Cet article est paru dans Allaiter aujourd'hui n° 27 dans la rubrique "Le coin des bambins", LLL France, 1996
Nombreux sont les bambins qui, à un moment ou à un autre, passent par une phase où ils mordent, griffent, bousculent, tirent les cheveux, etc. Les victimes sont d'abord les mères (je me souviens encore des "délicates" et imprévisibles morsures que mon fils infligeait à mon épaule gauche lorsque je le portais dans les bras !), mais aussi les autres enfants côtoyés au jardin public, à la crèche... ou aux réunions de La Lèche League ! Et plus d'une mère s'est indignée - plus ou moins ouvertement - de voir son petit agressé, pour s'apercevoir avec horreur quelques mois plus tard que le mordu était devenu mordeur ! Parmi toutes les agressions possibles, en effet, celle qui frappe le plus est sans aucun doute la morsure, en ce qu'elle réveille davantage de peurs et de tabous (animalité, cannibalisme) et qu'elle est celle qui laisse la trace la plus tangible : celle de deux rangées de dents bien imprimée dans la chair !
Pourquoi ?
Les explications sont diverses. La plus couramment admise renvoie au "stade oral" cher à la psychanalyse. Pendant toute la petite enfance, la bouche est le lieu essentiel des sensations de plaisir de l'enfant : il suffit de le regarder en train de téter ! C'est aussi par la bouche qu'il entre en contact avec le monde extérieur : avec les objets, qu'il porte sans cesse "à la bouche", et avec les personnes, qu'il aimerait bien goûter aussi. En grandissant, sa communication avec les autres passera toujours par ta bouche, mais sous forme de... paroles. On note d'ailleurs que bien souvent, les enfants mordeurs ne parlent pas encore. La morsure n'est donc pas obligatoirement une marque d'agressivité, elle peut être une manière d'aimer, malheureusement peu appréciée en général... Certains - Françoise Dolto en était - vont jusqu'à accuser les parents (et plus particulièrement les mères) qui "mangent de baisers" leur bébé depuis sa naissance, de fabriquer des bambins mordeurs. Dernière explication qui, elle, rend compte de l'aspect agressif de la morsure : l'enfant exprimerait ainsi sa peur face à une situation qui le déstabilise et qu'il ressent comme dangereuse (déménagement, grossesse de la mère, naissance d'un bébé, séparation des parents, etc.). Françoise Dolto -encore elle ! - expliquait notamment que si les enfants mordeurs s'en prennent souvent à plus petit qu'eux (ce qui augmente d'autant l'indignation des adultes !), c'est que sa vue déclenche chez eux la peur d'une régression : est-ce que je risque de redevenir petit ? Peur ambivalente, car doublée d'une envie : ce ne serait peut-être pas si désagréable que cela d'être à nouveau petit, à voir la façon dont maman s'occupe du nouveau bébé...
Que faire ?
Selon qu'on privilégie l'une ou l'autre explication, les solutions seront diverses. Et il ne coûte rien d'en essayer plusieurs ! Si la morsure semble surtout agressive, et motivée par la peur, il sera nécessaire de comprendre la source de cette peur, et de rassurer l'enfant autant que possible. Il arrive que lui dire simplement : "Tu sais, quoi que tu fasses, tu ne redeviendras jamais petit", fasse cesser les morsures et autres agressions comme par enchantement. Si les morsures semblent plutôt une façon de prendre contact avec l'autre, le rôle de l'adulte sera de montrer à l'enfant qu'on peut s'adresser à lui autrement (par le jeu, les caresses, le babil), que la morsure n'est pas un moyen positif ni admis de connaître et d'aimer les autres, et que, très rapidement, il recevra lui aussi de l'agressivité en retour. Lui expliquer aussi que même s'il ne le fait pas dans ce but, il fait mal en mordant. En un mot, l'aider à changer de registre d'expression, et à recourir de plus en plus à la parole pour exprimer ses sentiments (d'amour comme de colère).
En attendant que ça cesse...
Même si l'on croît comprendre pourquoi son bambin mord, il est rare que cela s'arrête du jour au lendemain. A moins de se cloîtrer avec l'enfant sans plus voir personne, ce qui n'est sûrement pas souhaitable, il faut donc vivre avec, un certain temps, et savoir comment se comporter en société. Le mieux est sans doute de prévenir les autres parents présents, en passant sur la honte qu'on peut ressentir, et d'être attentive au comportement de l'enfant, qui donne souvent des signes avant- coureurs. Si c'est le cas, il semble que cela marche de mettre la main sous son menton, en même temps qu'on lui dit de ne pas mordre. Et si le mal est déjà fait, consoler l'enfant mordu et redire à son enfant que ce n'est pas acceptable et que cela fait mal à l'autre. Pour conclure, s'il est un point où tout le monde s'accorde, c'est pour dire qu'en aucun cas, la solution serait de "remordre" l'enfant mordeur. "Ce n'est pas une réponse humaine, mais un acte d'ogre. Et les ogres doivent rester dans les contes de fées, afin que les enfants continuent d'échapper au risque imaginaire de dévoration... en devenant, comme le petit Poucet, de moins en moins passifs face à tous les dangers, et de plus en plus malins et autonomes" (1).
Claude Didierjean-Jouveau
(1) Pascale Rosfelter, "Mordeurs, mordus et parents de mordus", L'Enfant d'abord. Voir aussi N. Leblanc, "Conduite à tenir devani un enfant qui mord", Journal de pédiatrie et de puériculture, n° 4, 1988.
Peut être reproduit, imprimé ou diffusé à condition de mentionner la provenance de l'article.
Haut de Page
Je crois que j'ai tout essayé pour que ma fille arrête de me mordre... À chaque fois qu'elle a une dent qui sort, elle me mort le sein (d'ailleurs elle le fait aussi quelques fois sur sa grande soeur, quand elles se disputent (mini ne parle pas) ) donc je ne comprends pas trop pourquoi elle fait ça...
Pour poser une question, n'utilisez pas l'espace "Commentaires" ci-dessous, envoyez un mail à la boîte contact. Merci