Trends in breastfeeding practices and mothers’ experience in the French NutriNet-Santé cohort, Courtois F et al., International Breastfeeding Journal, en ligne le 2 juillet 2021.
La conclusion de l'article : "La durée de l'allaitement maternel a augmenté au cours des dernières décennies, mais n'a pas atteint le seuil des recommandations de santé publique. Des cibles autres que les mères doivent être prises en compte pour l'éducation à l'allaitement, comme le partenaire et son environnement, afin d'augmenter les pratiques d'allaitement."
Recension de l'article dans le n° 178 des Dossiers de l'allaitement, janvier 2022 :
En dépit des bénéfices démontrés de l’allaitement et des recommandations de l’OMS, les pratiques d’allaitement ne sont pas optimales dans de très nombreux pays. En France, le taux de démarrage de l’allaitement est passé de 36 % en 1972 à 52,5 % en 1998. L’un des objectifs du Programme National Nutrition Santé (PNNS) lancé en France en janvier 2001 était d’augmenter le taux de démarrage de l’allaitement exclusif de 55 à 70 % en 2010. Malgré cela, le taux d’allaitement en France restait l’un des plus bas au monde en 2010. Les pratiques maternelles d’allaitement dépendent du contexte de la naissance et des caractéristiques parentales et il est important de connaître les facteurs corrélés à l’allaitement. Le but de cette étude était de déterminer l’évolution des pratiques d’allaitement au fil des décennies et d’évaluer le vécu des mères concernant les facteurs facilitant l’allaitement et le soutien aux mères.
L’étude NutriNet-Santé est une grande étude prospective observationnelle lancée en France en mai 2009 auprès d’adultes de ≥ 18 ans, avec pour objectif d’analyser les relations entre l’alimentation et la santé. Les personnes incluses doivent compléter des questionnaires en ligne au moment de leur entrée dans l’étude, puis tous les ans, et les personnes qui le souhaitent peuvent répondre à des questionnaires mensuels supplémentaires. Les femmes incluses devaient entre autres fournir des données sur le mois et l’année de naissance de chacun de leurs enfants, si elles avaient allaité, et si oui, donner la durée de l’allaitement exclusif et la durée totale d’allaitement (jours, semaines ou mois). Les auteurs ont décidé d’utiliser uniquement les données fournies pour le dernier enfant. Les femmes qui avaient allaité ont répondu à des questions sur leur perception du soutien au démarrage de l’allaitement et pendant la durée de celui-ci, et la raison de l’arrêt de l’allaitement. On a demandé aux mères qui n’avaient pas allaité leur enfant le plus jeune les raisons de leur choix.
Les données concernaient 29 953 femmes qui correspondaient aux critères d’inclusion et qui avaient fourni les données nécessaires : 20 153 avaient allaité et 9 800 n’avaient pas allaité. Elles avaient en moyenne 53 ans, 39,2 % étant âgées de < 50 ans. Le pourcentage de femmes ayant allaité augmentait progressivement avec le temps, de 55 % dans les années 1970 à 78,9 % dans les années 2000 et 82,9 % dans les années 2010. La durée moyenne d’allaitement pour l’ensemble des femmes était de 4,5 mois. Cette durée augmentait également avec le temps, de 3,3 mois avant les années 1970 à 5,9 mois dans les années 2010. La durée moyenne de l’allaitement exclusif pour l’ensemble des femmes était de 2,8 mois, et l’âge de l’enfant au moment de l’introduction des aliments de sevrage était de 4,9 mois, avec là encore une augmentation au fil du temps. Lorsqu’elles commençaient à allaiter, 86,1 % des mères se sentaient soutenues par leur compagnon, 77,7 % par leur entourage et 81,2 % par les professionnels de santé. Pendant la durée de l’allaitement, 85,7 % se sentaient soutenues par leur compagnon et 77,1 % par leur entourage. La principale raison du sevrage était la décision maternelle (66,8 %), la reprise du travail ou l’impression de manquer de lait n’ayant pas d’impact sur la décision de sevrer pour la majorité des mères.
Lorsqu’on répartissait les mères en 2 groupes suivant qu’elles avaient allaité pendant < 3 mois ou pendant ≥ 3 mois, les problèmes de succion, de mamelons douloureux ou de production lactée insuffisante étaient significativement moins souvent donnés comme raison du sevrage par les mères qui avaient allaité pendant ≥ 3 mois. En revanche, les mères ayant allaité pendant ≥ 3 mois étaient plus nombreuses à citer la reprise du travail ou le fait que le bébé ne tétait plus comme raisons du sevrage. Au moment de ce dernier, 79,8 % des mères se sont senties soutenues par leur compagnon et 62,5 % par leur entourage. La majorité des mères ne se sentaient ni coupables, ni soulagées d’avoir sevré, mais nombre d’entre elles étaient déçues que l’allaitement soit terminé, et 59,5 % disaient qu’elles auraient aimé allaiter plus longtemps leur plus jeune enfant. La durée d’allaitement souhaitée au départ par l’ensemble des femmes incluses était de 6,9 mois, en augmentation au fil du temps (de 6,1 mois avant les années 1970 à 8,3 mois dans les années 2010, soit en moyenne plus de 2 mois de plus que la durée effective d’allaitement).
Parmi les mères qui n’ont pas allaité, 64,3 % ont dit que c’était leur choix. Les autres raisons citées par certaines mères étaient les incitations du compagnon, de l’entourage ou d’un professionnel de santé, la reprise du travail, une maladie maternelle ou infantile, la prise d’un traitement médical, les complications de l’accouchement, la séparation mère-enfant, une production lactée insuffisante ou la croyance que leur lait n’était "pas bon", la reprise du tabagisme ou des problèmes de succion. Ces mères ne se sentaient pas coupables et elles ne pensaient pas que leur choix avait eu des conséquences défavorables, mais 45,9 % auraient aimé allaiter leur enfant.
Un point faible de cette étude est que les femmes incluses n’étaient pas représentatives de la population générale. Elles avaient un niveau plus élevé de scolarité, étaient plus souvent multipares et avaient allaité pendant plus longtemps (y compris exclusivement). Par ailleurs, les données pouvaient dater de plusieurs décennies et être moins fiables. Un biais de désirabilité est possible. Cette étude permet toutefois de constater une amélioration des pratiques d’allaitement au fil du temps. Toutefois, ces pratiques restent très loin d’être optimales, d’autant qu’une baisse de la durée de l’allaitement a été constatée depuis les années 2010. Il serait nécessaire d’informer le compagnon et l’environnement sur l’allaitement, et de former les professionnels de santé afin qu’ils puissent aider les mères présentant des problèmes d’allaitement.
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