Publié dans le n° 170 des Dossiers de l'allaitement, mai 2021.
D'après : Methods and success factors of induced lactation : a scoping review. Cazorla-Ortiz G et al. J Hum Lact 2020 ; 36(4) : 739-49.
L’induction d’une lactation permet à une femme d’allaiter un enfant qu’elle n’a pas mis au monde. Elle peut être induite à l’aide de stratégies non médicamenteuses et médicamenteuses. À noter que le résultat souhaité au départ pourra ne pas être atteint. Les raisons pour lesquelles une femme induit une lactation sont différentes dans les pays industrialisés et les pays en voie de développement. Dans ces derniers, cela pourra être une question de survie pour un nourrisson en attendant qu’il puisse recevoir une alimentation diversifiée, tandis que dans les pays industrialisés, les femmes qui induisent une lactation le font essentiellement en raison du lien spécifique créé par l’allaitement. Toutes les femmes qui souhaitent allaiter, tout particulièrement si elles doivent induire une lactation, devraient bénéficier d’informations et de soutien adaptés à leur situation. En dépit du nombre de femmes qui décident d’induire une lactation, de nombreux professionnels de santé n’ont pas les connaissances nécessaires pour soutenir ces femmes. Les auteurs font le point sur les données publiées sur les diverses stratégies d’induction d’une lactation et sur ce qu’on peut en attendre.
Les auteurs ont recherché toutes les études publiées sur les méthodes d’induction d’une lactation qui fournissaient des données sur l’impact de ces méthodes (mise au sein efficace de l’enfant, volume de lait produit…), publiées en anglais ou en espagnol entre 1980 et février 2020. Ils ont exclu les études non cliniques, les lettres, les recommandations cliniques. Parmi les 98 articles sélectionnés sur leur titre, 24 articles ont été retenus. Ils ont été analysés en détail et leurs données ont été extraites et classées. Les stratégies non pharmacologiques incluaient la stimulation des seins (manuelle ou avec un tire-lait, mise au sein de l’enfant). Les méthodes pharmacologiques incluaient l’administration d’hormones et/ou de galactogènes. Les femmes induisaient une lactation pour un enfant adopté, pour un enfant accueilli (famille d’accueil) ou pour allaiter l’enfant mis au monde par leur compagne dans le cadre d’un couple lesbien.
Dans une étude menée en Afrique auprès de 6 femmes, toutes ont réussi à avoir une production lactée suffisante pour nourrir leur enfant adopté uniquement grâce à la stimulation des seins par l’enfant au moins 10 fois par jour. Toutes avaient déjà allaité un enfant qu’elles avaient mis au monde. Ces femmes avaient commencé à produire du lait 13 à 18 jours après le début des mises au sein, et toutes allaitaient exclusivement après 3-4 semaines. Une étude australienne décrivait 5 cas d’allaitement d’un enfant adopté (enfant âgé de 8 mois à 5 ans), et 3 mères ont réussi à allaiter uniquement en mettant régulièrement l’enfant au sein. La prise d’un traitement hormonal a pour objectif de simuler un état de grossesse. Ce traitement sera arrêté 24 à 48 heures avant le début de la stimulation des seins. Diverses méthodes ont été testées. Une étude préconisait un traitement hormonal différent suivant que la femme avait allaité un enfant ou non. Les produits administrés dans les différentes études étaient une combinaison d’hormones (œstrogène et progestérone), de la médroxyprogesté-rone, de la chlorpromazine, du métoclopramide. La stimulation des seins se faisait essentiellement avec un tire-lait. Dans plusieurs études, quelques femmes avaient utilisé un spray nasal d’ocytocine. Lorsque la stimulation des seins débutait, le métoclopramide était le produit galactogène le plus souvent utilisé. Dans certains cas, des plantes galactogènes étaient également utilisées (fenugrec, alfalfa, chardon béni, cannelle).
L’induction était dite réussie lorsque la femme arrivait à produire du lait même en quantité insuffisante pour allaiter exclusivement. Dans ce cadre, la réussite était essentiellement évaluée sur le plan de la satisfaction de la mère plutôt que sur le volume de lait obtenu ou de la durée d’allaitement. Les facteurs associés à la satisfaction maternelle étaient le soutien du partenaire, de la famille, des amis et des professionnels de santé. Le niveau de confiance en elle de la mère était corrélé au succès de l’induction, ainsi qu’une stimulation fréquente des seins (par des mises au sein ou par utilisation d’un tire-lait) permettant un niveau circulant suffisant de prolactine et d’ocytocine. Les mises au sein couplées à l’administration des suppléments pendant les tétées à l’aide d’un tube fixé sur le sein et relié à un biberon contenant le lait donné en supplément (préparation pour nourrissons ou lait humain) favorisaient également la réussite. Les femmes qui avaient allaité un enfant précédent produisaient du lait plus rapidement et en plus grande quantité que celles qui n’avaient jamais allaité. L’âge de l’enfant avait également un impact ; il semble que les bébés âgés de plus de 8 semaines acceptent beaucoup plus difficilement de prendre le sein, mais il existe des exceptions au vu de l’étude décrivant des cas de relactation réussie d’enfants âgés de 8 mois à 5 ans. Si le bébé était auparavant nourri au biberon, il pourra être difficile de lui faire accepter le sein ; en pareil cas, les suppléments devraient être donnés autrement qu’au biberon (gobelet, cuillère…). La durée d’allaitement rapportée chez des femmes ayant induit une lactation allait de 1 mois à 4 ans (plus longue dans les études menées dans des pays en voie de développement où l’allaitement long est la norme sociale, où les femmes sont habituellement motivées et où elles ont certaines connaissances sur l’allaitement).
La principale limitation de cette analyse est qu’elle a retenu uniquement des études publiées en anglais et en espagnol, et qui fournissaient des données sur les stratégies utilisées pour induire la lactation et les facteurs corrélés à son succès. Dans la mesure où le nombre de femmes qui souhaitent induire une lactation est en augmentation, d’autres études sur le sujet sont nécessaires. Les professionnels de santé susceptibles de suivre ces femmes devraient s’informer sur l’induction d’une lactation afin de pouvoir les soutenir, mais également pour discuter avec elles de leurs souhaits afin de les aider si nécessaire à avoir des attentes réalistes.
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