Nutrient composition of human milk. MF Picciano. Pediatr Clin North Am 2001 ; 48(1) : 53-67.
La composition du lait humain est régulée par divers mécanismes complexes. Sauf quelques exceptions, une carence maternelle ou un excès d'apports n' auront pas d'impact significatif sur la composition générale du lait. Cet article fait le point sur les caractéristiques nutritionnelles du lait humain et sur les facteurs qui l'influencent. Dans la mesure où les apports nutritionnels de l'enfant allaité représentent la norme, la connaissance de ces apports est importante. Les enfants peuvent tolérer une certaine marge de variation dans les taux des divers nutriments qu'ils absorbent, mais toute déviation importante par rapport aux limites de la normale est susceptible d'avoir de graves conséquences sur la croissance et la santé de l'enfant, comme le montre la morbidité et la mortalité plus élevée chez les enfants qui sont nourris au lait industriel.
Une femme dont l'enfant absorbe 750 à 1000 ml de lait quotidiennement perd par le biais de ce lait 2100 à 2520 kg/jour. Elle fournit aussi les minéraux, vitamines et autres nutriments nécessaires à son enfant. La dépense énergétique liée à la lactation est plus élevée que celle liée à la grossesse, et les besoins de la femme allaitante sont plus élevés que ceux de la femme enceinte.
Le lait humain contient des milliers de constituants répartis dans plusieurs phases : une phase aqueuse, une phase colloïdale caséïnique, une phase de lipides en émulsion, des cellules vivantes. Il est difficile de donner une composition exacte pour le lait humain, dans la mesure où il varie suivant les femmes, et chez une même femme, suivant les caractéristiques génétiques, la durée de la gestation et le temps écoulé depuis l'accouchement, les techniques d'expression, de stockage et de dosage. Les variations les plus importantes sont constatées au niveau des lipides. Le taux d'acides gras polyinsaturés à longue chaîne est plus élevé dans le lait de mères ayant accouché prématurément, peut-être pour couvrir les besoins plus importants des prématurés. La multiparité et une production lactée plus importantes sont associées à un taux plus bas de lipides. Il semble que les femmes ayant des réserves lipidiques basses ont un taux lacté plus bas de lipides, et compensent en ayant une sécrétion lactée plus abondante. Les apports alimentaires maternels ont aussi un impact important sur la composition des lipides lactés ; par exemple, lorsque l'alimentation maternelle est pauvre en graisses et riche en glucides, la synthèse lipidique mammaire est plus importante, et le lait est plus riche en acides gras en C6-C10 et C12-C14.
La composition du lait change aussi pendant la tétée, le taux de graisse étant plus élevé en fin de tétée.
Le taux de protéines passe en moyenne de 15,8 g/l dans le colostrum à 8-9 g/l dans le lait mature. Ces protéines ont un rôle nutritionnel, mais la plupart sont aussi ou surtout des facteurs protecteurs, des facteurs de transport pour les vitamines, des hormones, des enzymes. Le taux de protéines du lait humain est l'un des plus bas parmi tous les laits, ce qui est en accord avec la croissance staturale beaucoup plus lente du petit humain par rapport à celle des autres petits mammifères. Une bonne partie (20 à 25%) de l'azote présent dans le lait humain provient de sources non protidiques, qui comportent plus de 200 molécules différentes telles que les acides aminés libres, la carnitine, la taurine, des sucres aminés, des acides nucléiques, des nucléotides, des polyamines.Le statut nutritionnel maternel peut avoir un impact sur les composants azotés du lait. Une étude a observé un taux plus bas de protéines et d'immunoglobulines dans le lait de mères colombiennes malnutries. Même chez des femmes bien nourries, le pourcentage des protéines dans l'alimentation a un impact sur les facteurs protidiques du lait.
Les lipides représentent la source la plus importante de calories dans le lait humain. 97 à 98 % de ces lipides sont sous forme de triglycérides. Le taux lacté de lipides varie entre 30 et 50 g/l, et représente 45 à 55 % des apports caloriques de l'enfant. Ils sont de loin la classe de nutriments qui présente les variations les plus importantes. Les acides gras représentent non seulement une source importante d'énergie, mais ils jouent aussi un rôle majeur dans la constitution des membranes et des tissus nerveux. Le lait humain est riche en acides gras essentiels à longue chaîne, comme l'acide linoléique, et l'acide alpha-linolénique, ainsi qu'en leurs dérivés, l'acide arachidonique et l'acide docosahexaénoique. Le nourrisson se caractérise par une immaturité pancréatique, et le lait humain apporte un équipement enzymatique qui facilitera la digestion des graisses et leur assimilation par l'enfant.
