Articles publiés dans les Dossiers de l'Allaitement numéro 63 (Avril - Mai - Juin 2005)
Premier article - Transmission du CMV par le lait humain
D'après "Transmission of cytomegalovirus (CMV) through human milk. Are new breastfeeding policies required for preterm infants ?" A Willeitner. Adv Exper Med Biol 2004 ; 554 : 489-94.
Le CMV se transmet couramment par le biais du lait maternel. Chez les enfants nés à terme, la contamination est généralement asymptomatique. Mais chez les grands prématurés, elle peut induire une maladie sévère. La pasteurisation détruit le CMV. Les auteurs ont passé en revue toute la littérature médicale publiée entre 1966 et 2003, afin de faire le point sur les risques liés à la transmission du CMV via le lait maternel. 39 études portaient spécifiquement sur ce point.
La prévalence du CMV chez les femmes varie de 48 à 100% suivant les pays. 16 à 70% des femmes séropositives pour le CMV en excrétaient dans leur lait à un moment ou à un autre, suivant les études. 37 à 79% des enfants de ces mères étaient contaminés, le faible taux de contamination chez les enfants qui n’étaient pas allaités permettant de penser que l’allaitement est un mode majeur de transmission. La plus importante étude sur le sujet (Hamprecht et al, 2001) a suivi 90 enfants allaités, nés à moins de 32 semaines, d’une mère séropositive pour le CMV, pour lesquels la contamination était presque à coup sûr liée à l’allaitement. 37 enfants ont été contaminés, et 16 ont présenté des signes cliniques de maladie : neutropénie, altérations de la fonction hépatique, thrombocytopénie. Aucun enfant n’est décédé, mais 4 enfants ont présenté des signes de septicémie virale. Les enfants qui présentaient une maladie patente avaient un poids moyen de naissance de 935 g, et les enfants qui ont présenté une septicémie virale avaient un poids de naissance d’en moyenne 795 g.
Une autre étude a fait état d’un taux de 34% de contamination chez des grands prématurés, 4 enfants ayant présenté des signes cliniques sévères. Une étude a constaté un taux plus élevé de séquelles neurologiques et de handicap mental chez les enfants de moins de 2000 g qui avaient été contaminés par le CMV. Le taux de transmission du CMV via le lait maternel semble similaire chez les grands prématurés et chez les enfants nés à terme. Dans la majorité des cas, la contamination n’induira que peu de signes cliniques. On peut conclure des données existantes que le risque de maladie sévère est réel chez les très grands prématurés (nés à moins de 1000g).
La pasteurisation du lait humain détruit le CMV, mais altère les composants immunitaires du lait, qui sont particulièrement précieux pour les grands prématurés. 90% du CMV était détruit au bout de 12 heures de congélation, et 99% au bout de 3 jours. Une étude a fait état d’un seul cas de contamination par le CMV chez 18 nourrissons recevant le lait traité par congélation de leur mère séropositive pour le CMV. Une étude clinique de plus grande envergure serait nécessaire pour mieux évaluer l’efficacité de la congélation du lait humain. Cela soulève aussi le problème de la recherche du statut pour le CMV des mères ayant accouché très prématurément et qui souhaitent que leur bébé reçoive leur lait. Enfin, les études effectuées sur le taux de transmission du CMV chez les prématurés souffrent d’un biais majeur : l’absence d’un groupe témoin. Les symptômes de CMV sont en effet non spécifiques, et pourraient parfaitement être causés par une multitude d’autres facteurs. Le fait que l’enfant soit contaminé par le CMV ne signifie pas obligatoirement que c’est cette contamination qui le rend malade. Des études prospectives sur des prématurés nés de mères séropositives et séronégatives pour le CMV seraient nécessaires pour comparer la fréquence des symptômes pouvant être induits par le CMV.
Deuxième article - Impact de la transmission du CMV via l’allaitement chez des prématurés
D'après "Postnatally acquired cytomegalovirus infection via breast milk : effects on hearing and development in preterm infants." B Vollmer et al. Pediatr Infect Dis 2004 ; 23(4) : 322-7.
Il existe peu de données sur l’impact éventuel à long terme d’une infection à CMV chez des prématurés. Le but de cette étude était de rechercher l’existence de séquelles auditives ou neurodéveloppementales chez des prématurés qui ont présenté une infection post-natale à CMV, transmise par le lait maternel.
L’étude a porté sur 22 grands prématurés, nés entre 23,6 et 32 semaines (27,6 semaines en moyenne) avec un poids de 600 à 1970 g (1020 g en moyenne), et qui ont été contaminés par le CMV présent dans le lait maternel (survenue de la transmission entre 23 et 190 jours post-partum). Ils ont été comparés à 22 grands prématurés choisis individuellement pour présenter les mêmes caractéristiques d’âge gestationnel et de poids à la naissance, de sexe, de problèmes médicaux et de temps passé sous assistance respiratoire, mais n’ayant pas présenté d’infection à CMV. Ces enfants ont été vus à 2 et 4,5 ans pour examen clinique, évaluation du développement neurologique, et tests d’audition.
Il n’existait aucune différence significative entre les deux groupes pour ce qui était de tous les paramètres évalués chez les enfants aux deux moments du suivi. Les auteurs concluent que la survenue d’une infection à CMV par le biais du lait maternel chez ces grands prématurés semblait ne laisser aucune séquelle auditive ou neurologique. Etant donné la petite taille de l’échantillon, ces résultats doivent être confirmés par d’autres études.
Troisième article - Inactivation du CMV dans le lait maternel
D'après "Cytomegalovirus (CMV) inactivation in breast milk : reassessment of pasteurization and freeze-thawing." K Hamprecht et al. Pediatric Research 2004 ; 56 : 529-535.
Des études récentes ont évalué l’impact de la congélation du lait à –20°C sur le risque de contamination de l’enfant. Dans ces 2 études, le CMV n’était pas totalement détruit. Les auteurs ont évalué par PCR le niveau d’infectivité de lait humain après stockage de ce lait à –20°C, ainsi qu’après pasteurisation à 62,5°C pendant 30 mn, et à 72°C pendant 5 secondes.
Les 2 techniques de pasteurisation détruisaient totalement le CMV présent dans le lait. La pasteurisation très courte à 72°C respectait davantage les composants enzymatiques du lait humain que la pasteurisation classique. La congélation du lait était la méthode qui préservait le mieux les propriétés biologiques du lait humain, mais elle ne permettait pas d’éliminer le CMV. D’autres études seraient utiles pour mieux évaluer l’impact d’un chauffage à 72°C pendant quelques secondes, afin de vérifier que cela constitue une méthode efficace de prévention de la transmission du CMV aux grands prématurés par le biais du lait de leur mère.
Pour poser une question, n'utilisez pas l'espace "Commentaires" ci-dessous, envoyez un mail à la boîte contact. Merci