Article publié dans les Dossiers de l'Allaitement numéro 62 (Janvier - Février - Mars 2005)
La prolactine (PRL) est une hormone peptidique synthétisée et sécrétée par les cellules lactotropes de l’antéhypophyse, qui représentent environ 20 % à 50 % de la population cellulaire antéhypophysaire. Elle comporte 199 acides aminés. Son poids moléculaire est de 23 000 daltons. Elle forme avec l'hormone de croissance (GH) et l'hormone placentaire lactogène (PL) une famille d'hormones peptidiques présentant d'importantes similitudes structurales. Pendant la lactation, elle favorise le maintien des cellules sécrétrices, la stabilité des jonctions intercellulaires, la synthèse des protéines et du lactose. Elle exerce en outre de nombreuses fonctions plus ou moins bien connues dans le domaine de la reproduction mais aussi celui de l'immunité.
Dans le sang, la prolactine se présente essentiellement sous forme monomérique. Les formes oligomériques, la « big » et la « bigbig » prolactine ne sont pas prises en compte dans les dosages radioimmunologiques, et leurs éventuelles activités biologiques ne sont pas connues. Le gène de la PRL est situé sur le chromosome 6 chez l'être humain. La prolactine est synthétisée sous forme d'une molécule précurseur ou préprolactine possédant une séquence signal de 28 aa, cette séquence étant nécessaire pour le transport de l'hormone dans la cellule. Celle-ci cheminera ainsi dans la lumière du reticulum endoplasmique et l'appareil de Golgi avant de se concentrer dans les granules de sécrétion. La libération dans la circulation sanguine se fera par un processus d'exocytose qui correspond à la fusion de la membrane du granule avec la membrane plasmique.
Synthèse et sécrétion
La prolactine est synthétisée par l’antéhypophyse, mais aussi au niveau du placenta, de l’utérus et de la glande mammaire. De très nombreux facteurs interviennent dans le contrôle de la biosynthèse et de la sécrétion de la prolactine. Sa sécrétion est contrôlée par divers facteurs : le PIF, sécrété par l’hypothalamus, exerce un rétrocontrôle négatif ; la dopamine inhibe la sécrétion de prolactine ; elle est stimulée par la succion de l’enfant grâce à un arc réflexe neuroendocrine. L’hyperprolactinémie lactationnelle contribue à l’infertilité du post-partum. Parmi les facteurs stimulateurs de la synthèse et la libération de PRL, aucun ne semble être dominant. Ainsi, la TRH (thyrotropin releasing hormone), outre son action stimulatrice sur la TSH (thyroid stimulating hormone) hypophysaire, augmente la sécrétion de PRL. Le VIP (vasointestinal peptide), et l'angiotensine II ont un impact similaire. La régulation périphérique est dominée par les œstrogènes, qui stimulent la synthèse et la sécrétion de PRL, ce qui explique l'hyperplasie hypophysaire habituellement observée au cours de la grossesse. Les hormones thyroïdiennes inhibent la sécrétion de prolactine essentiellement par une action directe sur la libération de la dopamine.
Il existe une sécrétion basale de prolactine, chez l’homme comme chez la femme. Son taux hors grossesse est de 5 à 27 µg/l. Cette sécrétion évolue par pics (9 à 14 pics par 24 heures, le rythme de pulsatilité étant d’environ 90 min), qui sont intriqués à des variations circadiennes ; le taux est le plus bas en fin de journée, et il est le plus élevé pendant la nuit (de façon indépendante du sommeil chez les humains) et en début de matinée, avec un pic plus tardif que le pic de l’hormone de croissance. Il semble que le sommeil lent soit associé à la sécrétion nocturne de prolactine. Son taux fluctue aussi chez la femme, à partir de la puberté, en fonction du cycle, avec des taux bas au cours de la phase folliculaire et un taux maximal au moment du pic ovulatoire. De nombreuses situations physiologiques sont à l'origine d'une augmentation de la prolactinémie, comme le stress, imposant ainsi le recueil de sang pour le dosage de prolactine 15 minutes après la pose du cathéter.
Pendant la grossesse, son taux sérique augmente essentiellement à partir de 10 semaines de grossesse, pour culminer aux alentours de 150 à 250 µg/l pendant le 3ème trimestre de grossesse. Avant l’accouchement, la progestérone inhibe l’impact de la prolactine sur ses récepteurs au niveau des lactocytes. De plus, la prolactine abaisse la fixation des œstrogènes sur leurs récepteurs, et elle exerce une compétition avec les glucocorticoïdes pour leur fixation sur leurs récepteurs. La prolactine inhibe aussi la synthèse de la bêta-caséine. En post-partum précoce, la lactation démarre parce que le taux de progestérone et d’œstrogènes chute brutalement dans les deux premiers jours post-partum, tandis que le taux de prolactine baisse progressivement sur des mois. La prise d’un anti-progestatif (comme le RU-486) augmente la production lactée.