Le lactose est, après l'eau, le constituant principal en poids du lait humain. De 20 à 30 g/l dans le colostrum, son taux atteint environ 67 g/l dans le lait mature. C'est aussi le composant dont le taux présente les plus faibles variations individuelles. Le lait humain contient aussi du glucose, à un taux très bas (0,02 g/l). On y trouve aussi des nucléotides glucidiques, des glycolipides, des glycoprotéines et des oligosaccharides, ces molécules étant susceptibles d'avoir des effets biologiques chez l'enfant allaité.
Le taux lacté de vitamine A semble dépendre essentiellement des apports alimentaires maternels. Ce taux est élevé dans le colostrum, puis baisse dans le lait mature avant de se stabiliser. Le lait humain contient aussi de nombreux caroténoïdes. Le taux lacté de vitamine D peut varier dans la proportion de 1 à 10, et il est fonction du statut maternel pour cette vitamine. Si la mère a des apports alimentaires faibles et s'expose insuffisamment à la lumière du jour, l'enfant allaité pourra présenter un rachitisme. Les études évaluant l'adéquation aux besoins de l'enfant du lait humain pour ce qui concerne la vitamine D donnent des résultats peu concluants, et une supplémentation en vitamine D est généralement recommandée chez les enfants allaités. Le taux lacté moyen de vitamine K est de 2 à 3 µg/l ; il est peu affecté par les apports alimentaires maternels, mais une supplémentation maternelle de 5 à 20 mg/jour de vitamine K permettra s'augmenter significativement le taux lacté. Le taux de vitamine E passe de 8 mg/l dans le colostrum à 3-4 mg/l dans le lait mature ; il est peu affecté par l'alimentation maternelle.
Le lait de mères correctement nourries contient en moyenne 100 mg/l de vitamine C, soit un taux 8 à 10 fois plus élevé que le taux plasmatique maternel ; le taux lacté de cette vitamine est peu modifié par la prise de compléments de cette vitamine. Le taux lacté de vitamine B1 est bas dans le colostrum, et nettement plus élevé dans le lait mature, ainsi que celui de la vitamine B3 et de la vitamine B6. Celui de vitamine B2 baisse au contraire, ainsi que celui de la vitamine B12 et des folates. Le taux lacté de ces vitamines dépend beaucoup des apports maternels ; il est amplement suffisant chez les mères bien nourri, mais peut devenir trop bas lorsque la mère est carencée.
Dans l'ensemble, le taux lacté des minéraux n'est pas corrélé aux apports maternels. De plus, leur biodisponibilité dans le lait maternel est maximale. Le taux lacté de la plupart des minéraux semble être régulé par un gradient osmolaire entre les principaux ions (sodium, chlorure et potassium) et le lactose. Les taux de calcium, phosphore et magnésium sont plus ou moins indépendant du statut maternel ; tout au plus peut-on noter l' existence d'un taux lacté de calcium un peu plus bas chez les mères dont les apports en calcium sont bas. Le lait humain contient aussi de nombreux oligo-éléments : fer, cuivre, zinc, manganèse, sélénium.
L'allaitement est recommandé pendant au moins les 12 premiers mois, mais la majeure partie des études faites sur les aspects nutritionnels de l' allaitement sont faites pendant les 3 premiers mois de la lactation. Des études évaluant l'impact nutritionnel d'un allaitement long sur la mère et sur l'enfant seraient nécessaires. Ces études pourraient même avoir des applications très intéressantes pour les enfants qui ne sont pas allaités.
L'adéquation des laits industriels pour les nourrissons ne peut pas être déduite uniquement à partir de la liste de leurs composants, en raison de l' importance de la forme moléculaire de ces composants, de leurs interactions, des différences de biodisponibilité. Mesurer la croissance des enfants recevant ces laits industriels n'est pas suffisant ; il faudrait aussi faire des études sur la biodisponibilité des nutriments du lait industriel.
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