Article publié dans les Dossiers de l'allaitement n° 60 (Juillet – Août – Septembre 2004).
Cas présenté par Mme Lea Cohen, animatrice LLL, consultante en lactation IBCLC, formatrice en allaitement, psychologue clinicienne.
Cette mère me contacte par téléphone alors que son bébé, Alain, est âgé de 13 jours. Elle est diabétique, et la naissance a été déclenchée 1 mois avant le terme prévu. Elle a accouché par césarienne. Alain pesait 3 540 g à la naissance, soit un poids élevé pour un bébé prématuré, mais « normal » pour le bébé d’une mère diabétique. À J2, le bébé pesait 3 170 g. Il dormait beaucoup. La mère le réveillait toutes les 3 heures (6 à 7 fois par jour) pour essayer de le mettre au sein, avec pour résultat un bébé qui tétait très peu, et se mettait ensuite à pleurer de frustration. Il n’arrivait pas à rester au sein, et n’obtenait pas de lait.
La mère a commencé à tirer son lait 6 fois par jour avec un tire-lait manuel, mais n’arrivait pas à tirer suffisamment de lait pour couvrir totalement les besoins du bébé. Ce lait était donné à la seringue au bébé. À la sortie de maternité à J7, il était nourri essentiellement à la seringue et pesait 3 350 g. Au téléphone, je suggère à la maman de louer un tire-lait électrique automatique à double pompage, qui lui permet, dès le premier jour d’utilisation, d’obtenir 60 à 80 ml à chaque séance d’expression du lait. Grâce à cela, le bébé commence à prendre environ 25 g par jour. Je lui suggère aussi d’utiliser un DAL (dispositif d’aide à la lactation) pour donner les compléments (lait maternel ou industriel).
Je suis allée voir cette maman à son domicile le lendemain de l’appel (J14). J’ai constaté que le bébé ouvrait très peu la bouche, cette dernière étant très petite, et qu’il lâchait facilement le sein. Sa succion était faible et il n’arrivait pas à maintenir le sein dans sa bouche pendant la tétée. J’ai montré à la maman comment utiliser un DAL (dispositif d’aide à la lactation – Medela) posé sur le sein pour donner les compléments. Mais les tentatives pour remettre le bébé au sein le fatigaient, il pleurait, et le repas se finissait avec le DAL au doigt. Il a été décidé d'utiliser un DAL sur le sein et aussi au doigt pour donner les compléments.
J’ai expliqué à la mère les signes indiquant que son bébé était en sommeil léger, et qu’il pourrait donc être facilement réveillé pour une tétée. Les bébés ont un cycle de sommeil plus court que les adultes. Toutes les 45 mn environ, ils sont en sommeil léger, ce qui se traduit par des mouvements oculaires, des grimaces, des mouvements des mains et du corps, et parfois l’émission de petits bruits. C’est un bon moment pour réveiller un bébé et lui proposer une tétée : il sera plus éveillé et coopératif. J’ai aussi discuté avec cette maman du fait que son bébé était né prématurément, qu’il était normal qu’il ait des périodes d’éveil plus courtes, et qu’il ne fallait pas s’attendre à ce qu’il se comporte comme un bébé né à terme. Ces informations ont beaucoup soulagé la mère, qui vivait très mal ses efforts infructueux pour réveiller son bébé. J’ai enfin discuté avec elle des avantages de l’utilisation d’un porte-bébé pour les prématurés. Cela permet de stimuler davantage l’enfant, les mères qui portent ainsi leur bébé ont une sécrétion lactée plus abondante, la mère est plus sensible aux signaux de son enfant montrant qu’il pourra être mis au sein, et les tétées sont plus fréquentes.
J’ai revu cette mère 4 jours plus tard. Alain était encore peu efficace au sein, mais il tétait plus longuement avec le DAL (qui contenait toujours du lait maternel exprimé) sur le sein. S’il n’arrivait pas à finir le contenu du DAL pendant la tétée au sein, la mère finissait de le lui donner au doigt. Alain prenait plus de 40 g par jour (prise de poids moyenne sur le premier mois : 25 g par jour). Cette mère passait toutefois ses journées à nourrir son bébé : le réveiller, l’allaiter, le supplémenter, puis tirer son lait, puis nettoyer le DAL, et recommencer. Elle avait l’impression qu’elle ne verrait jamais le bout du tunnel et avait grand besoin de soutien. L’utilisation du DAL sur le sein lui semblait compliquée et elle préférait nettement l’utiliser au doigt. Elle était totalement découragée par moments, mais les améliorations qu’elle constatait, en particulier au niveau de la prise de poids et de la succion d’Alain, l’encourageaient à persévérer.
Pendant les deux semaines suivantes, Alain a été principalement nourri au doigt, avec des mises au sein de temps en temps. Il a appris à téter au doigt avec plus de force et a pris plus de poids. Sa succion au sein est devenue de plus en plus efficace. 6 semaines après ma première visite, Alain était très efficace au sein, la mère avait cessé complètement d'utiliser le DAL, et l'allaitement se passait parfaitement bien. Il pesait 4 025 g à 7 semaines. À 3 mois, il pesait 5 350 g. Actuellement, le principal souci de la maman est qu’elle a trop de lait, avec un réflexe d’éjection trop fort.
Témoignage
Nathalie : « Avec l'habitude, on n'est plus obligé de fixer les deux tuyaux avec le sparadrap (vendu avec le DAL) par avance, ni de s'attacher la gourde autour du cou, car plus elle est haute et plus le lait coule vite (il y a aussi trois diamètres de tuyaux différents) et il faut permettre au bébé de s'habituer à l'effort de téter. Le fait de déclamper le deuxième tuyau permet aussi de faire couler plus vite grâce à l'appel d'air. En ce qui me concerne, je préfère garder la gourde dans la main à la hauteur de la tête de M., et je clampe le tuyau quand je veux le changer de sein, et déclampe le second quand il s'impatiente, puis je remonte la gourde le soir quand il est fatigué. »
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