Article publié dans les Dossiers de l'Allaitement numéro 63 (Avril - Mai - Juin 2005)
La promotion de l’allaitement est l’un des moyens les plus efficaces pour améliorer la santé de nos enfants. Elle a également des effets bénéfiques pour les mères, les familles, l’environnement, et la société dans son ensemble. Il existe de nombreuses initiatives au niveau local, régional, national et international pour promouvoir l’allaitement. Les chances que ces initiatives obtiennent des résultats satisfaisants et durables seront bien plus importantes si l’action se base sur des programmes pertinents, incluant des activités dont l’efficacité a été prouvée, intégrées à un plan coordonné. Ce Plan d’Action passe en revue la situation actuelle dans 29 pays européens : Autriche, Belgique, Bulgarie, Suisse, République Tchèque, Allemagne, Danemark, Estonie, Espagne, Finlande, France, Angleterre, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lithuanie, Luxembourg, Lettonie, Malte, Hollande, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Suède, Slovénie, Slovaquie. Il offre le cadre nécessaire pour la mise en place de tels programmes. La discussion finale autour de ce texte, aboutissement d’un projet sur lequel le groupe d’experts provenant de 28 pays européens travaille depuis près de 2 ans, a eu lieu à Dublin (Irlande) les 17 et 18 juin 2004, dans le cadre des manifestations officielles de la présidence irlandaise de l’Union Européenne.
Une telle approche s'inscrit en phase avec l’engagement de la Direction de la Santé et de la Protection des Consommateurs de la Commission Européenne à encourager les initiatives locales, régionales et nationales visant à augmenter les taux et les durées d'allaitement en Europe. Ceux-ci sont très différents d'un pays européen à un autre, de même que les politiques et les pratiques destinées à soutenir l'allaitement maternel. Le Plan d'Action sélectionne un ensemble d'actions dont l'efficacité a été dûment démontrée. Elles concernent les domaines de la politique, de la planification, de la communication, de l'éducation, de la formation ainsi que les pratiques des services de santé, tout en ciblant les niveaux individuels autant que communautaires, l'hôpital autant que la société dans son ensemble.
Panorama de la situation actuelle
La situation actuelle des 29 pays examinés durant le projet est extrêmement diverse, néanmoins un certain nombre de conclusions communes s’imposent :
• La plupart des pays recueillent des statistiques sur l’allaitement. Néanmoins, les données collectées sont souvent incohérentes, incomplètes, parfois inexactes. Il n’existe aucune méthode standardisée en Europe pour le recueil de données sur l’allaitement. Il est clair que les taux et les pratiques d’allaitement sont loin d’atteindre les recommandations de l’OMS et de l’UNICEF. Dans certains pays, les taux d’initiation sont très bas. Même dans les pays où ils sont élevés, une baisse significative des taux d’allaitement apparaît dans les six premiers mois. Le taux d’allaitement exclusif à six mois est faible partout en Europe.
• Les services de santé de la plupart de ces pays ont les moyens financiers et logistiques de promouvoir activement l’allaitement. Mais seulement 18 pays se sont dotés de politiques nationales et/ou régionales en faveur de l’allaitement. Il manque des recommandations communes pour toute l’Union Européenne. De nombreux pays n’ont toujours pas atteint les objectifs fixés pour 1995 par la Déclaration d’Innocenti. Il semble qu’il y ait un manque général de détermination à allouer des fonds suffisants aux initiatives en faveur de l’allaitement. L’IHAB est mise en œuvre dans de nombreux pays, mais seuls quelques-uns ont obtenu une participation globale dans le secteur de la maternité. Dans certains pays, aucune maternité n’a reçu le label Hôpital ami des bébés.
• Le programme d’étude pour la formation initiale des professionnels de santé semble généralement incapable d’assurer une compétence dans les savoir-faire indispensa¬bles au soutien de l’allaitement. Les enseignants qui donnent les cours de connais¬sance et de savoir-faire sur l’allaitement en formation initiale ont besoin d’être eux-mêmes formés de façon adéquate. On trouve dans plusieurs pays un nombre croissant de consultant(e)s en lactation IBCLC, ce qui semble indiquer une meilleure prise de conscience du besoin de leur compétence spécifique.
• Les législations nationales régulant la commercialisation des substituts du lait maternel sont loin d’appliquer le Code international. Les recommandations du Code n’ont pas été correctement diffusées auprès des professionnels de santé et du grand public et aucun contrôle valable de son application n’a été effectué, sauf par les ONG, qui n’ont pas le pouvoir de sanctionner les infractions. Dans beaucoup de pays, la législation de protection de la maternité à propos de l’allaitement va au-delà des standards minima recommandés par la Convention OIT 183. Mais même dans les pays dotés des législations de protection de la maternité conformes aux standards OIT, de nombreuses catégories de mères qui travaillent (par exemple les femmes embauchées depuis moins de six ou douze mois au moment où commence leur congé de maternité, les travailleuses intermittentes, les travailleuses à temps partiel aux horaires irréguliers et les apprenties ou étudiantes employées) sont hors du champ de cette législation.
