Article paru dans les Dossiers de l'allaitement n° 47, 2001
Mercredi 22 novembre 2000, au Conseil Général de Seine-Saint-Denis, le Dr Schwetterlé a reçu, des mains du Pr. Lequien, le label « Hôpital Ami des Bébés ». La maternité de Lons-le-Saunier (Jura) est le premier établissement français à satisfaire aux 10 conditions de l'UNICEF/OMS pour le soutien de l'allaitement. Témoignages sur ce parcours exemplaire.
Le rêve devenu réalité
Dr Francis SCHWETTERLÉ, Chef de Service, Journée de la remise du label
Quand nous avons commencé à changer nos pratiques pour favoriser l'allaitement en 1993, nous étions loin de penser au label. Nous étions animés d'une conviction : nourrir l'enfant d'amour et de lait était un idéal qu'il fallait atteindre. Après les balbutiements des débutants, nous avons appris les techniques de l'allaitement grâce à l'équipe de formatrices de La Leche League, qui nous ont donné les moyens de concrétiser l'aventure. Je voudrais citer aussi le travail et les excellents ouvrages du Dr Marie 'lhirion qui nous ont rendu de grands services.
Il y a 3 ans, nous avons évoqué la possibilité de postuler pour le Label Hôpital Ami des Bébés. Ce dernier est plus qu'un label ; il est le garant d'un savoir-faire, et d'un savoir-être. En effet, la mise en pratique des 10 conditions de l'Initiative Hôpital Ami des Bébés nous a révélé que, au-delà des convictions que nous avions gardées, au-delà des techniques que nous avons acquises, s'instaurait un climat de confiance : confiance dans les bébés, confiance dans les mères. Et ce climat de confiance a largement dépassé le cadre de l'allaitement pour profiter à toutes les familles, et à tout le personnel qui évolue dans la maternité.
Aussi, je veux remercier l'équipe des évaluateurs, le jury d'attribution du label qui a accepté de nous le délivrer, ce qui vient récompenser un engagement pris depuis 7 ans. Je voudrais dédier ce label à tous les bébés et à leurs mamans, qui sont les véritables vedettes, et qui nous encouragent quotidiennement à progresser. Je dédie aussi ce label à tout le personnel de la maternité qui, par son dynamisme, sa disponibilité, sa gentillesse, sa capacité de se remettre en question, a su créer cette atmosphère chaleureuse qui encourage les mamans et nous procure le plaisir et le bonheur de travailler ensemble dans la bonne voie.
Je remercie M. Brulon, Directeur du Centre Hospitalier de Lons-le-Saunier. Je connais sa sensibilité aux valeurs que nous défendons : la relation mère-enfant. Il entendra le message de l'énorme investissement de personnel et de temps, qui va malheureusement à l'encontre des politiques actuelles de restriction des effectifs. J'adresse aussi une pensée au Dr Christine Bechetoille, animatrice de La Leche League, qui nous a guidés dans nos débuts, et a brisé avec naturel et authenticité les préjugés qui nous habitaient. Et au Dr Gro Nylander, gynécologue norvégienne, femme engagée de longue date dans le soutien à l'allaitement, et qui a su trouver les mots d'encouragement pour nous engager sur le chemin du label.
Enfin, à titre personnel, je dédie ce label à ma femme Sylvie, qui m'a permis de vivre au quotidien le bonheur de l'allaitement, et de prendre conscience que le professionnel de santé que j'étais alors, avec ses maladresses et ses méconnaissances, était davantage un handicap qu'un soutien à l'allaitement.
Pour terminer, l'attribution de ce label à une maternité française « standard » est aussi un appel à toutes les équipes désireuses d'améliorer leurs prestations en faveur de l'allaitement. Qu'elles nhésitent pas à se lancer dans le projet Hôpital Ami des Bébés ! Ce projet d'équipe est source de sérénité : sérénité dans les relations, sérénité de vivre, qui profite à tous les bébés, à toutes les mamans, et à tous les acteurs des matemités.
