Article publié dans les Dossiers de l'Allaitement numéro 65 (Octobre-Novembre-Décembre 2005)
D'après Efficacy of breastfeeding support provided by trained clinicians during an early, routine, preventive visit : a prospective, randomized, open trial of 226 mother-infant pairs. J Labarere, N Gelbert-Baudinon AS Ayral et al. Pediatrics 2005 ; 115 : e139-146.
La prévalence de l’allaitement en France reste nettement inférieure à ce qui serait souhaitable. De plus, de nombreuses femmes ont cessé d’allaiter au bout d’un mois. Dans le service où travaillent les auteurs (service de maternité du CHU de Chambéry, environ 2000 naissances/an), la prévalence de l’allaitement est de 70,8% en maternité, mais elle est de seulement 58,1% à 1 mois. Ces abandons précoces sont souvent liés à un manque de confiance en elle de la mère, et à l’absence de soutien pour surmonter les difficultés du démarrage de l’allaitement. Le but de cette étude prospective randomisée était de voir dans quelle mesure une visite de routine dans un cabinet médical, à l’occasion de laquelle des informations sur l’allaitement seraient données à la mère, permettrait d’augmenter la durée de l’allaitement.
Au total, 231 mères ont participé à l’étude. Elles avaient accouché à 37 semaines et plus d’un enfant en bonne santé, et elles allaitaient à leur sortie de maternité. Elles ont été réparties par tirage au sort en 2 groupes. Les mères du groupe témoin (n = 115) ont bénéficié du soutien prodigué en routine dans le service : encouragements de la part de l’équipe soignante, évaluation de la santé de l’enfant et du déroulement de l’allaitement effectuée par un pédiatre le jour de la sortie du service, don du numéro de téléphone d’un groupe local de soutien aux mères, puis suivi pédiatrique de routine en France pendant les 6 premiers mois. Les mères du groupe intervention (n = 116) ont été invitées à se présenter à une visite de suivi chez l’un des 17 médecins (pédiatres et généralistes) participant à cette étude, dans les 2 semaines suivant l’accouchement, à l’occasion de laquelle la pratique d’allaitement était passée en revue. Tous les médecins impliqués avaient reçu une formation de 5 heures sur l’allaitement pendant le mois précédant le début de l’étude. Des données ont été recueillies sur la prévalence de l’allaitement exclusif et partiel à 4 semaines, sur la durée de l’allaitement, les difficultés éventuellement rencontrées, et sur le niveau de satisfaction de la mère. Toutes les données nécessaires ont pu être recueillies pour 226 mères (112 dans le groupe intervention, et 114 dans le groupe témoin).
92 mères (79,3%) du groupe intervention et 8 mères (7%) du groupe témoin sont allées consulter l’un des 17 médecins impliqués. Les mères du groupe intervention étaient plus nombreuses à allaiter exclusivement à 4 semaines (83,9% contre 71,9%), et elles ont allaité pendant plus longtemps (durée médiane 18 semaines, contre 13 semaines). Cet impact persistait après correction pour les variables confondantes. Les mères du groupe intervention étaient moins nombreuses à faire état de problèmes d’allaitement (55,3% contre 72,8%). Il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes pour ce qui était de la prévalence de l’allaitement à 4 semaines (89,3% dans le groupe intervention, 81,6% dans le groupe témoin), ni dans le pourcentage de mères satisfaites ou très satisfaites de leur expérience d’allaitement (respectivement 91,1% et 87,7%).
Cette étude présente des biais ; les 17 médecins participant au suivi des mères étaient motivés pour soutenir les mères allaitantes ; l’étude n’était pas en double aveugle ; les mères appartenaient à une population spécifique (population à risque faible vivant dans une ville de moyenne importance). Ces résultats montrent toutefois que le fait de bénéficier d’une visite de routine au cabinet d’un médecin formé à l’allaitement avant 2 semaines post-partum permet d’augmenter le taux d’allaitement exclusif à 4 semaines, ainsi que la durée totale d’allaitement, et d’abaisser la prévalence des problèmes d’allaitement, même si la durée d’allaitement constatée dans le groupe intervention restait inférieure aux recommandations officielles. Cette étude montre également qu’une courte formation à l’allaitement destinée aux médecins peut contribuer à améliorer les pratiques d’allaitement des mères de leur clientèle.
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