L'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) a édité un aide-mémoire juridique intitulé Grossesse, maternité et travail, qui présente les dispositions réglementaires relatives à la grossesse et à la maternité, qu'il s'agisse de la protection de la santé de la femme enceinte ou de la protection de son emploi. Sont ainsi précisées les règles relatives à la prise en compte de la grossesse lors de l'évaluation des risques, à l'aménagement des conditions de travail (interdiction de travailler avant et après l'accouchement, changements temporaires d'affectation, mutation ou transformation de poste, aménagement des horaires), à la surveillance médicale des femmes enceintes et aux travaux interdits (liés à des travaux exposant à des risques chimiques, physiques ou biologiques). Sont également détaillées les dispositions relatives au congé de maternité et à la reprise du travail, ainsi que celles permettant la protection de la femme enceinte contre le licenciement (impossibilité de rompre le contrat de travail et exceptions existantes, effets d'un licenciement prononcé à l'encontre d'une salariée enceinte).
Extrait de la page 2 : "La réglementation prend en considération la constitution physique de la femme ainsi que la maternité. Il s’agit de protéger la santé de la future mère et de l’enfant à naître, des femmes allaitant, mais aussi celle des femmes en âge de procréer."
Extrait de la page 7 : "Travaux interdits ou réglementés
Le Code du travail interdit formellement d’employer les femmes enceintes ou allaitant à un certain nombre de travaux et de les admettre de manière habituelle dans les locaux qui y sont dédiés. Ces travaux concernent à la fois certains risques chimiques, biologiques et physiques.
Risques chimiques
Travaux interdits
Il est interdit d'employer les femmes enceintes ou allaitant et de les admettre de manière habituelle dans les locaux affectés à des travaux :
– de préparation et de conditionnement des esters thiophosphoriques ;
– d’emploi du mercure et de ses composés aux travaux de secrétage dans l'industrie de la couperie de poils.
Art. D. 4152-9 du Code du travail
De même, les femmes enceintes et les femmes allaitant ne doivent être ni maintenues, ni affectées à des postes de travail les exposant aux agents chimiques suivants :
– Agents chimiques qui satisfont aux critères de classification pour la toxicité pour la reproduction de catégorie 1A, 1B, ou catégorie supplémentaire des effets sur ou via l'allaitement définis à l'annexe I du règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 (dit règlement CLP) ;
– Benzène ;
– Dérivés suivants des hydrocarbures aromatiques : dérivés nitrés et chloronitrés des hydrocarbures benzéniques, dinitrophénol aniline et homologues, benzidine et homologues, naphtylamines et homologues. Toutefois, l'interdiction relative aux dérivés des hydrocarbures aromatiques ne s'applique pas lorsque les opérations sont réalisées en appareils clos en marche normale.
Art. D. 4152-10 du Code du travail"
Page 8 : détails sur les Risques liés aux rayonnements ionisants, à l'exposition à des champs électromagnétiques, aux travaux à l’aide d’engins de type marteau-piqueur
Extrait de la page 9 : "Rôle des services de santé au travail
Les services de santé au travail ont pour mission de conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants afin d’éviter toute altération de leur santé du fait de leur travail. Dans les services interentreprises, cette mission est assurée par une équipe pluridisciplinaire (comprenant un ou des médecins du travail, des collaborateurs médecins, des internes en médecine du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels, des infirmiers et des assistants en santé au travail).
Les professionnels de santé (médecins, internes infirmiers et collaborateurs médecins) doivent notamment conseiller et informer les femmes enceintes et allaitant, mais également les femmes en âge de procréer sur les dispositions et mesures nécessaires à mettre en œuvre afin d'éviter ou de diminuer les risques professionnels, et améliorer leurs conditions de travail.
Cette information des travailleurs doit être entreprise dès l'embauche pour les postes de travail exposant à un risque et elle doit être rappelée ou réactualisée lors des visites ultérieures. Il conviendra, en particulier, d'insister sur le fait que certains risques, notamment toxicologiques, peuvent avoir des effets précocement, alors que d'autres, telle la charge de travail, ont un impact surtout en fin de grossesse.
La circulaire du 2 mai 1985 relative aux missions du médecin du travail rappelle toutefois les limites du rôle du médecin du travail à l'égard des salariées en état de grossesse. En effet, sa surveillance concerne la salariée et les risques éventuels auxquels celle-ci peut être exposée pendant sa grossesse du fait du travail, mais non l'état de grossesse lui-même et son déroulement, dont la surveillance revient à la personne choisie par la salariée pour la suivre pendant cette période et veiller à son issue favorable.
Le médecin du travail a également un rôle d’information à l’égard du CHSCT (ou du CSE, voir page 4). Afin de lui permettre d'assurer au mieux sa mission en matière de travail des femmes et de protection de la maternité, il importe que le médecin du travail apporte au CHSCT (ou au CSE) les connaissances générales dont il dispose et les informations spécifiques sur les risques et les conditions de travail concernant la branche professionnelle, l'entreprise ou l'établissement concerné.
Circ. du 2 mai 1985 (BO min. Travail n° 85, 2 juill.)
Visite d’information et de prévention
La visite d’information et de prévention (VIP) est réalisée par un professionnel de santé, c’est-à-dire le médecin du travail ou bien, sous son autorité, le collaborateur médecin, l'interne en médecine du travail ou l'infirmier.
Dans le cadre de son rôle de conseiller de l’employeur et des salariés sur les conditions de travail, ce professionnel de santé doit, lors de la VIP organisée pour les salariés au plus tard dans les 3 mois suivant leur embauche, informer les femmes en âge d’être enceinte sur les risques éventuels auxquels les expose leur poste de travail. Elles doivent, en outre, être sensibilisées sur les moyens de prévention qui doivent être mis en œuvre.
