Les associations jouent un rôle fondamental dans le soutien aux mères allaitantes, aussi important que les groupes de pairs pour les médecins. Les réunions d’associations comme LLL sont des groupes de travail et des groupes de parole, dont l’utilité se situe aussi bien :
• Pendant la grossesse, qui reste un moment privilégié car les femmes disposent d’un peu plus de temps. Il est utile de se renseigner auprès d’un groupe de soutien le plus tôt possible pendant la grossesse, afin de savoir comment bien débuter l’allaitement, et de savoir comment prévenir et trai-ter tous les petits problèmes qu’on peut rencontrer en début d’allaitement.
• Après l’accouchement (pour apprendre à gérer les petits soucis d’allaitement et de maternage).
• Pendant toute la période d’allaitement sous forme d’accompagnement.
Ce dont les mères ont besoin
Le groupe est un lieu de rencontres. Les femmes vont pouvoir se ressourcer sur le plan technique, pratique et psychologique dans ces groupes de mères, en retrouvant d’autres mères qui ont le même souhait d’allaiter, et qui leur servent de repères. Le fait de côtoyer d’autres mères allaitantes leur permet de constater qu’il est possible d’allaiter plus de quelques semaines ; qu’il est possible de surmonter les problèmes ; que l’allaitement a de la valeur, ce qu’est le plaisir d’allaiter, etc.
La demande de la mère change avec le temps :
• les questions qu’elle a par rapport à l’allaitement évoluent ;
• plus elle avance dans son allaitement, et plus son entourage réagit à cet allaitement.
Si l’allaitement se passe bien, la mère a un sentiment d’épanouissement et de compétence. La limite du congé de maternité (10 semaines pour le 1er enfant), qui est une date culturelle, sera vécue comme une contradiction par rapport au calendrier physiologique et biologique des besoins de l’enfant, et aux recommandations nationales et internationales officielles (allaitement exclusif d’environ 6 mois, et poursuite de l’allaitement pendant la diversification). Le souhait d’allaiter en respectant le calendrier biologique se manifestera. Par ailleurs, plus la femme avance dans son allaitement, plus son interlocuteur privilégié ne sera plus le monde médical, mais le monde des autres mères, qui ont fait un cheminement similaire, et qui ont trouvé des solutions.
Responsabiliser la mère et ne pas la rendre dépendante sont les règles d’or des groupes d’accompagnement de l’allaitement. Leur objectif est d’apporter un soutien, une écoute, des documents et des informations, et de laisser la mère choisir ce qui lui convient ; ce n’est pas d’assurer une prise en charge. Les groupes encouragent la décision éclairée de la mère. C’est elle qui connaît le mieux ses besoins, ceux de son enfant, et ceux de sa famille. De nombreuses mères attendent d’une association qu’elle les aide à avoir confiance en elles, et en ce qu’elles ressentent comme le plus adéquat pour elles et leurs bébés.
Les bénévoles des groupes d’allaitement ont pour rôle d’animer un groupe, d’encourager les mères à s’exprimer, d’apporter informations et soutien. Elles soulignent les compétences des mères, renforcent leur confiance en elles. Elles aident les mères à découvrir ce qu’elles ont au fond d’elles (leur « instinct maternel »), à réapprendre à s’écouter et à écouter leur enfant, à réunir les informations leur permettant de mener à bien LEUR allaitement, propre à chaque femme et son enfant, à chaque famille, et aussi à découvrir le rôle physiologique spécifique d’une partie de leur corps, à explorer une dimension de leur sexualité plus ou moins occultée dans notre société, et pourtant parfaitement normale.
Trois facteurs jouent un rôle majeur dans la réussite de l’allaitement :
1) l’opinion de la femme et de son conjoint sur l’allaitement ;
2) la perception parentale de la norme sociale concernant l’allaitement : est-ce que l’allaitement en fait partie ou pas ? l’entourage proche est-il favorable ou pas ?
3) la conviction de la femme et de son conjoint d’avoir les compétences nécessaires pour gérer l’allaitement dans son déroulement et dans sa durée, la confiance en soi, et l’assurance de pouvoir trouver de l’aide si besoin est.
Dans les réunions de LLL par exemple, ces trois aspects sont très largement abordés dans les discussions entre les mères.
L'allaitement se trouve, paradoxalement, à un carrefour entre :
• le monde médical ; si tout se passe bien, certains professionnels de santé considèrent que c'est un geste naturel qui ne relève pas du médecin ; d’autres estiment nécessaire, même si tout se passe bien, de donner à la mère des consignes strictes sur la fréquence et la durée des tétées.
