Publié dans le n° 126 des Dossiers de l'allaitement, septembre 2017.
D'après : Analgesic effect of maternal human milk odor on premature neonates : a randomized controlled trial. Baudesson de Chanville A et al. J Hum Lact 2017 ; 33(2) : 300-8.
Les prématurés sont exposés quotidiennement à de multiples gestes invasifs et douloureux. La douleur a un impact négatif avéré à court et à long terme, entre autres sur le développement neurologique ; limiter autant que possible la douleur chez les nourrissons est un devoir éthique. Une analgésie non médicamenteuse sera efficace pour les gestes peu douloureux, et ne présentera pas les risques liés à l’administration de médicaments. Diverses stratégies peuvent être utilisées, comme le don d’une solution sucrée, mais également la succion non nutritive, l’odeur et/ou le goût du lait maternel, le placement dans les bras de la mère… Seulement 2 études ont évalué l’impact analgésique de l’odeur du lait maternel chez des prématurés. Cet impact a été évalué à l’occasion d’une prise de sang.
Cette étude randomisée en double aveugle a été menée dans un service de néonatalogie de niveau 3 de Marseille, sur des nourrissons nés entre janvier 2013 et décembre 2014. Ce service dépend d’un hôpital où environ 2 500 naissances surviennent tous les ans, dont 8 % de naissances prématurées, 70 % des enfants étant allaités. Avant la prise de sang faite selon un protocole standardisé, on a donné une tétine à tous les nourrissons. Ils ont été randomisés en 2 groupes : l’un a été exposé à un diffuseur vaporisant 5 ml de lait maternel frais (groupe intervention), l’autre à un diffuseur vaporisant un liquide sans odeur (groupe témoin). Le volume de lait maternel à vaporiser a été déterminé par vaporisation de quantités croissantes de lait maternel afin d’évaluer le volume nécessaire pour obtenir une odeur détectable par un spécialiste avec une bonne reproductibilité. Le diffuseur a été placé à côté de l’enfant 3 minutes avant la prise de sang, et retiré 10 minutes après celle-ci. Pendant la procédure, l’enfant a été filmé en continu, les vidéos étant ensuite analysées par 2 des auteurs qui ignoraient le groupe de l’enfant et qui ont établi un score pour la douleur selon les échelles PIPP et DAN, prenant en compte le comportement de l’enfant, son rythme cardiaque et son taux de saturation en oxygène (score de 0 à 21). La durée des pleurs a été chronométrée.
Les enfants sélectionnés pour cette étude étaient ceux nés entre 30 et 36 semaines + 6 jours d’âge gestationnel, qui recevaient du lait maternel exprimé et qui étaient âgés de < 10 jours ; ils étaient cliniquement stables, n’étaient plus sous assistance respiratoire depuis ≥ 48 heures, ne présentaient pas d’anomalie congénitale ou de pathologie sérieuse et n’avaient pas reçu d’analgésiques pendant les 48 heures précédentes. Les données ont été collectées pour 16 enfants dans le groupe intervention et 17 dans le groupe témoin. Les enfants du groupe intervention et du groupe témoin étaient nés en moyenne respectivement à 32 semaines et 4 jours et 33 semaines et 6 jours, avec un poids de 1 752 et 1 855 g, et ils avaient 7 et 6 jours au moment de la prise de sang. 4 nourrissons ont subi 2 prises de sang successives pendant l’étude. Le score pour le PIPP (6,3 contre 12) et pour le DAN (1,75 contre 8) était significativement plus bas pendant la prise de sang dans le groupe intervention. La durée des pleurs pendant la prise de sang tendait à être plus courte dans le groupe intervention, et elle était significativement plus courte dans ce groupe après la prise de sang.
Le point fort de cette étude était sa méthodologie randomisée en double aveugle, des personnes différentes ayant effectué la randomisation, les prises de sang et l’évaluation des réactions des nourrissons. Sa principale limitation est le faible nombre d’enfants inclus, de nombreux parents ayant refusé de participer. Par ailleurs, elle a été menée dans un seul service de néonatalogie, et la douleur a été évaluée par observation (une mesure de l’activité cérébrale serait plus fiable). Dans le groupe intervention, la majorité des nourrissons recevaient le lait maternel par sonde, et avaient donc eu moins de contact buccal direct avec le lait maternel. Cette étude permet de constater que l’odeur du lait maternel a un impact analgésique chez des prématurés devant subir une prise de sang, et il peut donc être utilisé dans ce but.
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