Tout écoulement mamelonnaire sanglant chez une femme non enceinte ou non allaitante requiert impérativement un bilan complet. Ce n’est par contre pas le cas pendant la grossesse et l’allaitement, périodes pendant lesquelles un tel écoulement (souvent peu abondant et brunâtre, d’où le nom de « syndrome du tuyau rouillé ») n’est pas exceptionnel.
Cet écoulement peut avoir pour cause un traumatisme du sein mais il peut aussi être dû à une réaction inflammatoire canalaire (galactophorite), ou, surtout, aux modifications physiologiques de la glande mammaire : augmentation de la vascularisation locale, prolifération glandulaire...
Cet écoulement est alors souvent bilatéral, non limité à un seul canal lactifère. Chez certaines femmes, l’écoulement est unilatéral, voire ne concerne qu’un seul canal lactifère ; il est alors le plus souvent dû à la présence de papillomes intra ductaux.
Il peut aussi ne survenir qu’en début d’allaitement ; dans ce cas, le lait semblera rouge ou brunâtre ; cet écoulement cessera généralement au bout de quelques jours, le lait ayant alors une couleur normale. Cet écoulement pourra parfois passer inapperçu, et n’être détecté que par la présence de sang dans les selles de l’enfant (méléna), si la quantité de sang est importante. Il est indolore, ne pose généralement aucun problème à l’enfant allaité, et l’allaitement peut être poursuivi tant que l’enfant accepte le sein. Les écoulements sanglants semblent être plus fréquents chez les primipares. Une étude de O’Callaghan (Atypical discharge from the breast during pregnancy and/or lactation ; Aust NZ Obstet Gynaecol 21, 214-16, 1981) portait sur 37 cas d’écoulement rouge ou brunâtre, dont le plus précoce était apparu dès le 4ème mois de grossesse ; dans 27 cas, la mère était primipare.
Le cancer intra-ductal est rare. Toutefois, la présence d’un écoulement sanglant persistant toujours après J8 doit donner lieu à un bilan ; l’examen cytologique représente la première démarche, bien que les résultats en soient plus difficilement interprétables chez une femme allaitante.
Premier cas
Présenté par Mme Marie Courdent (Puéricultrice, Consultante en Lactation IBCLC)
Après une grossesse normale, Mme D, primipare, a accouché à terme d’un garçon de 2 640 g, en bonne santé et avec un Apgar de 10. Pour une raison inconnue de la mère, son bébé a été emmené en nurserie, et elle ne l’a revu que 18 heures plus tard pour la première mise au sein ; elle n’a pas réussi à savoir si son bébé avait reçu des biberons pendant tout ce temps.
Cette première tétée s’est déroulée de façon catastrophique. Le bébé a réagi très violemment à toutes les tentatives pour le mettre au sein en pleurant et en se rejetant en arrière. Le fait que plusieurs membres de l’équipe soignante se soient relayés au chevet de la mère pour « l’aider » à mettre son bébé au sein, souvent de façon très « agressive » (en empoignant la tête du bébé pour la coller contre le sein) n’a fait qu’empirer les choses. Quelques heures plus tard, la mère a noté que le colostrum qui s’écoulait du sein droit était brun. Un prélèvement de colostrum a été immédiatement pratiqué pour examen cytologique à la recherche d’un cancer ; on a recommandé à la mère de ne plus donner le sein droit à son enfant, et de tirer son lait de ce côté pour le jeter.
L’allaitement durera 15 jours en tout. 15 jours très difficiles, tant pour le bébé que pour sa mère, qui tirait son lait du côté droit pour le jeter, mais qui arrivait cependant à allaiter exclusivement son enfant, soit directement au sein, soit en lui donnant au biberon le lait tiré du sein gauche. Le saignement au niveau du sein droit s’était arrêté spontanément au bout de quelques jours. A J15, la mère s’est rendue en consultation à la maternité où elle avait accouché. La cytologie n’avait retrouvé aucune anomalie, et l’échographie effectuée à l’occasion de la consultation était normale. La mère présentait une hyperthermie à 40° C, avec rougeur importante au niveau du sein droit. Le gynécologue a diagnostiqué une mastite, et ordonné la prise d’antibiotiques et le sevrage immédiat.
Quatre ans plus tard, la mère garde de cet allaitement le souvenir d’un cauchemar ; elle est persuadée que cet échec de l’allaitement a aussi laissé des traces profondes chez son enfant. Elle n’a plus présenté de saignement mammaire, jusqu’à sa seconde grossesse, 2 ans 1/2 plus tard.
