Article publié dans les Dossiers de l'Allaitement numéro 66 (Janvier - Février - Mars 2006) : Raynaud’s phenomenon of the nipple : a treatable cause of painful breastfeeding. JE Anderson, N Held, K Wright. Pediatrics 2004 ; 113 : 360-64
Maurice Raynaud a décrit le vasospasme des artérioles pour la première fois en 1862. Ce qu’on connaît actuellement comme la maladie de Raynaud est un problème vasculaire qui touche jusqu’à 20 % des femmes en âge de procréer. On a constaté qu’elle pouvait toucher les mamelons chez les mères allaitantes, et ce problème est de mieux en mieux connu en tant que cause de mamelons douloureux.
En 1997, LS et CL Lawlor-Smith ont rapporté 5 cas de maladie de Raynaud ou vasospasme des mamelons chez des mères allaitantes. Toutefois, ce phénomène reste peu étudié dans la littérature médicale, et ses éventuelles corrélations avec une chirurgie mammaire n’ont jamais été étudiées. Dans la mesure où les problèmes de mamelons douloureux sont une cause importante de sevrage, il est nécessaire de savoir dépister et traiter ce problème. Les professionnels de santé qui suivent des femmes allaitantes doivent connaître ce problème afin de savoir le dépister et le traiter adéquatement. Cela permettra aux mères de poursuivre l’allaitement et d’éviter des traitements inutiles prescrits pour d’autres causes diagnostiquées à tort. Les auteurs rapportent leur expérience en la matière.
Les auteurs présentent 12 cas de femmes qui ont allaité 14 enfants, et qui ont été vues dans un cabinet pédiatrique et une consultation de lactation de San Francisco pendant les 3 dernières années. Toutes éprouvaient des douleurs mamelonnaires intenses, aggravées par le froid, et qui s’accompagnaient d’une série de modifications de la couleur des mamelons : décoloration, suivie de cyanose et/ou érythème. Une mauvaise prise du sein par l’enfant peut induire une décoloration du mamelon et une douleur intense. Toutefois, 10 de ces 12 mères ont été vues par une consultante en lactation expérimentée qui a pu constater que la prise du sein par l’enfant était correcte. Ce type de douleur peut souvent être pris pour une candidose ; 8 des 12 mères et leurs enfants avaient suivi plusieurs traitements antifongiques locaux ou généraux, sans aucune amélioration.
Pour diagnostiquer un vasospasme, il est nécessaire de constater un ensemble de symptômes : déclenchement ou aggravation par le froid, survenue des symptômes en dehors de l’allaitement, modifications biphasiques ou triphasiques caractéristiques de la couleur du mamelon. Les 12 mères suivies par les auteurs voyaient leurs symptômes aggravés par le froid, et toutes présentaient les modifications de couleur du mamelon. 6 mères sur 12 avaient commencé à présenter ce problème pendant leur grossesse. 3 des 12 mères avaient des antécédents de chirurgie mammaire : ablation d’un fibroadénome chez une mère, réduction mammaire chez 2 mères. Etant donné le petit nombre de mères de cette étude, il est impossible de savoir si la chirurgie mammaire favorise ou non la survenue d’une maladie de Raynaud au niveau des mamelons.
Le traitement fait appel à des mesures telles que protéger les mamelons du froid (découvrir les seins le moins possible, appliquer de la chaleur immédiatement sur les mamelons, allaiter dans un endroit suffisamment chauffé), supprimer la prise de vasoconstricteurs (nicotine, caféine), et traitement médical. Des articles ont fait état de bons résultats avec la phytothérapie, la prise de suppléments alimentaires (calcium, magnésium, vitamine B6, huile de poisson), ou la pratique d’un exercice physique. Néanmoins, dans la mesure où ces mères souhaitent souvent un soulagement le plus rapide possible pour pouvoir continuer l’allaitement, un traitement par un inhibiteur calcique tel que la nifédipine sera habituellement proposé (5 mg 3 fois par jour, ou 30 mg par jour sous forme à libération lente). Elle est prescrite pendant 2 semaines ; cela suffit souvent pour faire disparaître le vasospasme ; toutefois, il est parfois nécessaire de faire 2 ou 3 cures. La nifédipine a un effet vasodilatateur, et elle est utilisée pour le traitement de la maladie de Raynaud. Ce produit passe peu dans le lait, et il est compatible avec l’allaitement. 6 des 12 mères ont souhaité prendre de la nifédipine, et toutes ont constaté un soulagement rapide. Une seule mère a présenté un effet secondaire (céphalées pendant la seconde cure de nifédipine).
