À l'instar de l'univers de la finance et de ses agences de notation, l'imaginaire collectif a ses habitudes d'appréciation et de notation et ses grilles d'étalonnage. Que l'on parle de santé des marchés financiers ou d'opulence mammaire, on ne sort pas du conditionnement scolaire du jugement chiffré. Nous vivons en effet dans un monde de performances, et le pendant obligatoire de cette dernière est la mesure.
Peu de domaines de notre réalité quotidienne échappent à cette furie évaluatrice. Le corps humain, plus particulièrement le corps féminin, et notamment, pour ce qui nous intéresse présentement, les seins, sont systématiquement jaugés, toisés, quadrillés, métrés, voire millimétrés. Et de ces mesures, le désir et le fantasme s'en mêlant, on obtient des valeurs organisées en systèmes, valeurs dont le destin est inéluctablement de produire des normes et des standards.
Et c'est ainsi qu'apparaissent les grilles de taille de soutien-gorge que tout bon catalogue de vente par correspondance propose dans ses dernières pages, et dont la finalité n'est pas simplement d'aider les femmes à acheter le bon article, mais de déterminer si la dame possède une poitrine suffisante.
Mais suffisante pour quoi au juste ? Interrogez donc un badaud de sexe masculin, vous avez de grandes chances de l'entendre affirmer qu'un 95C est le minimum syndical. Et quel que soit le nombre, plus on avance dans l'alphabet, plus on peut voir la satisfaction de la gente masculine augmenter. Ainsi, une femme qui verra la taille de ses seins changer au gré de ses grossesses et de ses allaitements pourra être successivement étiquetée comme plus ou moins désirable.Cette obsession des gros seins est pourtant une lubie toute occidentale qu'on ne retrouve pas dans bon nombre d'autres cultures.
Il est un autre domaine dans lequel la lettre attribuée au volume des mamelles est un critère décisif, même si les principes les plus élémentaires de la physiologie de la lactation le contredisent, c'est l'allaitement. Depuis des siècles, mythes et croyances populaires considèrent les poitrines opulentes comme plus performantes, cette fois non pas tant à susciter le désir masculin qu'à produire du lait. Tout cela au mépris de l'expérience la plus commune puisque de tout temps, toutes les tailles de seins ont existé et ces seins nourrissent des bébés depuis l'aube de l'humanité. On le sait bien aujourd'hui, ce n'est pas le volume de la mamelle mais la succion du bébé qui détermine la quantité de lait produite.
Heureusement, les bébés demeureront imperméables à ces quantifications absurdes parce que les seins de leur mère sont exactement comme il faut pour les rendre heureux.
Daliborka Milovanovic, animatrice LLL
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