L'engagement de toute une équipe
Mme Christine BALLAND Puéricultrice Cadre de Santé
À la maternité de Lons-le-Saunier, notre aventure sur la « voie lactée » commence il y a plus de 7 ans sur l'initiative d'un gynéco-obstétricien de l'équipe, devenu depuis Chef de service, le Dr SCHWETTERLÉ. Aventure qui a largement dépassé nos ambitions de départ.
En tant que professionnels de santé, nous ne pouvions qu'être convaincus que le lait maternel est l'aliment de choix pour le nouveau-né, mais nos pratiques soignantes n'étaient pas concluantes à l'époque. Par exemple :
• moins de la moitié des mères donnaient le sein en salle de naissance,
• cet acte physiologique s'accompagnait d'un nombre important d'accessoires : sérum physiologique et compresses, pommades diverses, tulle gras, bouts de sein en silicone, téterelles, pesées du bébé, biberons de compléments à titre systématique...
• et lorsque l'allaitement se déroulait sans difficulté, nous, soignantes, soucieuses de sécuriser les mères à domicile, nous leur conseillions de débuter le sevrage quinze jours avant la reprise du travail. L'allaitement se transformait alors rapidement en un allaitement mixte, voire une alimentation au lait industriel. Nourrir son enfant efficacement et sereinement était un idéal à atteindre, mais celui ci restait trop marginal par sa fréquence.
Souder l'équipe autour d'un projet commun
Deux membres de l'équipe partent se former. Elles reviennent conquises, mais éprouvent des difficultés à faire passer leur message. De plus, à cette même période, le nombre d'intervenants de l'équipe pluridisciplinaire s'étoffe, puisque cette petite maternité hospitalière effectuant 300 accouchements par an fusionne avec deux autres maternités de la région. C'est alors que le projet allaitement devient un véritable projet de service, une opération de grande envergure débute. Nous faisons appel à des spécialistes de l'extérieur, et initions une formation intra muros de l'ensemble du personnel du Pôle Mère-Enfant. Plus de 90 personnes sont ainsi formées à raison de plusieurs sessions de 48 heures. La liberté de ton, la richesse des échanges, sans oublier la qualité exceptionnelle des formatrices de La Leche League France (le Dr Christine Bechetoille en tête, ainsi que Dominique Martinon), créent une véritable dynamique de fond. L'ensemble de l'équipe obstêtricale et pédiatrique adhère à cette remise en question des pratiques : le Dr Francis Schwetterlé, obstétricien et chef de service, les Drs Jean-Pierre Chabroux, Jacques Cousin, Jean-Claude Deschamps et Roland Weber, obstétriciens, et les Drs Alain Cathenoz, Brigitte Cousin, Richard Destuynder et Thérèse Simerav, pédiatres.
Auxiliaires de puériculture, puéricultrices de services et de secteurs, sages-femmes hospitalières et libérales, pédiatres et obstétriciens, toutes et tous découvrent l'utilité et la simplicité de la position du bébé au sein. Le discours devient commun, et la cohérence des actions s'affine. Nos pratiques soignantes évoluent vers la simplicité des techniques. Elles s'orientent sur le besoin fondamental de toutes les mères : créer des liens avec son enfant. Ce soin éducatif, cette relation aidante, s'inscrivent petit à petit dans notre conception des soins en maternité, où l'enfant et sa mère sont les principaux acteurs. L'engagement sur cette voie de la physiologie induit, au sein de l'équipe, une véritable refonte des esprits.
Des réunions de suivi et de remise à niveau avec les mêmes formateurs se déroulent deux fois par an, assurant la continuité et l'amélioration du champ de nos compétences. Il s'agit de retrouver des gestes simples, en confortant la jeune mère dans son potentiel à mettre en route une lactation, en lui rendant confiance en sa capacité à allaiter. L'équipe apprend à « accompagner » ce choix. Il convient ainsi de soutenir la mère dans son projet, de la responsabiliser, et non de la remplacer.
