Article publié dans les Dossiers de l'allaitement n° 58 (Janvier - Février - Mars 2004)
Le vasospasme est une contraction des vaisseaux capillaires, habituellement sous l’effet du froid. Ce spasme abaisse la quantité de sang dans les tissus, ce qui induit décoloration locale et douleur. La zone touchée se décolorera, puis deviendra violacée lorsque le sang recommencera à circuler. Quelques articles ont été publiés dans la littérature médicale sur le vasospasme au niveau des mamelons, qui peut être très douloureux. Ce problème pourrait être associé à un syndrome de Raynaud et/ou à des migraines. Le syndrome de Raynaud est essentiellement rencontré chez des femmes, et touche le plus souvent les doigts.
Certaines femmes présentant un vasospasme au niveau des mamelons ont été soulagées par la prise d’ibuprofène. D’autres ont apprécié l’efficacité d’applications chaudes. Ces deux mesures sont efficaces dans de nombreux cas. Pour d’autres, le soulagement sera temporaire, la douleur réapparaissant dès qu’on enlève la source de chaleur, par exemple. Cette douleur peut être suffisamment intense pour amener la femme à sevrer son enfant.
Les vasodilatateurs utilisés pour le traitement de l’hypertension peuvent aussi être utilisés pour le traitement du syndrome de Raynaud. L’un de ces produits, la nifédipine (un inhibiteur calcique), s’est avéré efficace pour le traitement des mères allaitantes présentant un vasospasme du mamelon, et qui ont des antécédents familiaux ou personnels de syndrome de Raynaud et/ou de migraines. Cet article rapporte un tel cas.
Cette femme de 32 ans, pédiatre, a demandé à voir une consultante en lactation peu après la naissance de son second enfant. Elle avait souffert d’un problème persistant de mamelons douloureux pendant son premier allaitement, pour lequel elle avait déjà été suivie étroitement par une consultante en lactation. La position du bébé au sein avait été soigneusement vérifiée, un traitement antifongique puissant avait été prescrit, sans aucune amélioration. La mère était très motivée, et avait allaité pendant plus d’un an malgré la douleur. Elle commençait à ressentir la même douleur avec son second enfant.
La consultante en lactation a passé en revue avec la mère toutes les causes possibles de mamelons douloureux. Le bébé était bien mis au sein, il était exclusivement allaité, il ne présentait aucun trouble neurologique, sa succion était correcte. La mère avait des mamelons parfaitement normaux, elle ne présentait aucun signe d’eczéma ou d’irritation locale. La possibilité d’un vasospasme a été suggérée après élimination des autres causes, et sur l’existence d’un syndrome de Raynaud chez le père de cette femme, et de migraines chez sa mère. Le diagnostic a été fait sur l’observation des modifications de coloration du mamelon après la tétée, et sur les caractéristiques de la douleur : intense, persistant voire s’intensifiant après la tétée. La consultante en lactation a donné à la mère de la documentation scientifique sur ce problème.
Après l’avoir étudiée et en avoir discuté avec son obstétricien, cette mère a décidé d’essayer de prendre de la nifédipine pendant 2 semaines, à la dose de 30 mg/jour. Elle a constaté une nette amélioration des symptômes, qui a perduré après la fin du traitement. À 4 mois post-partum, la mère rapportait ne pas avoir eu mal depuis des semaines.
La nifédipine a été utilisée pour traiter le vasospasme des mamelons ne répondant pas aux mesures simples (telles qu’applications de compresses chaudes), à la posologie de 30 à 60 mg/jour. Il semble que 2 semaines de traitement suffisent souvent à permettre une meilleure vascularisation du mamelon, bien que, chez certaines femmes, une durée de traitement plus longue soit nécessaire. Dans un cas, 8 semaines de ce traitement ont été nécessaires avant que le vasospasme disparaisse totalement et ne récidive pas dès l’arrêt du traitement. La nifédipine passe peu dans le lait maternel, et l’enfant reçoit approximativement 5 % de la dose maternelle ajustée pour le poids. Toutefois, nous manquons encore de données sur le meilleur traitement pour le vasospasme des mamelons (meilleur dosage, molécule à préférer, durée optimale de traitement).
Ce cas permet aussi de souligner l’importance d’un interrogatoire détaillé et d’un examen soigneux devant un problème de mamelons douloureux rebelle. La douleur d’un vasospasme est similaire à celle éprouvée en cas de candidose mammaire, ou en cas de problème de succion chez l’enfant. Les modifications de couleur du mamelon après la tétée, et l’existence d’antécédents personnels ou familiaux de syndrome de Raynaud ou de migraine, sont très évocateurs.
Bonjour,
Votre article m'a beaucoup aidé.
En effet lors de mon premier accouchement mon enfant a été mis au sein tout de suite et tetait efficacement et très longuement mais rapidement après quelques mises au sein j'ai ressenti des fortes douleurs au niveau des mamelons après puis pendant la tétée. Bien que douloureux j'ai poursuivi l'allaitement encouragée par les sage femme qui essayaient toutes les méthodes pour me soulager sans succès... Quelques semaines après ma sortie de la maternite et avec une grande tristesse j'ai arreté l'allaitement découragée et meurtrie. Lors de ma deuxième grossesse j'ai beaucoup étudié l'allaitement, acheté toutes les crèmes et pansements nécessaires pour mettre toutes les chances de mon côté et au bout de la première tetee les douleurs sont revenues plus intenses que la première fois, j'en pleurais. Au bout d'une nuit et une journee de tétées douloureuses j'abandonne l'allaitement de ma fille me sentant nulle. Le lendemain en discutant avec une sage femme qui m'avait accompagnée durant mes deux grossesses et exprimant ma culpabilité de ne pas avoir reussi cet allaitement que j'avais désiré, elle me demande si j'ai le syndrome de Reynaud. Très surprise je réponds positivement, étonnée qu'on me parle de ce soucis très peu connu dont je souffre surtout l'hiver et au ski oú mes doigts deviennent blancs puis violacés et douloureux. Nous faisons des recherches et nous tombons sur votre article et ce fut une libération pour moi, n'éclate en sanglot car non je n'y suis pour rien... Je ne suis pas douillette et je ne manque pas de volonté et mon bébé n'y est pour rien non plus, la faute à ce petit syndrome insignifiant dans ma vie quotidienne mais qui donne enfin une explication à tout ca. Mille merci à vous et si seulement cette connaissance pouvait se répandre et aider des femmes comme moi à ne pas souffrir et culpabiliser pendant plusieurs années.
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