Publié dans le numéro 133 d'Allaiter aujourd'hui, octobre 2021.
Le soutien d'un partenaire peut être l'un des facteurs les plus importants du succès de l'allaitement.
Tout d’abord, le partenaire peut avoir une forte influence sur le choix des mères d'allaiter [1]. Ainsi, dans une étude, lorsque les pères avaient suivi une présentation de deux heures sur la façon de soutenir l'allaitement, la mère était 1,8 fois plus susceptible de le démarrer [2].
Le partenaire peut également avoir une forte influence sur la durée de l'allaitement [1]. Dans une autre étude, lorsque les pères avaient reçu, avant la naissance, des informations sur la façon de surmonter les difficultés courantes d'allaitement, les mères qui en avaient rencontré étaient près de cinq fois plus susceptibles de toujours allaiter à 6 mois [3].
Le père du bébé n'est pas le seul partenaire pouvant soutenir l'allaitement. Cela peut également être une co-mère ou un co-parent, ou encore un grand-parent ou un autre membre de la famille, un·e ami·e proche, une doula [4] ou toute autre personne que les parents allaitants identifient comme leur partenaire d'allaitement.
Mais de quelle façon un·e partenaire peut soutenir l'allaitement ?
Connaître et savoir utiliser les ressources disponibles
Aucun d'entre nous n'est vraiment parent tout seul, et il y a des moments où le recours à des ressources est essentiel. La Leche League en propose de nombreuses, notamment son livre L’Art de l’allaitement maternel, les sites de LLLI et des différentes antennes LLL, les groupes et animatrices LLL, ainsi que les réseaux sociaux LLL. Les parents peuvent rechercher ensemble les ressources nécessaires, qu'il s'agisse de trouver un article en ligne pour aider à résoudre un problème particulier, trouver une réunion de groupe à laquelle assister, rechercher les coordonnées d’une animatrice proche, ou trouver un groupe Facebook LLL [5].
Accepter l'engagement
Engagement en temps, engagement émotionnel, et parfois financier.
Soyons honnêtes : l'allaitement peut parfois nécessiter un petit coup de pouce. Cela peut nécessiter un peu d'énergie supplémentaire et des soins particuliers au début si le bébé ne prend pas le sein tout de suite, s'endort pendant la tétée, ou prend simplement un certain temps pour vider les seins.
Les premières semaines d'allaitement – et de maternage en général – peuvent également être éprouvantes sur le plan émotionnel.
Et si vous avez recours à une consultante en lactation IBCL, cela engendrera des frais. De plus, la location ou l'achat d'un tire-lait ou d'un autre équipement peut s'avérer utile pour surmonter un obstacle spécifique.
Un partenaire peut accepter cet engagement initial envers l'allaitement, sachant qu'à long terme, l'allaitement prend moins de temps que l'alimentation au biberon, aide aux ajustements du post-partum et permet d'économiser de l'argent [6,7,8].
Être le gardien
Un partenaire peut mettre des limites lorsque d'autres personnes vont exiger le temps ou l'attention du parent qui allaite. Le partenaire peut répondre à la porte ou au téléphone et faire savoir aux autres que la nouvelle mère a besoin de temps seule ou de repos.
Nourrir celle qui nourrit
J'aime penser à la mère qui allaite comme à un pichet d'eau et à son bébé comme à un verre. Si le pichet est rempli à ras bord, il est facile de verser de l’eau dans le verre. Mais si le pichet est vide, c’est difficile voire impossible. Le partenaire peut aider la mère qui allaite à "remplir son pichet" afin qu'elle puisse "déverser" son amour, son temps et son attention avec plus de facilité. Voici quelques idées pour y parvenir :
Respecter les désirs de la mère en matière de toucher
Certaines mères se sentent bien assez "touchées" par les tétées, et désirent moins l’être par leur partenaire. D'autres désirent plus d'affection de sa part parce qu'elles donnent tellement à leur bébé. Certaines n'aiment pas que leurs seins soient touchés sexuellement alors que d'autres n'ont pas de problème avec cela [5]. Gardez ouvertes les lignes de communication, et rappelez-vous que tout cela est temporaire. Vous reviendrez probablement à votre ancienne relation au bout d’un moment.
Remplir ses besoins de base pour ce qui concerne l'alimentation, le sommeil, le temps seule, le bain/la douche et l'exercice physique
On peut considérer ces besoins fondamentaux comme acquis avant l'arrivée du bébé, mais ils deviennent précieux lorsqu'il y a un nouveau bébé à prendre en charge. Là encore, le partenaire peut garder les voies de communication ouvertes, en vérifiant avec la mère si ses besoins fondamentaux sont satisfaits ou non, et en lui demandant comment il peut l’aider à les combler.