Dans un premier temps, le Dr Schwetterlé décide d'assurer lui-même les séances collectives de préparation à la naissance pour les futures mères sur le thème de l'allaitement. Actuellement, ces séances d'information sont dispensées par l'équipe des auxiliaires de puériculture, sous la responsabilité du Cadre de Santé Puéricultrice. Par ailleurs, des staffs communs sont organisés avec les soignantes et l'équipe d'encadrement du Pôle Mère-Enfant (Christine Balland, cadre de santé puéricultrice maternité, Marie-Jeanne Dole, sage-femme chef d'unité maternité, Catherine Jeanneret, sage-femme chef d'unité gynécologie, Mireille Lacroix, cadre pédiatrie), en présence de Mme Annick Beaudou, animatrice du groupe LLL Jura, de Mme Natacha Bertaux, sage-femme libérale et Associé Médical de LLL, et des puéricultrices référentes de PMI du secteur (Anne-Marie Coché, Valérie Baeza).
Une réflexion sur la naissance
Cet investissement de chacun déborde rapidement sur l'ensemble de l'histoire de la grossesse, et sur la sérénité de la venue au monde. L'équipe des salles de naissance a alors l'ambition de mettre en avant cette même qualité d'accompagnement. Nous œuvrons afin de ne pas déposséder la jeune mère de la naissance de son enfant. Nous essayons, bien au contraire, de la laisser vivre pleinement ce moment intime. Nous favorisons le contact immédiat en peau à peau, afin que se tissent précocement des liens entre le nouveau né et sa mère. Le père fait partie intégrante de ce moment fort, et ce même accueil contre son torse nu lui est conseillé. Un « don de colostrurn » (c'est-à-dire une tétée) est proposé à toutes les femmes dans les minutes qui suivent la venue au monde. Il semble que les mères qui ont fait le choix de l'alimentation au lait industriel apprécient particulièrement ce moment de tendresse et de partage que nous leur rendons désormais possible.
La promotion de l'allaitement est un objectif de santé publique. Cet accompagnement des mères ne relève-t-il pas des soins éducatifs, des soins relationnels reconnus par le décret n' 93.345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier ? Et, par conséquent, ces soins ne peuvent-ils pas être assurés avec la collaboration d'auxiliaires de puériculture, dont le rôle s'inscrit dans une approche globale, impliquant une prise en charge psychologique et comportementale de la mère hospitalisée en maternité ? Le code de déontologie de la profession de sage-femme mentionne que cette professionnelle de santé s'engage à assurer les soins conformes aux données scientifiques du moment que requièrent la patiente et le nouveau-né. Dans notre service, tous les acteurs de santé se sont fédérés autour de ce merveilleux projet de service, qui respecte les droits de la parturiente, des enfants et des hospitalisés. Ainsi, c'est en aidant les parents à découvrir leurs potentiels, en les encourageant à tisser des liens affectifs précoces, nécessaires pour la vie entière, que nous les accompagnons dans l'accomplissement de leur rôle.
Notre démarche pour la demande d'obtention du Label « Materirité Amie des Bébés » s'inscrit en parallèle à une démarche de qualité. Nous devions satisfaire aux 10 critères définis par l'OMS et l'UNICEF :
1. Adopter une politique d'allaitement maternel formulée par écrit, et systématiquement portée à la connaissance de tous les membres de l'équipe soignante.
2. Donner à tous les membres de l'équipe soignante les compétences nécessaires pour mettre en œuvre ce règlement.
3. Informer toutes les femmes enceintes des avantages de l'allaitement et de sa pratique.
4. Aider les mères à mettre leur enfant au sein dans l'heure qui suit la naissance.
5. Indiquer aux mères comment démarrer l'allaitement et comment entretenir leur lactation, même si elles sont séparées de leur bébé.
6. Ne donner au nourrisson allaité aucun aliment ou boisson autre que le lait maternel, sauf indication médicale.
7. Laisser l'enfant avec sa mère 24 heures sur 24.
8. Encourager l'allaitement à la demande.
9. Ne donner aux enfants allaités aucune tétine ou sucette.
10. Encourager la constitution d'associations de soutien à l'allaitement, et en donner les coordonnées aux mères dès leur sortie de maternité.
