Article publié dans les Dossiers de l'allaitement n°53 (Octobre – Novembre – Décembre 2002)
D'après : Reverse pressure softening. Jean Cottermann, infirmière, consultante en lactation IBCLC. Dayton (USA)
De nombreux professionnels de santé ont constaté que les mères qui avaient reçu un volume important de liquide en IV pendant l’accouchement pouvaient avoir un retard de la reprise de la diurèse. L’augmentation de l’œdème pendant le post-partum précoce accroît l’engorgement, aggrave la résistance du tissu sub-aréolaire, déforme le mamelon, et interfère avec une prise efficace et confortable du sein.
L’auteur a mis au point une technique qui s’est avérée très efficace pendant les premiers 7 à 14 jours post-partum. Elle l’a appelée « Assouplissement par Contre-Pression » (ACP). Cette manœuvre utilise une pression positive douce ; elle peut être effectuée par un professionnel de santé, et/ou montrée ou expliquée à la mère si nécessaire, éventuellement au téléphone.
Le volume de liquide intersticiel peut augmenter jusqu’à 30 % au-dessus de la normale avant que cela devienne visible à l’œil nu (Guyton AC, Basic Human Physiology: Normal Function and Mechanisms of Disease, 1977, P; 321). En conséquence, l’utilisation précoce de l’ACP à titre préventif peut faciliter un meilleur transfert du lait, prévenir les douleurs et les lésions au niveau des mamelons, et accélérer la résolution de l’engorgement.
Au contraire, une contre-pression appliquée au niveau des mamelons à cette période est susceptible d’aggraver l’œdème dans le tissu situé sous l’embout du tire-lait, tout particulièrement lorsque l’appareil est réglé sur la puissance maximale. L’application d’un tel « facteur supplémentaire d’œdème » peut effectivement écraser les sinus lactifères situés dans le tissu aréolaire enflé. Lorsque cela arrive, ni l’action de la langue de l’enfant, ni le massage aréolaire au doigt ni l’expression avec le tire-lait lui-même ne pourront exprimer le lait correctement.
Le meilleur moment pour effectuer l’ACP est juste avant chaque mise au sein, autant de fois que nécessaire. La pression douce et continue, orientée vers le gril costal, sera exercée pendant 60 secondes, davantage si nécessaire, en se focalisant sur la zone où l’aréole rejoint la base du mamelon (on peut encourager la mère à chanter une berceuse plutôt que de regarder une pendule).
Si la mère a les ongles courts, elle peut appuyer avec le bout des doigts recourbés des deux mains ensemble (6 à 8 doigts), l’extrémité des ongles touchant le bord du mamelon. L’objectif est de créer un anneau de 6 à 8 « fossettes » tout autour de l’aréole à la base du mamelon. Si la manœuvre est effectuée par un professionnel de santé, la pulpe des deux pouces peut aussi être utilisée, créant de chaque côté du mamelon une contre-pression au niveau d’une zone d’environ 2,5 cm, au-dessus et au-dessous du mamelon. Il sera alors nécessaire de répéter la manœuvre sur les quadrants opposés pendant 60 secondes supplémentaires, en recouvrant partiellement la zone précédemment traitée, afin d’assouplir la totalité de la zone entourant la base du mamelon (voir illustrations ci-dessous).
Si la zone aréolaire est très dure et que la pression est exercée avec les doigts des deux mains, on peut exercer la pression pendant 2 à 3 minutes (utiliser un sablier de cuisine est habituellement plus agréable pour la mère). Si la pression est exercée avec 2 doigts, alterner les quadrants à plusieurs reprises en appliquant la pression pendant 60 secondes à chaque fois.
L’impact de cette technique est triple :
- L’excès de liquide intersticiel est temporairement évacué en direction du système lymphatique.
- La compression des sinus déplace le lait en amont vers les canaux lactifères, ce qui aide à réduire la distention aréolaire et rend la mise au sein plus confortable. L’élasticité de la zone aréolaire est importante pour que l’enfant puisse prendre correctement le mamelon et la zone aréolaire dans sa bouche, et pour que le mamelon s’étire sous l’action de la langue de l’enfant.
- L’éjection du lait est automatiquement déclenchée par la stimulation des terminaisons nerveuses situées dans le mamelon et l’aréole, ce qui amène plus rapidement le lait au mamelon, habituellement en moins de 5 minutes.
Après avoir exercé l’ACP, et s’il est utile d’assouplir encore plus l’aréole, l’expression manuelle du lait par massage aréolaire est beaucoup plus facile, agréable et efficace. Si l’engorgement est sévère, on pourra appliquer une contre-pression supplémentaire pour créer une « niche » plus souple pour le menton de l’enfant, ce qui lui permettra de prendre encore mieux le sein.