Cette fois, le saignement a débuté pendant le dernier mois de grossesse, toujours au sein droit. Il était peu abondant. Une consultation chez une gynécologue spécialisée dans les pathologies mammaires et une échographie n’ont rien relevé d’anormal. La gynécologue lui a conseillé de surveiller l’écoulement après l’accouchement. Elle a accouché à terme, et sa petite fille a pu téter dans l’heure qui a suivi la naissance. Il n’y a pas eu de saignement, malgré un engorgement très important lors de la montée de lait. La mère était mieux informée sur la conduite pratique de l’allaitement, qui s’est bien déroulé. La fillette a actuellement 18 mois, et elle est toujours allaitée.
Second cas
Présenté par Mme Pamela Morrison (Consultante en lactation), Lactnet 23/8/97.
Une mère a accouché à 31 semaines d’un bébé pesant 1800 g. Elle a subi une anesthésie générale 4 heures après la naissance de son bébé pour curetage d’une rétention placentaire. A J2, la mère a commencé à tirer son lait pour qu’il soit donné à son bébé par gavage. Le colostrum provenant des deux seins était rouge-brun. Les seins étaient souples et indolores. La mère a continué à tirer son lait 7 à 8 fois par jour.
L’équipe du service de néonatalogie n’a manifesté aucune surprise en voyant la couleur du lait donné par la mère, et l’a encouragée à continuer à tirer son lait. A J6, seul le lait provenant du sein droit contenait encore du sang. Cet écoulement sanglant du côté droit a disparu vers J8-J9, moment où la sécrétion lactée maternelle a été bien établie.
Troisième cas
Présenté par Mme Denise Fisher, Lactnet 3/11/97.
Le bébé de cette mère a présenté un abondant méléna alors qu’il était âgé de moins de 24 heures, et un transfert en néonatalogie pour bilan complet a été envisagé. On a demandé à la consultante en lactation travaillant dans le service de montrer à la mère comment tirer son lait pour qu’il puisse être donné à son bébé. En observant la mère pour s’assurer qu’elle avait parfaitement compris comment utiliser le tire-lait, elle a constaté un écoulement mammaire sanglant bilatéral très abondant. On a donc décidé de ne pas transférer l’enfant.
L’écoulement sanglant a disparu au bout de quelques jours ; l’enfant n’a présenté aucun trouble, et aucun examen complémentaire n’a été effectué chez la mère ou l’enfant.
Quatrième cas
Présenté par Chris Mulford (infirmière, consultante en lactation), Lactnet 27/03/2004.
Cette infirmière a constaté tout à fait par hasard un écoulement brunâtre au niveau des deux seins d’une mère primipare pendant le premier jour post-partum. Son bébé semblait peu enclin à prendre le sein, et elle a conseillé à la mère de tirer un peu de lait pour le faire « goûter » au bébé, et le colostrum obtenu avait la couleur du chocolat. Au bout de 24 heures, le colostrum avait une couleur « normale », et la mère a poursuivi l’allaitement sans problème. Lorsqu’elle a accouché de son second enfant, le colostrum était à nouveau de couleur chocolat. Un prélèvement de lait a été fait pour analyse (recherche de sang en particulier), mais les résultats ont été négatifs. La mère a poursuivi l’allaitement sans problème comme la première fois.
Deux autres cas
D'après : Rusty pipe syndrome : counselling a key intervention. Faridi MMA, Dewan P, Batra P. Breastfeed Rev 2013 ; 21(3) : 27-30.
Cette femme de 28 ans a accouché à terme de son 2ème enfant, pesant 2 800 g. La mère a décidé de tirer son lait avant de mettre son bébé au sein pour la première fois, et le lait était rouge-brun. Elle n'a donc pas mis son bébé au sein, et a prévenu une infirmière. L'interrogatoire a retrouvé que son premier enfant avait été admis en néonatalogie après la naissance, et la mère avait tiré son lait pour qu'il lui soit donné, et là aussi son lait était rouge-brun, cette coloration ayant perduré pendant une dizaine de jours. À l'époque, elle avait subi un bilan détaillé à la recherche d'un éventuel cancer, mais tous les résultats étaient normaux. Elle avait cependant décidé de ne pas allaiter cet enfant.