Pour notre évaluation, un audit a été réalisé sur trois jours par un comité d'évaluateurs internationaux, tous professionnels de santé et spécialistes en lactation. Après tirage au sort, les évaluateurs ont interrogé les usagers et les différents acteurs de santé. Ils ont évalué l'adéquation entre la charte de la maternité en faveur de l'allaitement et la mise en application de notre politique. Ils ont ensuite rédigé un rapport d'expertise. Au vu de ce rapport, sous l'égide de la CoFAM (Coordination Française pour l'Allaitement Maternel), un comité d'attribution s'est réuni le 22 novembre 2000. Il était présidé par le Professeur Lequien, Chef de Service du service de médecine néonatale au CHU de Lille, et composé de professionnels de santé médicaux et paramédicaux spécialistes de l'allaitement, et ayant, pour certains d'entre eux, une expérience d'évaluation au niveau national en ce qui concerne l'IHAB (Initiative Hôpital Ami des Bébés).
Ce comité pouvait choisir d'attribuer un des trois labels suivants : Label International « Hôpital Ami des Bébés » (respect des 10 conditions et taux d'allaitement > 75 %), Label National (taux d'allaitement < 75 %), ou Certificat d'Engagement pour encourager le travail déjà effectué. Notre taux d'allaitement étant à 65 % (taux d'allaitement exclusif, hors tout complément), la maternité de Lons s'est donc vue décerner ce jour-là le Label National « Maternité Amie des Bébés », en présence de Monsieur Bruion, notre directeur, qui est sensible aux valeurs que nous défendons.
Ce label est une première en France ! Nous rejoignons ainsi les 300 hôpitaux d'Europe et les 15 000 services du monde qui l'ont obtenu.
Un résultat dont nous sommes fiers
Ce label, valable pour 4 années, constitue une reconnaissance du travail accompli par tous les membres d'un service, impliqués autour d'un projet commun motivant. Que les enfants soient nourris d'amour et de lait est notre objectif. Nous avons dépassé ces ambitions de départ puisque, à ce jour, tous les bébés et toutes les mamans profitent des modifications de nos pratiques. En effet, c'est un climat de sérénité, une atmosphère chaleureuse, propices à tous, qui règnent à présent dans le service, et rejaillissent sur l'ensemble de nos prestations.
Ce label auquel nous avons osé postuler et que nous venons d'obtenir, nous en sommes tous très fiers. Il signifie en fait pour nous plus qu'un label. Il est désormais avant tout le garant d'un savoir-faire, d'un savoir-être, dont nous faisons profiter toutes les mamans et tous les bébés. Selon FARH (I'Agence Régionale de l'Hospitalisation), la maternité de Lons-le-Saunier, qui pratique la moitié des accouchements du département (environ 1 450 par an), a démontré qu'elle avait pu « parvenir à un niveau de qualité remarquable au plan national » dans une région pourtant « défavorisée en terme de santé publique ». C'est à toutes les mères et à tous les bébés que nous dédions ce label, ainsi qu'à toutes les personnes qui nous ont soutenus dans notre démarche.
Nous espérons que ce label, attribué à une maternité « standard », utilisant les techniques contemporaines de l'obstétrique moderne, niveau Il B, sera un appel à toutes les équipes désireuses de se lancer dans cette aventure qui passe par l'amélioration des prestations. Que cette démarche fasse tâche d'huile, ou plutôt tâche de lait ! En effet, « ce qu'apporte l'allaitement en dehors de la nourriture est bien du domaine de l'esprit, du cœur, de l'invisible et du non mesurable » (Dr Serge Bizieau, Chef de Service de l'Hôpital de Villeneuve-la-Garenne, Allaiter aujourd'hui n° 6, 1991).
Un cheminement commun vers un même objectif
Mme Annick BEAUDOU, Animatrice du groupe LLL Jura-Lons
Printemps 95. Animatrice dans la banlieue parisienne, j'arrive dans le Jura, enceinte de mon cinquième enfant. Premier rendez-vous en maternité avec le Dr Schwetterlé. Il écrit sur mon dossier de parturiente « Animatrice LLL », et me dit : « Une animatrice LLL à Lons ! Nous vous attendions ! » (Il n'y avait pas encore de groupe d'aide aux mères allaitantes dans le Jura).