Pendant la lactation, les variations sont similaires à celles décrites hors grossesse, avec des pics supplémentaires liés aux tétées, et un taux pouvant aller de 40 à 300 µg/l. Le taux basal est fonction de l’importance et de la fréquence des pics. Dans le sang, la prolactine est liée à une protéine (Prolactin Binding Protein, PBP) à 36 % ; un taux circulant élevé de PBP inhibe l’activité de la prolactine. Cette protéine fixe aussi l’HGH. Pendant la première semaine post-partum, le taux de prolactine baisse de 50 % (environ 100 µg/l). Jusqu’à 2-3 mois, le taux basal est de 40-50 µg/l, avec des pics liés aux tétées. À partir de 3 mois, le taux basal de prolactine est revenu au niveau antérieur à la grossesse ou légèrement supérieur, avec des pics liés aux tétées qui sont constatés jusqu’à au moins 6 mois.
Pendant la tétée, le taux sérique maternel commence à augmenter dans les minutes qui suivent la mise au sein, pour culminer environ 40 min après le début de la tétée, et revenir au taux de départ environ 3 heures plus tard (si aucune autre tétée n’est survenue entre-temps). Cette réponse à la succion s’atténue avec le temps : si, à 1 mois post-partum, le pic lié à la tétée multiplie par environ 2,5 le taux basal, ce dernier (devenu plus bas) n’est que peu augmenté à 6 mois. Une augmentation du taux de prolactine est nécessaire pour la lactogénèse. Toutefois, un taux similaire à celui hors grossesse permet parfaitement le maintien de la lactation ; la quantité de lait produite n’est PAS liée au taux de prolactine lorsque la sécrétion lactée est bien lancée.
La prolactine est retrouvée dans le colostrum à un taux élevé : environ 150 µg/l. Ce taux baisse rapidement, pour ne plus être que d’environ 50 µg/l à J7, et 20-25 µg/l à J14. Par la suite, ce taux variera suivant le moment de la lactation. Par exemple, il baisse légèrement entre 1 et 2 mois, est au plus bas à 4 mois, remonte ensuite. Il est plus élevé dans le lait de début de tétée que dans le lait de fin de tétée. Il semble que la prolactine présente dans le lait soit en partie synthétisée par la glande mammaire.
Les médicaments susceptibles d’augmenter le taux de prolactine sont ceux qui bloquent les récepteurs dopaminergiques : ainsi, les phénothiazines, l'halopéridol mais aussi le metoclopramide, le dompéridone sont les plus connus. Certains antihypertenseurs comme la méthyldopa, les dérivés opiacés, certains antagonistes du récepteur de l'histamine de type H2 (cimétidine) peuvent être à l'origine d'une hyperprolactinémie. Certains de ces produits sont d’ailleurs utilisés pour cet effet secondaire (essentiellement dompéridone et métoclopramide). (Ndlr : la dompéridone a un effet galactogène rapporté mais n'a pas d'AMM en France pour cette indication)
Les médicaments qui inhibent la sécrétion de prolactine sont essentiellement l’ergotamine, la cabergoline, la bromocriptine, les antagonistes des récepteurs de la dopamine. Les œstrogènes et la progestérone peuvent inhiber la lactation selon des modes différents. Les œstrogènes stimulent le développement de la glande mammaire pendant la grossesse. En post-partum précoce, leur impact sur l’allaitement sera minime, en raison de l’absence de récepteurs. Les progestatifs inhibent la production lactée en post-partum précoce en inhibant la fixation de la prolactine sur ses récepteurs au niveau des lactocytes.
Les récepteurs de la prolactine
Les récepteurs de la prolactine sont présents dans un grand nombre de tissus comme la glande mammaire, le rein, l'ovaire qui sont des organes cibles connus. Le foie aussi est riche en récepteurs de la prolactine ; enfin, les organes lymphoïdes comme le thymus, la rate, les ganglions et la moelle osseuse en sont également pourvus. On les retrouve non seulement sur les membranes plasmiques, mais aussi dans les fractions de l'appareil de Golgi et le cytoplasme. Une forme soluble du récepteur a été mise en évidence dans le lait.
La régulation hormonale des récepteurs est complexe et différente suivant le tissu cible. Dans la glande mammaire, le nombre de récepteurs augmente avec la lactation, augmentation inhibée par la progestérone. Dans le foie, les œstrogènes et l'hormone de croissance stimulent le nombre de récepteurs de la prolactine, tandis que la testostérone en stimule le nombre dans la prostate. Il est probable que le contrôle de l'expression de ces récepteurs s'exerce le plus souvent par le biais de l'hormone elle-même, la prolactine pouvant exercer un effet de régulation positive ou négative sur son propre récepteur, en fonction du taux de prolactine dans le tissu cible, et de la durée d'exposition du tissu à l'hormone.
Rôles de la prolactine
Plus de 85 actions biologiques ont été décrites pour la prolactine, pouvant être classées en sept catégories : les actions associées à l'équilibre hydroélectrolytique, les effets sur la croissance et le développement, une action sur les fonctions de reproduction, des effets métaboliques, des effets sur le comportement, un rôle immunomodulateur, et une action sur la peau.
