément vitaminique comportant de la vitamine B12 pendant sa grossesse. Cet enfant de 5 mois était né à terme après une grossesse normale, avec un poids de naissance de 2 550 g. Sa mère était végétalienne depuis des années, et elle avait pris pendant les deux derniers trimestres de la grossesse un supplément multivitaminique apportant 2,5 µg/jour de vitamine B12. Elle a cessé de prendre ce supplément après son accouchement.
L’enfant était toujours exclusivement allaité à 5 mois lorsqu’il a été hospitalisé en raison d’une prise de poids insuffisante, de troubles d’alimentation, d’hypotonie, de somnolence, et d’une pâleur extrême, certains de ces signes cliniques ayant débuté aux alentours de 3 mois. L’enfant pesait 4 800 g pour une taille de 60 cm. Il présentait une hépatomégalie et une splénomégalie, ainsi qu’un important retard de développement. Son taux d’hémoglobine était de 4,7 g/dl, et il présentait une importante pancytopénie. Son taux sérique de vitamine B12 était de 57 pg/ml (valeurs normales : 180 à 500 pg/ml). Le reste du bilan était globalement normal, sauf les taux sériques de fer et de ferritine sérique qui étaient très inférieurs à la normale. La recherche de la thalassémie était négative. Le myélogramme montrait une baisse de la lignée érythrocytaire, un faible nombre de mégacaryocytes dysplasiques, et une granulopoïèse dysplasique. L’IRM cérébrale a mis en évidence une dilatation modérée des ventricules latéraux, ainsi qu’un retard diffus de la myélinisation. Chez la mère, le taux d’hémoglobine était de 9,1 mg/dl, et celui de vitamine B12 était < 155 pg/ml.
Au vu de tous ces éléments, on a diagnostiqué chez l’enfant une carence en vitamine B12 et en fer, liée à une carence d’apports. Il a été traité par transfusion de culots globulaires, injections IM de vitamine B12 (1 mg/jour pendant deux semaines, puis 1 mg/semaine pendant six mois), et prise orale de suppléments de fer (3 mg/kg/jour de sulfate de fer) pendant trois mois. Quelques jours après le démarrage du traitement, son statut biologique a commencé à s’améliorer, et les signes cliniques se sont améliorés au bout de quelques semaines. L’enfant est sorti de l’hôpital au bout de 19 jours. Pendant le sixième mois, l’enfant a été sevré, et a reçu une alimentation diversifiée apportant du poisson. Si son développement neurologique s’est accéléré, il présentait toujours un retard neurodéveloppemental significatif 7 mois après le début du traitement.
Il est important de se souvenir que les carences en vitamine B12 et en fer sont fréquentes chez les bébés nés de mères végétaliennes (essentiellement dans les pays industrialisés) et de mères chroniquement malnutries (dans les pays en voie de développement), et que ces carences constituent une cause évitable de retard neurologique. Le fait le plus notable de ce cas est que la mère avait pris un supplément multivitaminique pendant sa grossesse, comme recommandé par les services de santé, mais que cela n’a pas empêché la survenue d’une carence chez son enfant au bout de quelques mois. La dose de vitamine B12 apportée par les suppléments couramment pris est donc insuffisante pour prévenir une carence chez l’enfant, en particulier en cas de prise uniquement pendant la grossesse. Ce cas souligne l’importance d’un apport suffisant en vitamine B12 et en fer pour le développement des bébés ; la mauvaise myélinisation causée par la carence en vitamine B12 peut perdurer pendant des mois, même après correction de la carence. Il serait donc utile d’interroger les mères sur leur alimentation pendant la grossesse, afin de prescrire une supplémentation adaptée aux mères végétaliennes, à savoir apportant des doses de vitamine B12 significativement plus élevées que les doses présentes dans les suppléments vitaminiques courants ; de plus, cette supplémentation devrait être poursuivie pendant l’allaitement.
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