Ainsi commençait, et plutôt bien, notre route commune auprès des mères. Je savais pouvoir faire confiance aux pratiques de la maternité en matière d'allaitement, et la maternité me recommandait auprès des mères : acteurs communs, et démarche commune pour une action commune. Aujourd'hui, le groupe LLL Jura-Lons existe depuis six ans. Il a été rejoint par deux autres groupes jurassiens, LLL Jura-Dôle (Nord du Jura), animé par Viviane Géhin, et LLL Jura-Centre, animé par Béatrice Sourice.
La maternité nous a proposé de recevoir, une fois par semestre, les réunions de mères de notre groupe. Depuis deux ans, sur l'invitation de Catherine Jeanneret, Cadre Sage-Femme, et de Christine Balland, Cadre Puériculture, je participe aux staffs pédiatrie gynéco maternité tous les deux mois. L'invitation est claire : « Il nous manque un point de vue différent de celui des professionnels de santé. » La PMI et une sage-femme vont aussi rejoindre ce groupe. Parce que, sur cette route où nous sommes quelques-uns à marcher, il nous faut encore d'autres compagnons de route : tous ceux qui croisent les mères dans leur aventure d'allaitement. Les mères ont besoin de la même information, quelle qu'en soit la source.
La sous-information du grand public, et celle (malgré eux) des professionnels de santé, laissent blanche la page suivante de ce travail. Le décernement du label Hôpital Ami des Bébés à la maternité régionale de Lons nous conduit vers une nouvelle étape de cette histoire qui ne veut plus s'arrêter. Il nous faut « embaucher » de nouveaux « acteurs » : il nous faut poser de nouvelles briques, ajouter du ciment, afin que le travail de chacun soit solide, jusqu'à ce que nous avons reconstruit ce qui existait depuis la nuit des temps, culturellement, naturellement.
L'évolution est inscrite sur mon cahier de permanence téléphonique : novembre 2000, décemement du label Hôpital Ami des Bébés, janvier 2001, nouveau millénaire, les mères téléphonent parce qu'elles tiennent à allaiter, elles n'ont pas de doutes, elles croient en elles, leur lait est riche et bon... elles veulent juste en savoir plus. J'ai gardé l'oreille accueillante et attentive, mais mon rôle a changé. Dès la maternité, les femmes ont appris (est-ce le bon terme ?) à allaiter efficacement ; la rencontre mère-enfant (et père-enfant) a été permise, respectée, encouragée. C'est une formidable évolution qui autorise l'allaitement, naturellement.
Dans le Jura, pays de traditions, vert et rural, nous avons changé de millénaire. Il y fait bien meilleur qu'aiIleurs pour allaiter ses enfants !
Un processus qui s'inscrit dans une démarche de qualité
Dr Claire LAURENT, Généraliste, et Dr Marie-Claude MARCHAND, Pédiatre
En l'absence d'un Comité National d'Allaitement en France, cette première évaluation s'est déroulée sous l'égide de la CoFAM (Coordination Française pour l'Allaitement Maternel), association dont le but est de mettre en œuvre des actions concrètes en faveur de l'allaitement et regroupant des associations de mères, des associations de formation des professionnels de santé, des professionnels de santé et toute personne intéressée.
C'est bénévolement que le groupe de travail IHAB de la CoFAM a assuré la coordination de l'ensemble du processus d'évaluation et d'attribution du label, y compris les comptes-rendus de toutes ces phases. Le Comité Français pour l'UNICEF et le Mnistère de la Santé ont été tenus régulièrement informés de l'évolution du processus d'évaluation et de son déroulement. Leur soutien a été sollicité à chaque étape : ces démarches sont restées parfaitement vaines !
Les évaluateurs, assistés par le Docteur Guzman, coordinateur de l'H IAB en Espagne, étaient volontaires. Tous étaient des professionnels de santé ayant une bonne connaissance du travail en maternité, compétents en matière d'allaitement, avec une expérience de formation et, pour certains, un diplôme de consultant en lactation. Aucun n'avait de lien avec le lieu à évaluer (travail antérieur, participation à des formations... ), ils se sont tous engagés au respect de la confidentialité concernant l'évaluation.
