Article publié dans les Dossiers de l'Allaitement numéro 66 (Janvier-Février-Mars 2006)
Véronique Blet, animatrice LLL, et Marie Courdent, animatrice LLL, formatrice LLL France Formation, puéricultrice, consultante en lactation IBCLC.
Faute d’informations correctes et d’un accompagnement approprié, Madame B. n’a pas allaité ses deux premiers enfants comme elle le souhaitait. Durant sa troisième grossesse, elle s’est documentée et a fréquenté un groupe de soutien de LLL. Elle a accouché à terme par césarienne programmée d’une petite Elise, 3200 g. Les premiers jours d’allaitement ont été marqués par des crevasses importantes tout autour du mamelon, avec abrasion du bout des mamelons, et saignements.
Après avoir contacté LLL, Madame B. a choisi de suspendre momentanément les mises au sein, et de tirer son lait. Le personnel de la maternité lui a installé un tire lait sur la prise de vide qui se trouvait dans la nurserie. Ce système de pompage était douloureux, et les crevasses continuaient à saigner. De plus, le fait de devoir se déplacer pour tirer du lait à 72h de la césarienne était particulièrement pénible. La maman a demandé à une société de location de lui livrer un tire lait Médéla Lactina simple pompage. Cette initiative a été très mal vue par la puéricultrice de la maternité qui tout d’abord, sous des prétextes de sécurité incendie, a refusé l’utilisation de ce matériel. Elle a ensuite dit à la maman qu’il y avait dans le service ce genre de matériel moderne mais qu’il n’était proposé aux mères en location qu’à la sortie du bébé, car elle ne voyait pas l’avantage de ce tire-lait par rapport à celui du service branché sur le vide. Le bébé a reçu exclusivement du lait maternel exprimé, donné au gobelet pendant 48 heures. L’utilisation du gobelet a été bien expliquée par le personnel de la maternité. Le poids du bébé a stagné pendant cette période. Par la suite, il y a eu réintroduction progressive des tétées, un des seins étant plus atteint que l’autre. Le bébé a été remis au sein exclusivement à J7 sans difficultés, son poids, qui était de 3025 g, a recommencé à monter régulièrement. L’élimination du méconium a pris 5 à 6 jours.
Les crevasses ont guéri totalement au bout d’un mois grâce à une meilleure position du bébé, au fur et à mesure que la maman retrouvait une bonne autonomie, avec séchage des seins à l’air libre et application de lait de fin de tétée. A 1 mois, le bébé pesait 3720 g. Ses selles ont été rares à partir de cet âge : environ une tous les dix jours, mais émises sans aucune difficulté et d’aspect parfaitement normal. La prise de poids était bonne (800 g par mois en moyenne pendant les 4 premiers mois). Elise souffrait par contre de nombreuses rhinites et rhino-pharyngites.
Aux alentours des six mois d’Elise, Madame B. a commencé à lui proposer des aliments solides, fruits et légumes ; les quantités absorbées par le bébé étant infimes, les selles continuaient à avoir la même fréquence et le même aspect. L’enfant a commencé véritablement à accepter les solides aux alentours de 10 mois. Les produits laitiers n’ont pas été introduits, les tétées étant très fréquentes. De plus, il y avait des antécédents familiaux d’allergie : mère allergique, père ayant fait de l’asthme pendant la petite enfance, sœur aînée ayant eu de l’eczéma et de l’asthme… La mère consommait toutefois beaucoup de produits laitiers.
A partir de cette époque, l’enfant (âgée de 10 mois) a commencé à être réellement constipée. Elle avait des selles desséchées, difficiles à émettre, et pouvait rester plus d’une semaine sans aller à la selle, avec des épisodes où elle se retenait visiblement en serrant fortement les fesses, en tendant tout le corps et en pleurant. L’émission était ensuite particulièrement douloureuse, avec de nombreux pleurs et cris. La prise de poids continuait à être bonne, sauf une stagnation entre 18 et 22 mois au-tour de 10 kg. Un diagnostic de fissure anale a été posé par le généraliste. Les parents ont tout essayé :
• Une diversification alimentaire à base de légumes, fruits et fibres : céréales complètes, jus de pruneaux, jus d’aloès, épinards... Les produits laitiers étaient toujours quasiment absents du régime alimentaire d’Elise.
• Des traitements médicamenteux avec des laxatifs.
• Un traitement homéopathique avec une crème au Ratanhia, Nitric Acidum 9CH, Arsenicum Album 9CH et Chamomilla 9CH.
• Deux séances d’ostéopathie qui ont révélé des tensions assez fortes chez l’enfant, estimées être dues à une forte angoisse au moment de la naissance (césarienne ?).
Une légère amélioration est survenue pendant l’été. Mais à l’automne, les selles étaient à nouveau très sèches, avec émission tous les 7 à 8 jours ; déféquer dans un bain chaud était moins douloureux pour l’enfant. Un pédiatre a vu Elise à l’age de 16 mois : la fissure existait toujours. Un nouveau traitement par laxatif a été entrepris pendant un mois, associé à une crème cicatrisante et à des micro-lavements tous les 2 jours afin de rétablir un certain rythme des défécations. Au bout de ce délai, les douleurs étaient toujours intenses, et l’administration des lavements était particulièrement pénible pour l’enfant et sa mère (qui avait l’impression d’agresser son bébé). L’examen clinique révélait toutefois une cicatrisation de la fissure, et le pédiatre lui a alors parlé de consulter un pédopsychiatre.
