Article paru dans les Dossiers de l’Allaitement n° 52 (Juillet - Août - Septembre 2002)
D'après : Promotion of breastfeeding : intervention trial (PROBIT) – A randomized trial in the Republic of Belarus. MS Kramer, B Chalmers, ED Hodnett et al. JAMA 2001 ; 285 : 413-20.
De nombreuses études ont constaté l’impact négatif de l’alimentation au lait industriel sur la santé des enfants. Toutefois, cet impact reste souvent controversé dans les pays industrialisés. L’objectif de cette étude était d’évaluer l’impact d’une action de promotion de l’allaitement sur la durée de l’allaitement, ainsi que sur les pathologies respiratoires, gastro-intestinales et sur l’eczéma atopique chez les enfants.
Cette étude multicentrique prospective randomisée a été effectuée dans 31 services de maternité de Biélorussie. Cette république soviétique a été choisie parce que les routines hospitalières en vigueur dans les services de maternité y étaient au départ similaires à celles des services européens et nord-américains il y a 20 ou 30 ans, et parce que le niveau de technologie et de qualité des soins assurés dans les maternités et les consultations pédiatriques est similaire à celui existant actuellement en Europe et aux USA. Les maternités sélectionnées constituaient un échantillon représentatif des services de la région : maternités situées en zone urbaine et rurale, nombre annuel d’accouchements allant de 500 à plus de 2 500, taux d’allaitement similaires au départ. Elles ont été réparties en deux groupes similaires pour ce qui était de leurs caractéristiques générales (localisation, population desservie…). Dans le groupe intervention (I, 16 services), une action de promotion de l’allaitement a été menée ; les autres services constituaient le groupe témoin (T, 15 services).
L’action de promotion de l’allaitement était conçue à partir de l’Initiative Hôpital Ami des Bébés. Aucune structure de promotion de l’allaitement n’existant en Biélorussie, un comité d’action a été constitué, afin de mettre en œuvre le cours de 18 heures sur l’allaitement édité par l’OMS dans les 16 services de maternité du groupe intervention. 12 à 16 mois ont été nécessaires pour former toutes les équipes soignantes travaillant dans les services de maternité et les consultations pédiatriques. Pendant ces formations, les services ont été régulièrement suivis par des équipes d’évaluateurs afin de vérifier les progrès effectués.
Les mères qui ont été enrôlées pour cette étude souhaitaient allaiter, étaient en bonne santé, avaient accouché d’un enfant en bonne santé, né à au moins 37 semaines de gestation avec un poids au moins égal à 2 500 g, et pouvaient être suivies régulièrement pendant les 12 premiers mois de l'enfant par les consultations pédiatriques locales. Un total de 16 491 mères répondaient à tous ces critères, 8 568 dans le groupe I, 7 923 dans le groupe T. Les deux groupes de mères étaient similaires pour ce qui était de l’âge maternel, du niveau maternel d’éducation, des antécédents familiaux d’atopie, de la parité, de l’expérience antérieure d’allaitement, du tabagisme, du taux de césarienne, du sexe des enfants, de l’âge et du poids de naissance des enfants, et de l’Apgar à 5 minutes.
Les enfants du groupe intervention étaient significativement plus souvent exclusivement allaités à 3 mois (43,3 % contre 6,4 %) et à 6 mois (7,9 % contre 0,6 %) ; ils étaient aussi plus souvent toujours allaités à 12 mois (19,7 % contre 11,4 %). Les enfants du groupe T ont été significativement plus nombreux à présenter au moins une infection gastro-intestinale (13,2 % contre 9,1 %) ou un eczéma atopique (6,3 % contre 3,3 %). En revanche, il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes pour ce qui était de la prévalence des pathologies respiratoires ; le principal facteur pour ces pathologies était le tabagisme maternel. Le taux de mortalité était plus élevé dans le groupe T (3,7 ‰ contre 2,3 ‰), bien que cette différence soit peu significative au vu de la taille de l’échantillon.
Cette action de promotion a réussi au-delà de ce qui était espéré en aussi peu de temps. L’augmentation de la prévalence de l’allaitement exclusif pendant au moins 3 mois était particulièrement satisfaisante. À noter que la durée de l’allaitement dans le groupe T était nettement plus élevé que ce qui était enregistré les années précédentes, fait probablement en rapport avec l’augmentation importante du prix des laits industriels par rapport aux revenus des familles. La morbidité liée aux pathologies gastro-intestinales était 40 % plus basse dans le groupe I. À noter, là encore, que la prévalence de ces pathologies était plus basse que les années précédentes, y compris dans le groupe T, probablement parce que la plupart des enfants de ce groupe étaient allaités pendant au moins 3 mois ; le fait que la plupart des femmes ont un congé de maternité d’environ 3 ans, allié à l’absence de système de garde pour les jeunes enfants en Biélorussie, est aussi un facteur susceptible d’abaisser la morbidité infantile.
Bien que les conditions sanitaires et la qualité des soins assurés soient similaires à ceux de l’Europe et de l’Amérique du Nord, les résultats de cette étude ne peuvent pas être totalement extrapolés aux autres pays occidentaux. Par rapport à ces derniers, la Biélorussie se caractérise par un système de santé extrêmement structuré, qui rendait particulièrement facile la mise en œuvre de l’étude, le suivi des enfants et le recueil des données ; par ailleurs, les femmes restent en maternité pendant 6 à 7 jours, soit nettement plus longtemps que dans de nombreux services occidentaux, ce qui permet un meilleur suivi de l’allaitement par des équipes soignantes compétentes et motivées. Cette étude permet toutefois de constater qu’il est possible d’obtenir rapidement d’excellents résultats suite à une action de promotion, et de mesurer l’impact de cette promotion sur la morbidité et la mortalité infantile, et ce sur des cohortes importantes d’enfants.
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