Art. R. 4624-10 et suivants du Code du travail.
En tout état de cause, si la VIP n’a pas été réalisée par le médecin du travail, toute femme enceinte, allaitant ou venant d’accoucher, doit, à l’issue de cette visite, être orientée sans délai vers le médecin du travail, ou à tout moment si elle le souhaite, afin que le médecin propose des adaptations du poste ou une affectation à d'autres postes, si cela est nécessaire.
Art. R. 4624-19 du Code du travail."
"Visite de reprise et de préreprise
Après le congé de maternité ou une absence de plus de 30 jours, une visite de reprise doit être organisée au plus tard dans les 8 jours qui suivent la date de reprise de la salariée. Cette visite est notamment destinée à :
- vérifier si le poste de travail que doit reprendre la salariée est compatible avec son état de santé ;
- examiner les propositions d'aménagement ou d'adaptation du poste repris par la salariée ou de reclassement faites par l'employeur à la suite des préconisations émises, le cas échéant, par le médecin du travail lors de la visite de préreprise ;
- préconiser l'aménagement, l'adaptation du poste ou le reclassement ;
- émettre, le cas échéant, un avis d'inaptitude.
Art. R. 4624-31 et R. 4624-32 du Code du travail
La visite de reprise après le congé de maternité doit également permettre de rechercher une anomalie ou une pathologie néonatale qui pourrait être en rapport avec le travail effectué pendant la grossesse. Bien que la fréquence de ces anomalies ou de ces pathologies soit peu élevée, il est important de les mettre en évidence, d'une part, pour améliorer la prévention et exercer une surveillance particulière des situations à risque, d'autre part, pour apporter une contribution à de futures actions d'étude et de recherche. À cette occasion, une action d'information et d'éducation pourra également être développée.
Circ. du 2 mai 1985
Par ailleurs, en vue de favoriser le maintien dans l'emploi des travailleurs en arrêt de travail d'une durée de plus de trois mois, une visite de préreprise doit être organisée par le médecin du travail à l'initiative du médecin traitant, du médecin-conseil des organismes de Sécurité sociale ou du travailleur.
Art. R. 4624-29 et R. 4624-30 du Code du travail"
Voir aussi :
- Risque chimique et allaitement : comment évaluer le risque de l’enfant ?, INRS, 2019.
- Dossier du n° 122 des Dossiers de l'allaitement "Polluants et allaitement", 2017. "Les futurs parents et les personnes qui s’occupent de jeunes enfants devraient recevoir des informations sur les moyens de limiter leur exposition aux polluants. Les risques liés aux situations personnelles des mères (expositions professionnelles…) devraient pouvoir être évalués par des professionnels de santé formés et sensibilisés au rapport bénéfice/risque".
- Dossier de l'INRS sur les Risques chimiques, mis à jour en 2023.
- Fiches FDS (Fiches de Données de Sécurité) des produits chimiques (à récupérer auprès des fabricants/distributeurs).
- INRS, Fiches DEMETER (Documents pour l’Évaluation Médicale des produits Toxiques vis-à-vis de la Reproduction).
- INRS, Fiches toxicologiques.
- INRS, Salariées enceintes exposées à des substances toxiques pour le développement foetal. Surveillance médicale. Recommandations de la Société française de médecine du travail, novembre 2004. L’employeur doit proposer un autre poste et si cela n’est pas possible, il peut suspendre le contrat de travail. Le décret du 23 octobre 2002 prévoit une garantie de rémunération dans ce cas (avec une partie versée par la Sécurité Sociale et une partie par l’employeur). Document à télécharger en bas de la page.
- Le CRAT (une mère médecin a partagé en septembre 2021 "qu'ils prennent le temps de répondre car toutes les molécules ne sont pas répertoriées sur leur site").
- Les Centres de pharmacovigilance de Lyon et d’Angers auraient l'habitude de répondre aux mères allaitantes.
En fonction du contexte, des protections en place et des produits, et du risque évalué pour l’enfant, certaines mères se voient parfois proposer un changement ou aménagement de poste, des précautions particulières...
Si, lors de la visite de pré-reprise ou de reprise, le médecin du travail demande à sevrer l’enfant (ce qui n’est normalement pas dans ses prérogatives), cela va à l’encontre des droits de l’enfant, et la mère pourrait saisir le Défenseur des droits (cela se fait en ligne). La mère pourrait aussi imprimer les documents pour base d'échanges avec le médecin du travail ou demander à voir un autre médecin du travail.
Sur le forum LLL
- https://forum.lllfrance.org/threads/allaitement-et-contact-avec-chimioth%C3%A9rapie.4360/
- https://forum.lllfrance.org/threads/allaitement-et-travail-avec-poste-amenag%C3%A9.12711/#post-198592
- https://forum.lllfrance.org/threads/administration-de-chimioth%C3%A9rapie-et-allaitement.19492/#post-533792
Sur le groupe Facebook LLL
Témoignage d'une membre du groupe : "Je vous partage mon expérience de femme enceinte et allaitante ayant travaillé en CDD dans un service QHSE (Qualité, Hygiène, Sécurité, Environnement) en industrie. Au vu des risques (contact avec des produits chimiques, des poussières CMR, des légionelles avec les tours aéro-réfrigérantes), le médecin du travail et l’employeur ont validé les mesures de protections collectives en place (hottes aspirantes au laboratoire et systèmes d’aspiration dans certaines zones de bâtiments…). Le port des EPI (gants spécifiques produits chimiques, masque à cartouches spécifiques aux risques) a été étendu à des zones plus larges que pour les autres employés lambda. Le poste de travail a été aménagé (limitation du travail et de la circulation dans certaines zones à risques et réaffectation des tâches considérées les plus à risque au sein de l’équipe)."
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