• le monde associatif, qui a l'expérience sur le terrain, mais dont le rôle et l’importance sont souvent méconnus des professionnels de santé.
Les connaissances en matière d’allaitement
Tout le monde croit s’y connaître. Cela constitue un réel problème, dans la mesure où l’allaitement nécessite de VRAIES compétences. De nombreuses études ont constaté que les connaissances des professionnels de santé en matière d’allaitement étaient globalement médiocres et que certains professionnels de santé estimaient être compétents sur le sujet alors que c’était très loin d’être le cas. Or, il n’est pas suffisant de dire à une femme que «l’allaitement est l’idéal pour le bébé», et que c’est bien qu’elle allaite, il faut encore être capable de l’aider efficacement.
Tout professionnel de santé travaillant auprès de mères et/ou de bébés devrait donc avoir des connaissances de base en matière d'allaitement, selon les recommandations de la brochure du PNNS (Allaitement maternel – Les bénéfices pour la santé de l’enfant et de sa mère, 2004*) : puéricultrices, sage-femmes, gynécologues, obstétriciens, également le pédiatre, et bien sûr le médecin généraliste, à juste titre appelé «médecin de famille». Consulter pour un problème d’allaitement un professionnel de santé compétent pour le suivi du bébé, mais pas compétent en matière d’allaitement, n'a pas de sens. Faire examiner une femme qui allaite par un professionnel de santé compétent dans le suivi des femmes, mais qui n’a pas les notions de base sur l'allaitement, est un non-sens.
L'allaitement n'est pas juste une activité secondaire, une « affaire de bonnes femmes », c'est un processus qui est le pivot des premiers mois de vie du bébé, et qui affecte profondément :
• le comportement de la mère et de son bébé
• le métabolisme des deux
• le bien-être ou mal-être des deux
L’allaitement, ce n’est pas simplement une case à cocher sur un formulaire. Durant la période d'allaitement, son déroulement est au centre des préoccupations des mères. De ce point de vue, l'allaitement mérite notre considération et notre respect. Combien de femmes ont vu leur allaitement arrêté prématurément en raison d’un suivi insuffisant ? Ou parce que l'allaitement ne faisait pas partie des valeurs du professionnel de santé consulté ? Au moindre souci, c'est l'allaitement qu’on estime a priori coupable, et qu'on fait arrêter. Le rôle d’une communauté périnatale devrait être de valoriser l’allaitement, et de mettre tout en œuvre pour sa réussite.
Travailler en réseau
La 10ème Condition pour la réussite de l’allaitement dans le cadre de l’Initiative Hôpital Ami des Bébés stipule qu’il faut : « Encourager la constitution d’associations de soutien à l’allaitement, et en donner les coordonnées aux mères dès leur sortie de maternité ». Les groupes d'information sur l'allaitement (LLL ou autres) se situent entre l'hôpital et le cabinet de ville. C'est un lieu de paroles, de questions qui surgissent, et que les mamans, qui cherchent des réponses et un soutien, n’osent pas ou ne pensent pas à poser à leur médecin (homme ou femme). L'idéal serait un travail en réseau, avec une collaboration entre hôpital, cabinet de ville, groupe de soutien, avec un discours cohérent.
Il est indispensable que les mères ne reçoivent pas des informations inexactes. Or, de telles informations circulent encore largement (sans parler des nombreux mythes qui perdurent sur l’allaitement) :
• méconnaissance de la physiologie (par exemple, recommandation de sauter une tétée pour que «les seins aient le temps de se remplir», et pour avoir plus de lait) ;
• méconnaissance de la bonne position du bébé au sein et de son impact ;
• méconnaissance de l’importance d’un bilan détaillé de l’allaitement en cas de faible prise de poids ;
• méconnaissance du traitement approprié des mastites et engorgements par un bon drainage du sein, etc.
On se retrouve encore trop souvent dans des situations où l'allaitement, qui n'est pas un problème médical, n'est pas correctement encadré par les professionnels de santé que la mère a l’occasion de voir, avec pour résultat que l'allaitement FINIT par devenir un problème médical. Quelques exemples très courants :
• mastite non traitée causant douleur, sevrage précoce, et sentiment d’incompétence chez la femme allaitante ;
• crevasse surinfectée rendant l’allaitement très douloureux ;
• prise de poids insuffisante qui se solde par le don de compléments de lait industriel, faute d’évaluation du déroulement de l’allaitement, alors que la mère souhaite allaiter ;
• prise de médicament avec arrêt injustifié de l'allaitement.