Premier cas :
Cette primipare de 28 ans a accouché par césarienne d’un bébé de 3 450 g. Le démarrage de l’allaitement s’est bien passé, sans douleur au départ. La mère a consulté à 3 semaines post-partum pour une douleur importante des mamelons. La mère et l’enfant ont été traités pour une candidose, sans aucune amélioration. A 6 semaines post-partum, la mère avait cessé de mettre son bébé au sein ; elle tirait son lait pour le lui donner, car c’était moins douloureux pour elle. Elle avait subi l’ablation d’un fibroadénome mammaire à l’âge de 19 ans. Elle ne fumait pas et n’avait aucun antécédent personnel ou familial particulier. Cette mère a refusé de prendre de la nifédipine. Elle a continué à tirer son lait pendant 1 an, et son enfant n’a reçu que son lait jusqu’à 6 mois. Elle a commencé à allaiter son second enfant, né par césarienne, mais a rapidement commencé à avoir les mamelons très douloureux. De nouveau, elle n’a pas souhaité prendre de nifédipine. Elle a tiré son lait pour le donner à son enfant pendant 1 an.
Deuxième cas :
Cette primipare de 31 ans a accouché à terme et par voie basse après une grossesse et un accouchement parfaitement normaux. Elle a commencé à allaiter, mais a rapidement demandé l’aide d’une consultante en lactation en raison de la douleur éprouvée au niveau des mamelons. La position de l’enfant au sein était bonne, sa succion était normale, il n’y avait aucun signe d’anomalie morphologique au niveau de l’enfant. La douleur était très intense à 2 semaines post-partum, et la mère a été vue à plusieurs reprises en consultation de lactation. Elle a suivi plusieurs traitements antifongiques, y compris 3 traitements par fluconazole, sans aucune amélioration. A 2 mois, la mère a consulté un pédiatre pour cette douleur persistante ; elle avait constaté une nette amélioration à l’occasion de vacances dans un pays chaud. A partir de cet indice, l’interrogatoire a retrouvé les symptômes classiques de maladie de Raynaud. La mère n’a pas souhaité prendre de nifédipine. Elle a choisi d’appliquer de la chaleur sur ses seins pendant et après les tétées. Les symptômes ont disparu avec l’arrivée de l’été. La mère a sevré son enfant à 6 mois.
Troisième cas :
Cette primipare de 35 ans a accouché par voie basse et à terme après une grossesse et un accouchement parfaitement normaux. Elle avait subi une chirurgie de réduction mammaire bilatérale. Elle avait eu les mamelons douloureux pendant sa grossesse, avec des moments où les mamelons se décoloraient. Dès le démarrage de l’allaitement, elle a commencé à avoir les mamelons douloureux, et a noté leurs modifications de couleur, et l’aggravation du problème au froid. Elle s’est adressée à une consultante en lactation qui a confirmé une mise au sein correcte. Le diagnostic de maladie de Raynaud a été fait par le pédiatre. La mère a accepté le traitement par nifédipine, qui a rapidement fait disparaître la douleur. La mère en a pris pendant 1 mois, et a pu ensuite arrêter le traitement sans que la douleur récidive immédiatement. A 8 mois, son enfant était toujours allaité. La mère a dû reprendre à 2 reprises un traitement par nifédipine pendant les 6 derniers mois.
Ma sage femme avait diagnostiqué ce problème suite à des fortes douleurs aggravées par le froid. L'utilisation de coquillages d'allaitement m'a permis d'allaiter 7 mois sans prendre aucun médicament. Pourquoi ne pas proposer cette solution, simple, peu coûteuse et sans substance chimique ?
Voici ce qu'en dit le CRAT :
Allaitement
La quantité de nifédipine ingérée via le lait est très faible : l’enfant reçoit moins de 1 % de la dose maternelle (en mg/kg), soit au maximum 5 % de la dose pédiatrique (en mg/kg).
Aucun événement particulier n’a été signalé à ce jour chez les enfants allaités par des mères sous nifédipine et le recul d’usage est important.
Au vu de ces éléments, l’utilisation de la nifédipine est possible en cours d’allaitement.
Bonjour,
Je me reconnais totalement dans tous ces symptômes et ces douleurs depuis des années et particulièrement depuis la naissance de ma fille et le début de mon allaitement .
Seulement, je vois que la nifédipine ne doit pas être prescrite aux femmes allaitantes, pouvez-vous confirmer que c’est sans risques pour le bébé ? Je ne souhaite pas sevrer mon bébé.
Merci
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