Article paru dans les Dossiers de l'allaitement n° 43, 2000
D'après : Immunological and nutritional composition of human milk in relation to prematurity and mothers' parity during the first 2 weeks of lactation. P Montagne, ML Cuillière, C Molé, MC Béné, G Faure. J Ped Gastroent Nutr 1999 ; 29 : 75-80.
Le lait maternel est généralement considéré comme étant l'aliment le plus approprié pour le nourrisson. Toutefois, l'adéquation du lait humain aux besoins du prématuré reste un sujet controversé. Un certain nombre d'études ont comparé la composition du lait de mères de prématurés et celle du lait de mères ayant accouché à terme. Elles ont montré que les mères de prématurés ont un lait plus riche en azote total et protéique, ainsi qu'en facteurs immunitaires. Le but de cette étude était d'évaluer l'impact de la prématurité et de la parité sur l'évolution des principales protéines immunocompétentes et nutritionnelles dans le lait humain pendant les 2 premières semaines post-partum.
368 échantillons de lait ont été collectés auprès de 74 mères allaitantes dans un service de maternité de Nancy ou à leur domicile ; 46 femmes avaient accouché prématurément (153 échantillons), 28 femmes avaient accouché à terme (215 échantillons). Les échantillons de lait ont été regroupés en fonction de la parité maternelle, de l'âge gestationnel de l'enfant à la naissance et du moment de la lactation. On a dosé dans tous ces échantillons les taux d'alpha-lactalbumine (LA), de beta-caséine (BC), d'IgA, de lactoferrine, de lysozyme et de sérum albumine (SA) par immunonéphélémétrie.
Pendant les 8 premiers jours post-partum, le taux de protéines totales était significativement plus élevé dans le lait prématuré que dans le lait à terme. On observait aussi dans le lait prématuré des taux significativement plus élevés d'IgA entre J1 et J14, et de lysozyme entre J8 et J14. En revanche les taux de BC étaient plus bas dans le lait prématuré entre J1 et J8, ceux de LA étant plus bas entre J1 et J4. Il existait une corrélation entre les taux de ces diverses protéines et l'âge gestationnel de l'enfant à la naissance. Le taux d'IgA entre J9 et J14 et de lysozyme entre J5 et J14 était significativement plus élevé uniquement lorsque cet âge gestationnel était inférieur à 33 semaines. Un taux plus bas de BC était observé entre J1 et J8 chez les mères ayant accouché avant 33 semaines (n = 25), ou entre 33 et 37 semaines (n = 21). Le taux de LA était plus bas dans le lait prématuré que dans le lait à terme entre J1 et J8 chez les mères ayant accouché avant 33 semaines. Inversement, le taux de LA était plus élevé entre J5 et J8 chez les mères ayant accouché entre 33 et 37 semaines. Le taux de SA était plus élevé entre J1 et J4 chez les mères ayant accouché avant 33 semaines. Sauf pour ce qui était du taux d'IgA dans le lait de mères ayant accouché avant 33 semaines, les taux de toutes les protéines dosées étaient similaires dans le lait prématuré et le lait à terme entre J9 et J14.
Taux de protéines (en g/l) dans le lait prématuré (enfant né avant 37 semaines) et à terme (enfant né après 37 semaines) pendant les 2 premières semaines de la lactation.
* Moment de la lactation
** Nombre d'échantillons de lait
L'impact de la parité a été étudié dans le lait prématuré et dans le lait à terme pour les 132 échantillons collectés entre J1 et J4. Les différences observées dans les taux de protéines totales, d'IgA, de LA et de SAB étaient significatives uniquement chez les échantillons provenant des primipares. De plus, les primipares ayant accouché avant 33 semaines avaient des taux lactés significativement plus élevés de lactoferrine que les primipares ayant accouché à terme (7,5 ± 4,8 g/l contre 5,1 ± 2,6 g/l). La parité n'avait aucun impact significatif sur les taux des divers facteurs dosés chez les femmes ayant accouché à terme. Elle avait en revanche un impact sur les taux lactés d'IgA, de LA et de BC chez les mères ayant accouché prématurément.
Dans l'ensemble, l'évolution de la composition du lait entre J1 et J14 était similaire chez les mères ayant accouché à terme et celles ayant accouché prématurément : nette diminution des protéines totales et des IgA, abaissement modéré des taux de lactoferrine et de lysozyme, et augmentation des taux de LA et de BC. Les variations individuelles étaient plus importantes chez les mères ayant accouché prématurément. L'impact de la prématurité était plus marqué lorsqu'on comparait les taux relatifs des diverses protéines par rapport aux protéines totales, tout particulièrement dans le lait des mères ayant accouché avant 33 semaines, la primiparité augmentant encore ce phénomène. Le fait que les poids de naissance des enfants pour un même âge gestationnel étaient similaires chez les primipares et chez les multipares est en faveur d'un impact spécifique à la parité.
Pendant les jours qui suivent l'accouchement, le volume et la composition du lait évoluent rapidement. Les différences dans les taux des principales protéines nutritionnelles et immunocompétentes observées dans le lait prématuré peuvent être interprétées comme étant la conséquence d'une phase colostrale prolongée chez ces mères, éventuellement en rapport avec l'immaturité de la glande mammaire (fermeture incomplète des points de jonction entre les lactocytes permettant le passage de protéines plasmatiques), surtout lorsque la femme est primipare. Les taux plus élevés d'IgA, de lactoferrine et de lysozyme peuvent jouer un rôle important dans la protection passive de la muqueuse intestinale du prématuré. Le taux globalement bas de LA et de caséine peut donner à penser que le lait maternel ne permet pas de couvrir les besoins du prématuré. Toutefois, l'augmentation rapide du taux de LA dans le lait des mères ayant accouché entre 33 et 37 semaines suggère une rapide adaptation du lait aux besoins de l'enfant.
Les auteurs concluent que leurs résultats confirment l'impact de la prématurité sur les taux lactés de protéines importantes sur le plan nutritionnel et immunologique. Ils confirment aussi l'influence du degré de prématurité et de la parité, et démontrent leur impact conjugué. Ces données peuvent être utiles pour mieux comprendre la lactogénèse humaine, et pour permettre une nutrition plus adéquate des prématurés.
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