L’arrivée d’un bébé est toujours un bouleversement majeur dans la vie, pour la mère, pour le père, et pour le couple qu’ils forment.
Ce sont soudain, avec ce petit être qui s’invite, de nouveaux rôles à endosser, auxquels bien souvent les jeunes parents n’ont pu se préparer.
Le jeune adulte se construit en se projetant dans un modèle professionnel, relationnel… Mais qu’en est-il d’un modèle parental ?
Les jeux d’imitation immémoriaux se sont transformés : les petites filles ne bercent plus leur poupon, mais habillent leur poupée Barbie ; elles ne se projettent plus dans un rôle maternel, mais dans celui de femme séductrice et de compagne sexuelle.
Cette nouvelle organisation est symptomatique des attentes sociales, et en dit long sur la non-préparation des jeunes parents, dont le désarroi peut être immense : mamans soudain submergées par la violence de leurs sentiments, sentiment d’urgence absolue face aux besoins du tout-petit, dont les exigences de disponibilité constante sont parfois difficiles à supporter quand on ne les attendait pas, et papas démunis devant la redistribution du temps quotidien.
La fusion mère-bébé nécessaire n’est bien souvent pas comprise, pas reconnue, voire pas acceptée, par un papa totalement pris au dépourvu par le comportement de sa compagne, qui ne s’accorde pas avec le modèle social courant.
On s’attend à ce que le bouleversement du post-partum fasse verser quelques larmes dans les premiers jours, occasionne un peu de fatigue les deux ou trois premières semaines. Puis, après une thalasso roborative qui efface les dernières traces de la grossesse, les kilos en trop et la mauvaise mine, la maman reprend le travail dix semaines après la naissance, reposée, mince, en pleine forme, disponible et plus séduisante que jamais !
Caricature ? C’est pourtant l’image que véhiculent les magazines.
Qui connaît les travaux sur la sexualité du post-partum, montrant que toutes les mères, allaitantes ou pas, voient leur libido transformée pendant cette période particulière ? Ce moment intense dans la vie sexuelle d’une femme, où elle n’est très souvent pas disponible au désir masculin, mais a besoin de tendresse, d’accompagnement, de maternage, pour pouvoir fournir l’effort intense et quotidien exigé par les soins au bébé ?
Mais la femme qui allaite explore aussi une nouvelle facette de sa sexualité, et, pour certaines, réapprivoise son corps : allaiter peut permettre de vivre son corps de manière plus gratifiante encore qu’auparavant, de réparer aussi, le cas échéant, un accouchement traumatique qui a pu la laisser blessée, meurtrie, et abîmer durablement l’image qu’elle a d’elle-même et de son corps (combien d’accouchements humiliants, où le sexe de la femme est exposé, méprisé, mutilé, son corps bafoué ?).
Certaines ont pu ainsi parler de véritable révélation, et se découvrir plus femme que jamais grâce à un allaitement heureux.
Pour la nouvelle mère, accaparée de façon tout à fait normale par son bébé (la « folie » maternelle dont parle Winnicott !), son compagnon est désormais le père de son bébé. Elle ne pourra plus jamais l’oublier dans la relation qu’elle noue avec lui. Est-ce à dire que c’est sous cette dénomination qu’il devra désormais la séduire ? Sans doute !
Le poète et grand séducteur Victor Hugo ne conseillait-il pas : « Vous qui cherchez à plaire, ne mangez pas l’enfant dont vous aimez la mère » ?
La relation de couple ne pourra se décliner en faisant abstraction de la nouvelle donne : ce couple amoureux est devenu, et pour toujours, un couple parental.
Flore Marquis-Diers
AA 77 : Editorial sur l'arrivée du bébé dans la famille
Éditorial du numéro 77 d'Allaiter Aujourd'hui (oct - nov - déc 2008)
Pour poser une question, n'utilisez pas l'espace "Commentaires" ci-dessous, envoyez un mail à la boîte contact. Merci