Chez l’être humain, l'action la mieux connue est celle exercée sur le développement de la glande mammaire et la lactogénèse. La régulation endocrinienne de la lactation fait intervenir de nombreuses hormones qui agissent en association ou séquentiellement. Pendant la période de croissance mammaire qui débute à la puberté, la prolactine est indispensable pour assurer une croissance des canaux alvéolaires. Cette action se fait en association avec les œstrogènes, la progestérone et les glucocorticoïdes. Ensuite, la prolactine est nécessaire au développement des cellules sécrétrices mammaires qui s'effectue au terme de la première grossesse. La lactogénèse correspond à la différenciation finale de la cellule mammaire, et nécessite l'association de la prolactine, des glucocorticoïdes, de l'insuline, et des hormones thyroidiennes. Enfin, la prolactine participe au maintien de la sécrétion lactée. Au niveau de la cellule mammaire, la prolactine stimule la biosynthèse des protéines, des lipides et des glucides du lait. Toutefois, l'action la plus étudiée concerne la régulation de la biosynthèse des protéines du lait (caséine, lactalbumine).
La prolactine exerce aussi de nombreuses actions sur la reproduction, variables suivant les espèces. Ainsi, son rôle modulateur sur la pulsatilité de la GnRH est connu. Il faut aussi noter que la prolactine exerce un rôle stimulateur sur la croissance des follicules ovariens, et sur le nombre de récepteurs de la LH du testicule dès le début de la puberté ou de l'ovaire pendant la phase lutéale. Elle semble aussi influencer le comportement sexuel. Chez la femme, un taux élevé de prolactine est associé à des troubles psychosomatiques comme la grossesse nerveuse. Chez certaines espèces, la prolactine inhibe le comportement sexuel des mâles. La prolactine favorise aussi des comportements de maternage chez de nombreux mammifères, que ce soit avant (nidification) ou après la naissance (comportement de maternage). L’impact éventuel sur le comportement du père reste peu étudié.
Plus récemment, de nombreux travaux se sont intéressés à l’impact de la prolactine sur le système immunitaire. L'hypophysectomie expérimentale chez le rat s'accompagne ainsi d'une diminution de la réponse immunitaire, restaurée par l'adjonction de prolactine. La mise en évidence de récepteurs de la prolactine et d'une synthèse de prolactine dans les lymphocytes périphériques humains, comme l'existence d'une stimulation de la prolifération lymphocytaire chez le rat sous l'effet de la prolactine, renforcent l'idée que la prolactine exerce un rôle immunomodulateur important. De plus le rôle de la prolactine dans certaines pathologies autoimmunes a été aussi constaté (polyarthrite rhumatoïde, par exemple). Enfin, la prolactine exerce une action régulatrice sur la synthèse d'une protéine, la PIP (Prolactin Inducible Protein), dont la particularité est d'avoir été mise en évidence dans la glande mammaire saine ou tumorale. Sa synthèse par d'autres organes comme le placenta ou les lymphocytes amène à penser que la prolactine peut être considérée comme un facteur de croissance exerçant aussi des fonctions autocrines et paracrines.
L’un des rôles les plus récemment découverts est celui sur la régulation et le transport d’eau et de minéraux à travers les membranes cellulaires, la prolactine ayant donc un impact osmorégulateur. Certains aspects sont plus faciles à comprendre, comme son rôle sur le transport de certains minéraux au sein de la glande mammaire. L’une des premières observations a été la constatation du fait que la prolactine abaissait le transport du sodium et augmentait celui du potassium par les cellules épithéliales mammaires en expérimentation animale. Il semble qu’elle agisse par un mécanisme similaire au niveau des néphrons. Mais des études sont nécessaires pour en apprendre davantage. La prolactine semble aussi avoir un impact sur l’angiogénèse ; cette dernière est inhibée par un des fragments obtenus lors de la protéolyse de la prolactine, tandis que la prolactine intacte a une activité angiogénique. Cela pourrait avoir une utilité thérapeutique (utilisation de fragments de prolactine pour l’inhibition de l’angiogénèse tumorale, par exemple).
Conclusion
La prolactine est une hormone dont la physiologie est actuellement de mieux en mieux connue. Nous savons maintenant qu’elle est beaucoup plus complexe à de nombreux points de vue que ce qu’on a longtemps pensé. Sur le plan chimique, la prolactine peut se présenter sous de nombreuses formes, variables suivant leur taille ou leur structure chimique (formes phosphorylées ou glycosylées). Elle est sécrétée au niveau de nombreux tissus, et cette sécrétion peut être stimulée ou inhibée par de nombreux facteurs. Outre son action sur la lactation et la reproduction, commune à de nombreuses espèces, la prolactine exerce diverses autres actions biologiques variables suivant les espèces. La plupart des substances endogènes qui participent à la régulation de la sécrétion de prolactine ont de nombreux sites d’action, et peuvent agir tant sur l’hypothalamus comme des neurotransmetteurs, que sur l’hypophyse comme des neurohormones. Beaucoup de choses restent à découvrir sur son rôle en biologie humaine.
Références
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• Touraine P, Kelly PA. La prolactine et ses récepteurs : de multiples actions aux mécanismes peu connus. INSERM U344.
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