Faciliter la socialisation
Quand on est un nouveau parent, on peut se sentir isolé. Lorsque la mère est prête, le partenaire peut l’aider à allaiter plus facilement en compagnie, que ce soit à la maison ou en rendant visite d'autres personnes. Il peut également montrer qu'il est à l'aise avec l'acte d'allaiter dans l’espace public, ce qui peut à son tour mettre la mère à l'aise. Une façon simple pour le partenaire de le faire est de s'asseoir à côté d'elle en utilisant un langage corporel sûr de soi, peut-être en se tenant bien droit et en maintenant un contact visuel amical avec les autres [5].
Apporter une aide pratique
Un partenaire peut, par exemple, créer dans la maison un coin allaitement, un endroit confortable où la mère aura accès à tout ce dont elle pourrait avoir besoin ou vouloir. Cela peut être une chaise confortable avec des coussins, si nécessaire ou souhaité, pour soutenir bébé pendant la tétée ; peut-être un tabouret pour surélever les pieds de la mère ; et une table à portée de main pour de l'eau ou une tisane, une collation, un livre, une télécommande, une tablette et tout ce que la mère aime avoir à portée de main pendant la tétée.
Les partenaires peuvent également assumer des tâches ménagères supplémentaires, comme la cuisine ou s’occuper des enfants plus âgés [9]. Ou bien ils peuvent faire appel à des aides extérieures, soit d'amis et de la famille, soit d'un professionnel (comme l'embauche d'une femme de ménage ou la commande de plats à emporter, si c’est financièrement faisable).
Créer du lien avec le bébé autrement qu’au biberon
Avant que l'allaitement ne soit bien en place (généralement après les quatre à six premières semaines), l'introduction d'un biberon peut interférer avec un bon démarrage.
Heureusement, il existe de nombreuses autres façons pour un partenaire qui n'allaite pas de se connecter au bébé : le bain, les changes, le portage physiologique, les massages, le peau à peau (avec un partenaire éveillé) et le jeu avec le bébé.
Photographier l'allaitement
Quoi que vous en pensiez actuellement, l'allaitement ne dure que peu de temps. Les bébés deviennent des bambins. Les bambins deviennent des enfants. Et ils finissent tous par se sevrer. Si les parents souhaitent un doux souvenir de la relation d'allaitement, le partenaire peut le documenter en prenant des photos, en réalisant des vidéos ou (pour plus de fantaisie) en faisant appel à un photographe professionnel.
En milieu clinique, nous pensons souvent à l'allaitement comme à une dyade : une mère qui allaite et son bébé. Il peut même sembler que les autres sont exclus de cette relation, et à certains égards, ils le sont. Mais à bien d'autres égards, un partenaire soutenant peut être la condition d'une expérience d'allaitement réussie.
Alyssa Schnell, consultante en lactation IBCLC, ancienne animatrice LLL, et auteur de Breastfeeding Without Birthing: A Breastfeeding Guide for Mothers Through Adoption, Surrogacy, and Other Special Circumstances.
Traduit de The Role of the Partner in Breastfeeding: How the Support of Dads, Co-Moms and Other People Makes a Difference, https://www.llli.org/the-role-of-the-partner-in-breastfeeding-how-the-support-of-dads-co-moms-and-other-people-makes-a-difference/
1. US Department of Health and Human Services. The Surgeon General’s Call to Action to Support Breastfeeding. Washington, DC, USA: Office of the Surgeon General. 2011.
2. Wolfberg, A. J., Michels, K. B., Shields, W., O’Campo, P., Bronner, Y., & Bienstock, J. Dads as breastfeeding advocates: results from a randomized controlled trial of an educational intervention. American Journal of Obstetrics and Gynecology 2004; 191(3):708-712.
3. Pisacane, A., Continisio, G. I., Aldinucci, M., D’Amora, S., & Continisio, P. A controlled trial of the father’s role in breastfeeding promotion. Pediatrics 2005; 116(4): e494-e498.
4. Nommsen-Rivers, L. A., Mastergeorge, A. M., Hansen, R. L., Cullum, A. S., & Dewey, K. G. Doula care, early breastfeeding outcomes, and breastfeeding status at 6 weeks postpartum among low-income primiparae. Journal of Obstetric, Gynecologic & Neonatal Nursing 2009; 38(2), 157-173.
