Inactivation des virus Ebola et Marburg par pasteurisation
D'après : Ebola virus and Marburg virus in human milk are inactivated by Holder pasteurization. Hamilson Spence E et al. J Hum Lact 2017 ; 33(2) : 351-4.
Le lait humain collecté par les lactariums est de plus en plus utilisé, en particulier par les services de néonatalogie pour l’alimentation des grands prématurés. Ce lait est pasteurisé par les lactariums. De plus, les mères donneuses doivent répondre à un questionnaire et subir un dépistage en routine pour diverses pathologies infectieuses avant que leur lait soit accepté. On a démontré que la pasteurisation détruisait totalement la capacité infectieuse du CMV ou du VIH. Les virus Ebola et Marburg sont des filovirus responsables de fièvres hémorragiques ayant un taux élevé de mortalité. Si ces virus ne constituent pas un risque mesurable en Amérique du Nord ou dans les pays européens, il serait utile de vérifier qu’ils sont efficacement détruits par le protocole de pasteurisation actuellement en vigueur dans la majorité des lactariums. C’était le but de cette étude américaine.
Des échantillons de lait humain ont été collectés dans des récipients stériles auprès de deux mères, après obtention de leur accord pour ce type d’étude. Les virus Ebola et Marburg ont été cultivés sur des cellules Vero en laboratoire P4, le surnatrant a été collecté, purifié et titré. Des échantillons de lait humain ont été ajoutés à des suspensions virales de titre connu (103 à 105 CFU/ml), puis divisés en deux lots qui ont été laissés tels quels ou ont été pasteurisés à 62,5°C pendant 30 minutes. Tous les échantillons ont ensuite été congelés à -80°C jusqu’à analyse. Ils ont alors été décongelés, mis en culture sur ces cellules Vero à des dilutions croissantes. La croissance virale y a été évaluée, le milieu de culture utilisé servant de témoin.
Si le virus Ebola était retrouvé dans les échantillons qui n’avaient pas été pasteurisés lorsqu’il avait été inoculé en quantité ≥ 104 UFC/ml, il était retrouvé à un taux beaucoup plus élevé dans les échantillons servant de témoins, et il était indétectable dans les échantillons inoculés avec 103 UFC/ml, ainsi que dans tous les échantillons qui avaient été pasteurisés. Les mêmes résultats ont été constatés avec le virus Marburg. Les deux mères ayant fourni le lait humain pour cette étude n’avaient pas été testées sur le plan de ces virus, mais il est hautement improbable qu’elles en aient été porteuses. Dans la mesure où la très grande majorité des lactariums existant dans le monde pasteurisent le lait humain qu’ils collectent, ce lait ne présente aucun risque de transmission des virus Ebola ou Marburg. À noter que la charge virale beaucoup plus basse à toutes les concentrations d’inoculation dans les échantillons de lait par rapport aux échantillons témoin permet de penser que le lait humain limite significativement la capacité infectieuse de ces virus, même s’ils sont toujours présents dans le lait.
Persistance du virus Ebola dans le lait maternel : une cause possible de transmission verticale
D'après : Ebola virus persistence in breast milk after no reported illness : a likely source of virus transmission from mother to child. Sissoko D et al. Clin Inf Dis 2017 ; 64(4) : 513-6.
Ce bébé de 9 mois vivant en Guinée a développé une fièvre modérée, une diarrhée, une toux et des vomissements. Le père était infirmier. Il a administré à son bébé du paracétamol, de l’érythromycine, de l’amodiaquine, de l’albendazole et de la métopimazine. L’état clinique de l’enfant est resté stable pendant les 5 jours suivant, mais il s’est brutalement détérioré au 6e jour, avec une diarrhée et des vomissements sévères. La famille s’est présentée dans une consultation médicale, qui a demandé son hospitalisation au CHU de Conakry. Sur le chemin de l’hôpital, l’enfant a développé une détresse respiratoire aiguë, et il est décédé pendant son transport. Un échantillon de salive a été prélevé, et on y a retrouvé le virus Ebola.