• Des groupes et associations bénévoles de soutien de mère à mère et de conseillers non professionnels sont actifs dans la plupart des pays participants. Les liens avec le système de santé sont souvent insuffisants pour parvenir à un degré efficace d’intégration et de coordination des groupes et associations avec les services sanitaires existants.
Le plan d’action
• Une politique globale devrait se baser sur la Stratégie mondiale pour l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant de l’OMS, et s’intégrer aux politiques générales de santé dans chaque pays. Afin de réduire les inégalités, il pourra être nécessaire d’élaborer des politiques spécifiques pour les groupes socialement défavorisés. Les associations professionnelles devraient être encouragées à publier des recommandations et des directives d’application basées sur les politiques nationales. Des plans à court et à long terme devraient être mis en place par les ministères concernés et les autorités sanitaires, qui devraient aussi nommer des coordinateurs convenablement qualifiés, et des comités inter-sectoriels. Des ressources humaines et financières adéquates sont indispensables à la mise en œuvre des projets.
• Une information, une éducation et une communication adéquates sont d’une importance décisive pour recréer une culture de l’allaitement dans des pays où l’alimentation au lait industriel est devenue la norme sociale depuis plusieurs générations. Les futurs et les jeunes parents ont droit à une information complète, correcte et optimale en ce qui concerne l’alimentation infantile, ce qui comprend des conseils pour l’introduction d’autres aliments au bon moment, de manière à ce qu’ils puissent prendre des décisions en toute connaissance de cause. Il est nécessaire d’offrir un conseil par des entretiens individuels effectués par des pro-fessionnels de santé convenablement formés, des conseillers non professionnels, et dans des groupes de soutien de mère à mère. Il est indispensable d’identifier les besoins spécifiques des femmes les moins susceptibles d’allaiter et d’y répondre activement. La distribution de documents publicitaires sur l’alimentation infantile par les fabricants et les distributeurs de produits visés par le Code International de Commerciali-ation des Substituts du Lait Maternel devrait être proscrite.
• Il est nécessaire d’améliorer la formation initiale et continue de tous les professionnels de santé. Les programmes d’études durant tout le cursus universitaire sur les connaissances en physiologie de la lactation et en conduite de l’allaitement, de même que les manuels, devraient être révisés ou élaborés. Des cours de formation continue basés sur les données scientifiques récentes devraient être créés, visant tout particulièrement le personnel soignant travaillant dans les maternités et les services de soins pédiatriques. Les fabricants et les distributeurs de produits visés par le Code International de Commercialisation des Substituts du Lait Maternel ne devraient pas influencer les documents de formation ni les cours. Les professionnels de santé concernés devraient être encouragés à suivre les cours spécialisés pour le suivi de l’allaitement dont la pertinence et l’efficacité ont été démontrées.
• La protection de l’allaitement dépend dans une large mesure de l’application effective du Code, application qui comprend des processus de renforcement, la sanction judiciaire des infractions, et un système de surveillance indépendant des intérêts commerciaux. Elle dépend également d’une législation de protection de la maternité qui permette à toutes les mères qui travaillent d’allaiter exclusivement leurs enfants les six premiers mois, puis de poursuivre l’allaitement. Un soutien efficace exige une volonté d’établir des standards de pratique optimale dans tous les services de maternité et de soins infantiles. Au niveau individuel, cela signifie pour toutes les femmes l’accès à des services apportant leur soutien à l’allaitement, comprenant l’assistance par des professionnels de santé convenablement formés et des consultant(e)s en lactation, des conseillers non professionnels, et des groupes de soutien de mère à mère. Le droit des femmes à allaiter à quelque moment et à quelque endroit qu’elles en éprouvent le besoin doit être protégé.
• Les procédures de contrôle et d’évaluation font partie intégrante de la mise en œuvre du Plan d’Action. Il est urgent de mettre en œuvre un mode de recueil des données sur les taux de démarrage, d’exclusivité et de durée de l’allaitement, en utilisant des indicateurs, des définitions et des méthodes standardisés, et ce à l’échelle européenne. Le contrôle et l’évaluation des pratiques dans les services sociaux et de santé, de l’application des lois, de la diffusion et de l’efficacité des activités d’information et d’éducation, et de la portée et de l’efficacité de la formation, devraient également être parties intégrantes des programmes d’action.
• La détermination du rapport coût/bénéfices, coût/ intervention, et de la faisabilité des différentes interventions nécessite aussi des recherches supplémentaires. La qualité des études sur l’allaitement a besoin d’être améliorée, en particulier en ce qui concerne les définitions des différentes catégories d’alimentation. Des règles éthiques donneraient à ces recherches l’assurance d’être libres de tout intérêt commercial. La prise de conscience et la gestion des conflits d’intérêt possibles des chercheurs sont d’une importance fondamentale.
Référence : Protection, promotion et soutien de l’allaitement maternel en Europe : un plan d’action. Elaboré et rédigé par les participants du projet : Promotion de l’allaitement maternel en Europe (EU Project Contract N. SPC 2002359). Sa version intégrale peut être téléchargée à cette adresse : http://www.coordination-allaitement.org/images/informer/blueprint_francais.pdf
Pour poser une question, n'utilisez pas l'espace "Commentaires" ci-dessous, envoyez un mail à la boîte contact. Merci