L'équipe de la maternité de Lons avait, depuis plus d'un an, franchi la première étape du processus en remplissant le questionnaire d'auto-évaluation, ce qui lui avait permis de vérifier son niveau de conformité avec les règles mondiales et de définir les améliorations éventuelles. Deuxième étape : l'évaluafion conduite selon les directives de l'UNICEF. Afin de vérifier dans quelle mesure l'établissement met en œuvre les 10 conditions et élimine la fourniture gratuite de substituts du lait maternel, les évaluateurs se basent sur :
• des entretiens avec la direction et le personnel soignant,
• des entretiens avec les mères, en prénatal et en postnatal,
• l'observation des pratiques en salle de naissance et en suites de couches,
• l'examen des documents écrits, politique d'allaitement maternel, programme de formation du personnel, conseils prénatals.
Les outils d’évaluation, questionnaires et guide de notation, fournissent une série de normes qui ont fait l'objet d'un accord au niveau international et qui constituent des références objectives permettant au Comité d'attribution du label de porter un jugement (troisième étape).
Le Comité d’attribution, également constitué de personnes volontaires professionnels de santé, représentants d'association et usagers, était présidé par le Pr Pierre Lequien, chef du service de médecine néonatale au CHU de Lille, secrétaire de la Fédération nationale des pédiatres néonatalogistes et membre du conseil scientifique de la CoFAM.
La première préoccupation du comité a été de définir les critères d'un label national. En effet, le label international demande que 75 % des bébés soient allaités à la naissance. Très peu de maternités en France peuvent y parvenir, il y a donc un risque de manque de mobilisation vis-à-vis de l'initiative si l'on ne propose pas une étape intermédiaire. À l'instar de nombreux autres pays, il est possible de créer un label national tout en respectant des exigences rigoureuses pour être crédible.
Les critères retenus actuellement tiennent compte :
• de la progression du pourcentage de nouveau-nés allaités sans taux minimum. L'établissement doit être capable de donner, sur plusieurs années, des chiffres précis sur l'alimentation des nouveau-nés, allaitement à la naissance, à la sortie de la maternité, allaitement exclusif ou mixte, compléments....
• du travail de réseau, avec l'existence de liens ou d'actions en dehors du cadre de l'hôpital ; en particulier, collaboration avec la PMI, les sages-femmes libérales, les médecins généralistes, les groupes de mères.
Ce label est donné pour une période de 4 ans. Après examen du rapport d'évaluation, c'est donc un label national « Ami des bébés » qui a été décerné à la maternité de Lons. Dans cette maternité, le taux d'allaitement est passé de 49 % en 1991 à 63,9 % au premier semestre 2000.
Pour continuer l'HIAB, une réunion sera organisée prochainement à Lille avec le Pr Lequien afin de définir les modalités de sélection et de renouvellement des membres du Comité d'attribution et des évaluateurs (formation sur le processus de l'initiative, absence de conflit d'intérêt... ), formaliser les critères d'attribution du label national, et surtout proposer une stratégie pour le développement de l'Initiative en France.
Ce processus d'attribution d'un label s'inscrit tout à fait dans une démarche qualité comparable à la démarche d'accréditation des hôpitaux. Le travail à accomplir par une équipe pour parvenir au label dépasse largement le soutien de l'allaitement pour retentir sur l'accompagnement des premières relations familiales.
Les membres de la CoFAM, et ceux qui accompagnent et soutiennent son action, ne désespèrent pas de convaincre les pouvoirs publics de l'opportunité de son action, et d'obtenir un soutien qui exprime l'importance accordée dans notre pays à l'allaitement maternel.
L'évaluation en pratique
Mme Marie DIT CALAIS, Sage-femme chef d'unité
Une évaluation « maternité amie des bébés » s'est tenue à l'hôpital de Lons-le-Saunier, les 26, 27 et 28 octobre 2000. En l'absence d'un Comité National d'Allaitement, cette première évaluation en France s'est déroulée sous l'égide de la CoFAM.