L'ACP en pratique
Dr Elien Rouw. Bühl (Allemagne)
En Allemagne, la plupart des accouchements se passent normalement. Peu de mères reçoivent un volume important en perfusion, et nous voyons peu d’engorgements sévères. J’ai eu toutefois récemment un tel cas. Une sage-femme m’a appelée pour une mère qui avait eu un travail très long, et avait été abondamment perfusée. Elle présentait un œdème mammaire important, et le bébé ne pouvait pas prendre le sein. Elle avait essayé de tirer son lait, et cela avait été un désastre. La mère était complètement découragée, et envisageait de renoncer à l’allaitement. Nous lui avons appliqué l’ACP, et cela a été un vrai miracle. L’engorgement aréolaire a disparu, le bébé a pu être mis au sein, la mère était enchantée, et nous avons trouvé cela très gratifiant.
L'assouplissemnt par contre-pression sera exercé avec les deux mains,
soit avec 3 ou 4 doigts de chaque main, soit avec un doigt de chaque main (pouce ou index).
Appuyez doucement vers la poitrine pendant 60 secondes, en alternant les quadrants,
lorsque la presion est exercée avec un seul doigt de chaque main. Répéter si nécéssaire.
Rachel Myr, sage-femme, infirmière, consultante en lactation. Kristiansand (Norvège)
Cette mère avait présenté une hypertension gravidique avec œdème. Elle a accouché par césarienne, et a reçu un volume liquidien important pendant l’opération. Deux jours après la césarienne, elle a présenté un engorgement important, et ses seins étaient durs comme de la pierre. Le bébé ne pouvait pas téter. La mère a tenté de tirer son lait sans résultat, la tentative ayant de plus été douloureuse.
On lui a expliqué la technique d’Assouplissement par Contre-Pression. Au bout de 30 secondes, le lait commençait à goutter. Au bout d’une minute, on pouvait voir sur l’aréole les dépressions créées par les doigts de la mère, et l’aréole était devenue souple aux endroits où la pression avait été exercée. L’œdème était tellement important que l’ACP a été effectuée deux fois de suite pour bien traiter toute l’aréole avant que le bébé puisse prendre le sein.
J’ai aussi utilisé cette technique chez une mère qui avait un engorgement uniquement au niveau des aréoles et des mamelons. Elle avait accouché par césarienne en urgence en raison d’une complication pendant sa grossesse. Le bébé avait 37 semaines d’âge gestationnel, ne semblait pas du tout intéressé par le sein, et il a été impossible de le mettre au sein. La mère a commencé à appliquer l’ACP juste avant de tirer son lait 48 heures après l’accouchement (elle voulait stimuler sa sécrétion lactée et son bébé n’avait pas encore pris le sein). À partir de ce moment, son bébé s’est « réveillé » et il a tété correctement. La mère avait une sécrétion lactée abondante, et elle savait comment faire pour « préparer » ses mamelons avant la tétée.
Depuis que j’utilise cette technique (tous les jours maintenant), les résultats sont toujours bons. La plupart du temps, aucune autre mesure n’est nécessaire. Il est utile de l’appliquer quelle que soit la cause du gonflement aréolaire. Je l’ai utilisée chez une mère qui avait une mastite sévère, et qui n’arrivait pas à tirer son lait à cause de l’œdème aréolaire. Après quelques secondes de pression sur l’aréole, le lait coulait, et au bout d’une minute, le sein était beaucoup plus souple, sauf dans la zone de la mastite. Cette mère a ensuite pu tirer son lait beaucoup plus facilement, et elle n’avait plus mal. J’ai constaté que cette technique est aussi très efficace chez les femmes qui ont eu une chirurgie de réduction mammaire, et qui présentent une induration cicatricielle du tissu aréolaire.
Martha Johnson, infirmière, consultante en lactation. Eugene (USA)
J’ai essayé aujourd’hui pour la première fois d’utiliser l’ACP, et cela a été un succès. J’ai été appelée en salle d’accouchement pour un bébé âgé de 3 heures qui voulait téter mais n’arrivait pas à prendre le sein malgré de nombreuses tentatives. La mère avait encore la perfusion posée, et ses mamelons étaient très enflés. Après 60 secondes d’ACP, ils étaient beaucoup plus souples. De plus, cela n’a pas du tout été désagréable pour la mère (comme l’expression manuelle peut l’être en pareil cas). Avec un peu d’aide, le bébé a pris le sein et y est resté pendant 45 minutes.
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