Editorial de Flore Marquis-Diers, présidente de LLL France, mars 2006
L'actualité sanitaire des dernières semaines est alarmante : l'île de la Réunion est touchée de plein fouet par le chikungunya, la grippe aviaire laisse des cadavres de cygnes sauvages sur les lacs, menace les élevages, a tué un chat domestique en Allemagne.
Nous savons depuis longtemps qu'une infection virale n'est pas une contre-indication à l'allaitement. De nombreuses mères atteintes de gastro-entérites ont continué d'allaiter leur bébé, bien heureuses de la facilité avec laquelle il a continué à se nourrir, alors qu'elles-mêmes avaient parfois du mal à se lever, et ont constaté que le lait maternel protégeait le bébé contre la maladie, surtout s'il était allaité exclusivement. Bien souvent le virus fait le tour de la famille, et n'atteint pas le dernier-né toujours au sein, protégé par les anticorps du lait maternel !
En est-il de même pour cette épidémie nouvelle qui frappe durement un département d'Outre-mer ?
Pour cette nouvelle maladie, mal connue, l'inquiétude est grande, et le "principe de précaution" a été évoqué partout, dans la presse, sur internet : suspendre l'allaitement durant la phase aiguë de la maladie, 5 à 7 jours, tirer le lait, le jeter durant cette période, et reprendre ensuite l'allaitement. Pourtant, le docteur Jack Newman, pédiatre à Toronto (Canada), spécialiste de l'allaitement maternel, consultant pour l'Unicef, est formel :"Au moment où apparaissent les symptômes d'une maladie virale, cela fait déjà plusieurs jours, voire parfois des semaines, que la personne a été infectée. Il est donc probable que la mère a déjà transmis l'infection au bébé au moment où elle se manifeste. il est absurde de suggérer l'interruption de l'allaitement quand la mère est malade (à moins qu'elle ne soit si malade qu'elle soit incapable d'allaiter), puique le lait maternel contient des facteurs immunitaires, en premier lieu des anticorps, qui protègeront le bébé."
"Chaque fois que l'on a édicté un oukase semblable au sujet des maladies infectieuses (hépatite A, B, C, virus du Nil récemment au Canada), on s'est rendu compte par la suite que l'allaitement n'augmentait pas les risques pour le bébé."
"Il est typique que chaque fois qu'une nouvelle maladie fait son entrée en scène, on sacrifie l'allaitement sans réfléchir".
Or, interrompre l’allaitement pour le reprendre ensuite est plus facile à dire qu’à faire ! L'interruption, même momentanée, n'est pas anodine : il est indispensable de tirer le lait, avec un tire-lait approprié ou à la main, pour éviter les engorgements et stimuler la production lactée. Même ainsi, la production va baisser, par manque de stimulation directe de la bouche du bébé sur le mamelon, et il sera nécessaire de relancer une production lactée adéquate à la reprise de l'allaitement, ce qui prendra plusieurs jours.
Et pendant ce temps d'interruption, il faudra nourrir le bébé autrement, avec un substitut du lait maternel adapté, et qu'il tolère au mieux : des soucis supplémentaires pour la maman malade...
Une maman qui sera bien soulagée de pouvoir continuer à nourrir son bébé, sachant qu'ainsi elle le protège et continue à en prendre soin au mieux, même alitée !
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