Nous étions six évaluateurs, Le rôle de coordinatrice de l'évaluation revenait à Claire Laurent, médecin, formatrice en allaitement. Les conseils d'un pédiatre espagnol, Luis Ruiz Guzman, coordinateur national de l'Initiative hôpitaux amis des bébés (IHAB) dans son pays, nous ont été fort utiles. Les autres évaluateurs étaient Marie-Claude Marchand, pédiatre, Sylvie Balmer, infirmière qui a une expérience dans un hôpital ami des bébés en Suisse, Régine Prieur, sage-femme exerçant dans un petit hôpital en France, formatrice en allaitement, et moi-même, sage-femme chef d'unité, qui travaille dans un gros hôpital en France (2 300 naissances par an).
Chaque évaluateur a longuement consulté les directives d'évaluation traduites de l'anglais avant l'évaluation proprement dite. La traduction anglaise posant des problèmes de sens, les évaluateurs ont fait une relecture commune des directives d'évaluation. Tous les évaluateurs s'étant engagés à maintenir le caractère confidentiel de l'évaluation, je me limiterai donc à donner le déroulement global et mes « impressions » sur cette évaluation.
Nous nous sommes réparti le travail d'évaluation. Dix membres du personnel ont été interrogés, toutes professions confondues, dix femmes ayant accouché normalement, cinq femmes ayant subi une césarienne, cinq mères dont les enfants ont été hospitalisés en néonatalogie, dix femmes enceintes rencontrées dans le service de consultation. Le personnel de nuit a été inclus dans l'évaluation. Nous avons visité le service de jour et de nuit, quatre d'entre nous ont assisté à un accouchement. Un évaluateur a assisté à une préparation à la naissance.
L'ambiance du service nous a semblé très calme, les mères nous sont apparues détendues et bien entourées, le personnel dans sa totalité a montré une très forte motivation pour l'aide et le développement de l'allaitement maternel, nous avons perçu un professionnalisme de l'allaitement avec des réflexes bien ancrés, utiles en cas d'afflux de travail. Tout le personnel avait reçu une formation, et un « staff » d'allaitement bimestriel existe afin de rediscuter des situations d'allaitement difficiles et éventuellement d'y remédier les fois suivantes. Le chef de service (le Dr Schwetterlé) et les surveillantes (Mmes Jeanneret et Balland) nous sont apparus avoir un rôle très moteur dans les projets engagés. Nous avons remarqué dans le personnel soignant une certaine fierté professionnelle tout à fait légitime.
Nous avons pu constater leur engagement par de nombreux détails, par exemple : le service de maternité est équipé en lits récents et esthétiques munis de barreaux, ce qui permet à la maman de garder son bébé en toute sécurité. La maternité de Lons-le-Saunier a également mis en place le don de colostrum : le personnel propose à toutes les mères, même à celles qui n'ont pas émis le désir d'allaiter, de mettre une fois leur bébé au sein, afin que celui-ci profite des intérêts du colostrum.
La situation de Lons-le-Saunier n'est pas parfaite, comme le souligne avec modestie monsieur Schwetterlé, mais elle est actuellement très enviable pour de très nombreux hôpitaux et cliniques françaises. Mon expérience professionnelle m'a montré combien il était difficile de changer les comportements des soignants et des médecins. Pour obtenir le label international, il est nécessaire d'avoir un taux d'allaitement à la maternité de 75 %, ce taux n'est atteint dans aucune maternité en France ; la maternité de Lons-le-Saunier avait un taux de 65 % au moment de l'évaluation ; elle a donc reçu un label national. L'attribution de ce label offre l'occasion de valoriser les hôpitaux qui font des efforts en faveur de l'allaitement, il peut informer les futures mères sur la qualité de l'accompagnement effectué en matière d'allaitement.
Cette attribution, pour la première fois en France, du label Matemité amie des bébés va probablement susciter d'autres demandes des hôpitaux et cliniques. On voit émerger petit à petit dans le corps médical un intérêt pour l'allaitement. En France, notre retard en matière d'allaitement est considérable, et il est nécessaire pour de nombreux services d'obstétrique de changer radicalement leur fonctionnement. L'Initiative « Hôpital ami des bébés » constitue un guide qui permet de mettre en œuvre ce changement sans perte de temps. Il contient toutes les dispositions qui permettent aux mères de réussir leur allaitement, en leur évitant bien des frustrations.
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