5. Rempel, L. A., Rempel, J. K., & Moore, K. C. Relationships between types of father breastfeeding support and breastfeeding outcomes. Maternal & Child Nutrition 2017; 13(3):e12337.
6. Mohrbacher, N., & Kendall-Tackett, K. Breastfeeding Made Simple: Seven Natural Laws for Nursing Mothers. California, USA: New Harbinger Publications, Inc. 2010.
7. Kendall-Tackett, K., Cong, Z., & Hale, T. W. The effect of feeding method on sleep duration, maternal well-being, and postpartum depression. Clinical Lactation 2011; 2(2):22-26.
8. Bonyata, K., Financial costs of not breastfeeding, February 2019, http://kellymom.com/pregnancy/bf-prep/bfcostbenefits/.
9. deMontigny, F., Gervais, C., Larivière-Bastien, D., & St-Arneault, K. The role of fathers during breastfeeding. Midwifery 2018; 58:6-12.
Une étude française
Cette étude repose principalement sur une enquête qualitative par entretiens individuels semi-directifs menés en 2016 auprès de 26 mères. Enquête complétée par des résultats quantitatifs tirés de la cohorte Elfe menée auprès d’un échantillon représentatif de mères d’enfants nés en 2011.
Les données montrent une influence du conjoint, de la grand-mère de l’enfant et des autres proches (ami(e)s, fratrie, cercle professionnel) sur le choix d’allaiter son premier enfant.
Maurice A. et al., Le choix d’allaiter son premier enfant : une décision maternelle sous influence, Cahiers de Nutrition et de Diététique 2021 ; 56(1) : 79-88.
Une étude vietnamienne
800 couples ont été recrutés dans une province du Nord Vietnam.
Dans le groupe intervention (390 couples), les pères ont reçu des messages radio sur l’allaitement, ont suivi des sessions d’information collectives et individuelles, ont reçu en moyenne 4 visites à domicile par des agents de santé communautaires, etc.
Résultat : à 1 mois, 34,8 % des bébés étaient allaités exclusivement, contre seulement 5,7 % des bébés du groupe contrôle.
Tran Huu Bich, Tran Khanh Long & Dinh Phuong Hoa, Community‐based father education intervention on breastfeeding practice – Results of a quasi‐experimental study, Matern Child Nutr 2019 ; 15(Suppl 1) : e12705.
T-shirts
Des lignes de vêtements d’allaitement, et notamment de T-shirts, il en fleurit régulièrement aux quatre coins de la France.
Si nous parlons ici de ceux de la marque Nénés, c’est parce que les slogans qu’ils arborent ("Human milk for human babies", "T’as jamais vu un sein ?"…) sont les paroles qu’aurait voulu lancer un papa belge, Rémi Van Damme, aux passants qui lorgnaient sa compagne en train d’allaiter leur petite fille de presque 2 ans. Rémi se définit sur son site comme "un papa 100 % engagé dans l'allaitement, frustré de ne pas pouvoir lui aussi affirmer publiquement son soutien à toutes les mamallaitantes".
Les coparents ont même un T-shirt conçu exprès pour eux, avec comme slogan "Dispositif d'Aide à la Lactation", "parce que le premier Dispositif d'Aide à la Lactation d'une mama, c'est la personne qui partage sa vie".
Point de vue des pères
Une méta-analyse, portant sur toutes les études publiées sur les pères et l'allaitement entre 2008 et 2018, a montré que "les pères ont des questions et des besoins spécifiques qui doivent être reconnus et pris en compte. Dans leur grande majorité, ils sont favorables à l’allaitement et prêts à s’impliquer pour soutenir leur compagne allaitante, mais ont besoin d’être informés sur les moyens de le faire efficacement. Les pères bien informés ont l’impression de faire partie d’une équipe. S’ils ne le sont pas, cela peut les amener à se sentir inutiles, incompétents et exclus, ce qui aura un impact négatif sur leur implication, leur santé et leur relation de couple."
Sihota H et al., Fathers’ experiences and perspectives of breastfeeding : a scoping review, Am J Mens Health 2019 ; 13(3) : 1557988319851616.
Un podcast
Dans la série « Histoire de darons », Julien raconte "2 ans de cododo & d’allaitement". Comment lui et sa compagne en sont venus à partager leur lit avec leur fille, comment sa compagne allaite toujours à 2 ans ½, alors qu’elle était plutôt anti-allaitement avant sa grossesse.
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