La responsabilité des professionnels de santé devrait être de respecter et de maintenir l’allaitement selon le souhait de la famille, et d’éviter les décisions médicales qui vont à l’encontre de l’allaitement. Or, bien souvent, une femme qui exprime le souhait de poursuivre l’allaitement dans des situations « difficiles » est perçue comme une extrémiste qui « allaite juste pour son plaisir », sans tenir compte du bien de son bébé. Et une femme qui montre sa détresse à l’idée de devoir sevrer ou suspendre l’allaitement s’entend bien souvent répondre qu’il n’y a pas de quoi en faire tout un plat, et que les laits industriels sont tout aussi bons que le lait maternel. Quelle information erronée…
Par manque de coordination et de travail en réseau, par méconnaissance de leur existence par les professionnels de santé locaux, les groupes d’aide aux mères fonctionnent souvent dans des situations d’urgence qui pourraient être évitées. Ils doivent gérer les problèmes de crevasses, d’engorgement, de faible prise de poids, chez une mère découragée et se sentant incompétente, dans un contexte où l’allaitement est considéré comme une affaire de choix personnel et non un facteur important de santé publique, et où il est donc peu valorisé.
Aujourd’hui, plus de 60% des femmes désirent allaiter. Afin de tenir compte de ce souhait, l’information doit être adéquate. La femme n’a pas besoin d’être ménagée, elle a besoin d’être informée correctement et honnêtement, avec sincérité. Elle a besoin qu’on lui laisse prendre ses décisions elle-même ; ensuite elle a besoin qu’on respecte son choix, et cela n’est pas toujours le cas quand elle souhaite allaiter. Les professionnels de santé doivent en tenir compte dans leurs décisions. En premier lieu, c'est à la femme, à la famille, de dire combien l'allaitement lui importe. Et c’est au réseau périnatal (hôpital, professionnels de santé, associations) de l’accompagner correctement.
Geste de maternage
De geste nutritif, l’allaitement évolue avec le temps vers un geste de maternage, et dans les réunions d’associations comme LLL, cet aspect est grandement valorisé. De ce point de vue, il faut saluer la publication de la brochure du PNNS. En matière d’allaitement, il est nécessaire de considérer femme et enfant ENSEMBLE, et sous l'angle des BIENFAITS.
Assurer un soutien adéquat
En conclusion, on peut faire les recommandations suivantes :
• Tous les membres de la communauté périnatale (les hôpitaux, PMI, médecins de ville et associations) doivent se former et diffuser des informations correctes et cohérentes sur l’allaitement concernant le bébé et la mère (cf. comme base, nous pouvons suggérer le document du PNNS sur les bénéfices de l’allaitement).
• De nombreuses études ont montré que la prévalence et la durée de l’allaitement étaient plus élevées chez les femmes qui avaient décidé tôt d’allaiter. La communauté périnatale devrait toucher les femmes enceintes le plus tôt possible, idéalement au début de la grossesse, pour aborder l’alimentation infantile, les bienfaits de l’allaitement, et pour les informer de façon à les rendre autonomes, et de permettre ainsi une sortie précoce de maternité dans de bonnes conditions.
• Il est indispensable de travailler étroitement en réseau (informer les femmes enceintes sous forme de binôme (mé-decin libéral / puéricultrice ; membre d’une PMI / médecin hospitalier ; bénévole associatif / sage-femme) et d’appliquer des protocoles qui permettent de prendre le relais après la sortie de maternité.
Les bonnes informations existent. Les associations sont les partenaires privilégiés. LLL met par exemple l’accent sur la formation continue des animatrices, par des ateliers, des congrès et des publications, et participe à la formation des professionnels de santé (Allaitement Maternel Formation, Les Dossiers de l’Allaitement).
Mme Britta BOUTRY, animatrice LLL (Buc, 78)
6ème journée de formation : « Accompagnement de l’allaitement et travail en réseau ».
Maternité en Yvelines, 22 nov 2005, Poissy. Intervention à la table ronde B
www.lllfrance.org
Peut être reproduit, imprimé ou diffusé à condition de mentionner la provenance de cet article.
Publié dans Les Dossiers de l'Allaitement n° 70, LLL France 2007
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