Des chercheurs britanniques ont publié le 8 mars 2016 dans le British Medical Journal une méta-analyse regroupant 37 études faites entre 1946 et 2015, portant au total sur plus de 19 000 participants et comparant différentes Préparations Pour Nourrissons (PPN), souvent appelées laits infantiles. Ils ont comparé les PPN dont les protéines avaient été hydrolysées, au lait maternel, aux PPN à base de protéines de lait de vache non modifiées, aux PPN à base de protéines de soja et à différentes combinaisons.
Résultat : aucune preuve consistante que les laits infantiles partiellement hydrolysés (dits laits HA) ou largement hydrolysés (dits hydrolysats poussés) réduisent en quoi que ce soit le risque de maladies allergiques ou auto-immunes chez les enfants à risque. Les PPN HA sont souvent proposées quand il y a des antécédents familiaux d’allergies chez un enfant non allaité ou ayant besoin d‘un complément de lait infantile.
Tout en rappelant que l'allaitement maternel est ce qui convient le mieux aux nourrissons, les auteurs de l'étude demandent donc une révision des recommandations nutritionnelles aux États-Unis et en Europe en l'absence de preuve cohérente sur l'intérêt des formules hydrolysées en prévention des allergies.
Les auteurs de la méta-analyse signalent que beaucoup des études en question présentaient des biais (méthodologiques ou autres) ainsi que des conflits d'intérêt.
Rappelons que le même British Medical Journal avait retiré en octobre 2015 une étude publiée dans ses pages en 1989 par Ranjit Kumar Chandra sur... l'intérêt des laits partiellement hydrolysés (laits HA) pour les enfants à risque allergique.
Étude citée plus de 100 fois dans des études ultérieures et sur laquelle se sont basées les dites recommandations nutritionnelles.
Étude qui s'est avérée être tout bonnement une fraude. "Il avait analysé et publié toutes les données avant même qu'on les ait récoltées !" avait déclaré Marilyn Harvey, assistante de recherche de Chandra à l'époque.
Voir aussi : Cochrane Systematic Review, Préparations pour nourrissons contenant des protéines hydrolysées pour la prévention des maladies allergiques.
Conclusions des auteurs : Nous n'avons trouvé aucune preuve à l'appui d'une alimentation à court terme ou prolongée au moyen d'une préparation hydrolysée comparativement à l'allaitement exclusif au sein pour la prévention des maladies allergiques. Des données de très faible qualité indiquent que l'utilisation à court terme d'un PCH comparativement à un PLV peut prévenir l'ALV chez les nourrissons. D'autres essais sont recommandés avant la mise en œuvre de cette pratique.
Nous n'avons trouvé aucune preuve à l'appui d'une alimentation prolongée avec une préparation hydrolysée comparativement à un PLV pour la prévention des maladies allergiques chez les nourrissons qui ne peuvent être nourris exclusivement au sein.
Juin 2019 : Une vaste étude française, faite à partir des données récoltées dans le cadre du suivi de la cohorte Elfe (plus de 18 000 bébés nés en 2011 dans 320 maternités françaises), montrent que ceux qui ont été allaités exclusivement au sein jusqu'à 2 mois présentent moins d'eczéma à 1 an que ceux qui ont été nourris avec un lait hypoallergénique.
Pour ce qui est des bébés ayant une histoire familiale d'allergies, comparés aux enfants nourris d'un lait infantile "classique" non hydrolysé, ceux nourris d'un lait soi-disant "hypoallergénique" souffraient davantage d'eczéma à 1 an.
De plus, tous les bébés, quelle que soit leur histoire familiale d'allergies, souffraient davantage d'allergies alimentaires à 2 ans s'ils avaient été nourris avec un lait hypoallergénique.
Conclusion des chercheurs : l'utilisation de laits hypoallergéniques ne diminuait pas le risque d'allergie quelle qu'elle soit. Au contraire, elle était associée à un risque plus élevé de wheezing et d'allergie alimentaire.
Davisse-Paturet C et al., Use of partially hydrolysed formula in infancy and incidence of eczema, respiratory symptoms or food allergies in toddlers from the ELFE cohort, Pediatr Allergy Immunol ; 30(6) : 614-623.
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