L'examen après ce second accouchement a constaté que les seins étaient parfaitement normaux, la mère n'ayant pas de fièvre ni de signes locaux ou généraux. Le lait provenant des 2 seins était rouge-brun. La mère a été écoutée et rassurée, on lui a fourni de la documentation sur le syndrome du tuyau rouillé afin de répondre à ses questions et à ses inquiétudes. On lui a suggéré de tirer son lait régulièrement et de le jeter, si elle ne se sentait pas suffisamment rassurée pour le donner à son bébé. Le lait exprimé a par ailleurs été analysé, et il était normal en dehors du caractère hémorragique. La mère a toutefois souhaité que son bébé soit nourri avec une formule lactée commerciale pendant qu'elle continuait à tirer son lait. Au bout de 5 jours, la coloration rouge-brun a commencé à diminuer, et elle avait presque totalement disparu à J7. La mère a alors décidé de mettre son bébé au sein. À 4 mois, le bébé était exclusivement allaité.
Cette primipare a accouché à 37 semaines d'un bébé de 2 500 g, qui a été mis au sein rapidement après la naissance. 14 heures plus tard, la mère a signalé au pédiatre que le lait qui s'écoulait des 2 seins juste à la fin de la tétée était teinté de sang. Le bébé tétait sans problème, et semblait tolérer parfaitement ce lait. L'examen des seins était parfaitement normal. La mère a rapporté avoir présenté un écoulement mammaire bilatéral teinté de sang à 7 mois de grossesse, qui avait disparu spontanément au bout de 2 à 3 jours. Du lait a été prélevé pour analyse, et hormis la présence de sang le résultat était normal. On a conseillé à la mère de continuer à allaiter, ce qu'elle a fait. Le lait a commencé à s'éclaircir à J3. Le bébé n'a présenté ni régurgitations, ni vomissements.
En cas de syndrome du tuyau rouillé, l'écoulement est habituellement bilatéral, et il survient en post-partum précoce. Dans certains cas, un écoulement peut survenir pendant la grossesse. On estime qu'il est en rapport avec la prolifération de la glande mammaire, des capillaires pouvant se rompre. Cette rupture peut aussi être la conséquence de pratiques inadéquates d'allaitement, ou d'une expression trop vigoureuse du lait. Un papillome intraductal peut également causer un écoulement sanglant, mais il est alors généralement unilatéral, et provient d'un seul canal lactifère. Même si le syndrome du tuyau rouillé est bénin, il peut inquiéter fortement la mère. Par ailleurs, une enquête auprès de professionnels de santé montrait qu'il les inquiétait également, et que la majorité d'entre eux recommanderaient de ne pas donner le lait au bébé, alors que rien ne permet de penser qu'il pourrait poser un problème chez lui. En pareil cas, il est nécessaire de rassurer la mère sur le fait que son lait ne présente aucun risque pour son bébé, et de la soutenir dans la poursuite de l'allaitement.
Je l'ai eu pour mon premier enfant sur les deux seins. Ça a duré 5 jours après l'accouchement et dès les 6 mois de grossesse. On pensait que je battais ma fille... Personne n'est formée sur ce syndrome et c'est bien dommage... J'ai quand même pu tirer mon lait pendant deux ans :) !
J'espère ne pas revivre ça pour le deuxième.
Bonjour
Merci pour ces informations car ayant eu sa aussi et personnes qui nous rassure au contraire les infirmières était même impressioné en voyant le vomis de mon bébé en effet sa l'était... Il a même était admis en néonatale à cause de ça mais après plusieurs examens et après avoir vu le lait que j'ai tiré rosè ils ont décidé d'arrêter le traitement préventif au bébé et à ce moment là m'ont parlé du syndrome du canal rouillé mais sans plus j'ai du faire des recherches sur le net pour comprendre et l'allaitement arrêté à contre coeur après sevrage que je regrette beaucoup je suis toujours inquiète je me demande si je dois pas consulté ...? N'ayant pas plus de renseignements sur le syndrome que j'ai eu et j'ai l'impression que c' est juste au sein gauche ...
Merci
Merci pour votre site rassurant en toute situation!
J'ai un syndrome de canal rouillé sur un seul sein, probablement un seul canal lactarifère à vue de tire lait. Cela en rose fuschia mes 100ml tiré ce matin. On l'a découvert au vu des regurgitations sanglantes de ma fille de deux mois, assez impressionnant...
C'est mon second bébé, jamais eu ça pour le premier. Je suis sous traitement antibiotiques pour une mastite sévère sur l'autre sein.
Voici mon témoignage, bon allaitement à toutes!
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