Une enquête épidémiologique a été menée, qui n’a pas retrouvé l’origine de l’infection. L’enfant n’avait eu aucun contact avec une personne ayant eu la maladie. Il était le premier cas d’infection à Ebola depuis plus de 42 jours dans la région, il n’avait jamais été vu en consultation médicale, n’avait reçu aucun vaccin, la famille avait très peu de contacts sociaux (la mère craignait une infection à virus Ebola). Le virus retrouvé chez l’enfant a été envoyé à un laboratoire spécialisé pour séquençage, ce qui a permis de constater qu’il était proche des souches qui avaient provoqué des épidémies dans la préfecture de Conakry entre mai et juillet 2015.
Suite à la découverte du virus Ebola chez leur enfant, les parents ont été vaccinés 9 jours après le début des signes cliniques chez celui-ci. Quelques jours plus tard, leur sérologie a constaté qu’ils avaient tous les deux des IgG spécifiques du virus Ebola, mais pas d’IgM spécifiques, ce qui démontrait qu’ils avaient été infectés par le virus. D’autres analyses ont été effectuées chez les parents. Chez la mère, le virus a été retrouvé dans le lait alors qu’il était absent du sang et des urines. Le séquençage du matériel génétique du virus retrouvé dans le lait maternel a constaté qu’il était très proche de celui retrouvé chez l’enfant, et que les deux virus partageaient une même singularité nucléotidique, ce qui, sur le plan phylogénétique, permettait de penser que le virus présent dans le lait maternel était plus ancien que celui retrouvé chez l’enfant. Chez le père, le virus a été retrouvé uniquement dans le sperme, mais le séquençage de ce virus a montré que s’il était proche des souches qui avaient provoqué l’épidémie régionale, il était nettement plus éloigné du virus retrouvé chez l’enfant que le virus retrouvé dans le lait maternel. L’enquête n’a retrouvé aucune source d’infection chez les parents, et ils n’ont présenté aucun signe de maladie. Ils n’avaient pas été en contact avec des personnes malades, n’avaient pas assisté à des obsèques. Le père travaillait dans un district dans lequel seulement 5 cas d’infection à Ebola ont été constatés pendant toute la durée de l’épidémie. La mère était étudiante, et se rendait à son école en taxi communautaire.
Ce cas décrit une situation très particulière et difficile à comprendre et à étudier. Les parents ne présentaient aucun facteur de risque, ils n’ont pas présenté de signes cliniques d’infection, ou ces signes étaient mineurs (mais les épisodes courts de fièvre peuvent être considérés comme la norme pour la population rurale africaine). L’enquête (sérologie et séquençage) montre que les parents ont tous les deux été contaminés par deux virus différents, présentant des caractéristiques communes avec la souche responsable de l’infection dans cette région de Guinée, mais également des différences, et qu’ils n’ont donc pas été contaminés l’un par l’autre. Des cas d’infection à Ebola asymptomatiques ou avec des symptômes modérés ont été rapportés, mais on ignore dans quelle mesure le virus peut persister chez la personne contaminée lorsque l’infection ne provoque pas le décès. On peut donc se demander quelle est la fréquence des cas de contaminations non diagnostiquées, qui ne seront donc pas comptabilisés dans les statistiques sur les infections à Ebola, et dans quelle mesure ces personnes qui n’ont pas présenté de signes cliniques sont susceptibles de contaminer d’autres personnes qui pourront présenter une forme sévère.
Des études avaient déjà constaté la présence du matériel génétique de l’Ebola dans le lait humain, mais aucun cas de transmission via l’allaitement n’avait jamais été rapporté. Dans la mesure où l’enfant décédé avait 9 mois, on peut supposer que la mère avait été récemment contaminée par le virus Ebola, même si le virus n’était pas détecté dans son sang, et même si la sérologie retrouvait chez elle uniquement des IgG. La capacité du virus à persister dans certains tissus ou fluides reste très mal comprise, en particulier lorsque le sang contient des IgG spécifiques. Ce cas permet tout au moins de penser qu’il n’existe aucune corrélation entre la sévérité de la maladie et la persistence du virus. Il serait nécessaire de mener des enquêtes afin d’évaluer plus précisément la prévalence des infections asymptomatiques ou peu symptomatiques. On peut cependant penser que la contamination via l’allaitement de l’enfant d’une mère qui a présenté ce type d’infection est exceptionnelle. Il y a très probablement des centaines de mères vivant des zones où l’épidémie a sévi qui ont été infectées, et qui ont accouché et allaité sans que leur enfant soit contaminé.
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