Madame B. a décidé de consulter un spécialiste. Elle a été orientée vers le Pr Dominique Turck, gastro-entérologue pédiatrique au CHR de Lille, et fervent défenseur de l’allaitement. Il a d’emblée évoqué l’éventualité d’une fissure anale interne, et il a vu l’enfant (âgée de 20 mois) 10 jours plus tard. L’anuscopie effectuée lors de la consultation a révélé la présence de plusieurs fissures anales. Des prick tests cutanés (lait, soja, blé, amandes, arachides, moutarde, chien, chat) ont aussi été effectués, qui étaient négatifs. Un traitement à base de macrogol 4000 et de crème rectale (quinisocaïne et cétrimide) a été prescrit, ce qui a amélioré la situation sans la résoudre totalement. L’enfant est devenue propre, mais la constipation a perduré.
Malgré la négativité des tests cutanés, et se fondant sur une étude décrivant la constipation comme un signe d’allergie aux protéines du lait de vache (Chronic constipation as a symptom of cow milk allergy. G Iacono. Pediatrics 1995 ; 126 : 34-39. Doss All 1996 ; 26 : 14), le Pr Turck a alors proposé une éviction complète des produits laitiers, y compris sous leur forme cachée dans les produits industriels (lactose, lactosérum, protéines de lait etc.). Cette éviction concernait l’enfant, alors âgée de 28 mois, mais aussi sa mère puisque l’enfant était toujours allaitée. Au bout d'une semaine, les douleurs à l'émission des selles étaient déjà amoindries. Les selles sont passées de une tous les 8/10 jours, avec parfois nécessité d'un micro-lavement, à une tous les 4/5 jours. Au bout de 15 jours, il y avait une selle tous les 2/3 jours. Elles étaient bien plus molles, et surtout sans « bouchon ». Au bout d’un mois, la fillette faisait une selle par jour, sans douleur ni frayeur. Elise s’est avérée vraiment très sensible aux protéines du lait de vache : la consommation de 2 petits biscuits apéritifs a fait réapparaître la constipation pendant 2 semaines. Cette éviction totale a été difficile à gérer par la famille, et difficile à vivre pour l’enfant. Elise a actuellement 43 mois. Après 15 mois d'éviction la plus stricte possible de toutes les PLV, une réintroduction prudente des laitages a été possible en faible quantité (sinon la constipation réapparaît). Les symptômes ont disparu. Elise va à la selle sans crainte et sans douleur. La poursuite de l'allaitement a permis un apport calcique correct sans compléments.
Bonjour ,
Merci pour votre article ! Je crois être moi même atteinte de ce problème... Depuis cette été à la suite de vacance je me suis retrouvée complètement constipée.. Je me suis traiter par intermittence avec des laxatif de lest pour éviter la tolérance de mon corps, tout en essayant de trouver la cause de mon problème.. Après plusieurs mois de recherche et test alimentaire je peux quasiment affirmer que mes constipations sont dues aux produits laitiers.. La diarrhée étant le symptôme de base avec l intolérance au produit laitier, les gens mont pris pour une folle pendant un bon moment mais grâce à votre article j' ai une preuve de mon hypothèse..
Merci
Bonjour,
Merci pour cet article; je peux moi même témoigner que pour mon fils APLV retardée, la constipation a été le premier symptôme apparent.
Heureusement pour moi, j ai vite pensé au lait de vache. Les femmes allaitantes ne sont pas suffisamment alertées sur ce point il me semble.
Bonjour,
Ayant eu deux premiers enfants allergiques aux protéines de lait de vache, j'ai pensé que me petite troisième ferait exception, car après 4 mois d'allaitement, pas de sang dans les selles (c'était le symptôme des deux premiers).
Du coup, je me suis un peu lâchée avec les produits laitiers...et dès 4 mois, à l'introduction des solides, bébé ne mange presque rien de ses petits pots. Puis dès 7 mois, constipation chronique...
Cet article m'éclaire au moment où je rentre de chez le pédiatre avec une grosse boîte de laxatifs (6 semaines de traitement madame, on se voit après)! Merci, je commence le régime demain, mais attention: il faut tenir compte des allergies croisées: pas de lait de soja, pas de lait de brebis ni de chèvre (pour ma première, je l'ai su trop tard et ai dû arrêter d'allaiter en catastrophe).
On peut tout cuisiner au lait de riz ou à la crème de riz (des crèpes aux glaces...). Merci merci merci pour cet article.
Bonjour,
Ma fille a toujours été constipée et plus sévèrement a l'approche de ses 2 ans. Sa constipation pouvait durer jusqu'à 2 semaines. Lorsque je suis tombée sur cet article, j'ai pris la décision d'arrêter de lui donner le lait infantile pendant 1 mois. Et depuis, elle fait dans sa couche tous les jours ou tous les 2 jours maximum. Ma quête n'est pas terminée car je tente maintenant de me renseigner pour savoir ce qu'elle doit prendre à la place du lait infantile classique. Merci infiniment pour ce témoignage qui m'a permis d'éviter à ma fille de plus longues souffrances.
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