Publié dans le n° 170 des Dossiers de l'allaitement, mai 2021.
D'après : Testosterone impacts on milk and infant in a lactating transgender individual, a case report. Oberhelman S et al. Breastfeed Med 2020 ; 15(10) : A24.
La grossesse et la lactation deviennent de plus en plus courantes chez les hommes transgenres. Il existe peu de données sur le niveau de sécurité de l’administration de testostérone destinée à maintenir les caractéristiques masculines chez ces personnes pendant la lactation, ce qui limite la capacité de les informer correctement. Une étude menée auprès de femmes allaitantes chez qui de la testostérone à visée thérapeutique était administrée sous forme de crème vaginale, gouttes sublinguales ou implant sous-cutané a constaté que cela n’induisait pas un taux lacté ou un taux sérique infantile mesurable de testostérone, et aucun enfant n’a présenté d’effet indésirable. Toutefois, l’OMS recommande d’éviter l’administration de testostérone pendant l’allaitement. Les auteurs présentent le cas d’un homme transgenre qui a souhaité reprendre son traitement par testostérone pendant l’allaitement.
Cet homme transgenre a consulté les auteurs alors qu’il allaitait son enfant âgé de 13 mois et 3 semaines. Il souhaitait reprendre son traitement par testostérone tout en poursuivant l’allaitement. Après avoir discuté avec lui des rares données publiées, on lui a proposé de suivre régulièrement la croissance de son enfant ainsi que son taux sérique de testostérone, et on lui a offert de rechercher son taux lacté de testostérone. Des échantillons de sang et de lait ont été prélevés chez lui ainsi que des échantillons de sang chez son enfant avant la reprise du traitement, puis 4 jours, 14 jours et 28 jours après cette reprise (administration par voie sous-cutanée), et la collecte d’autres échantillons est prévue régulièrement jusqu’au sevrage de l’enfant. La testostérone et ses métabolites ont été recherchés dans tous les échantillons par spectroscopie de masse, tous les tests étant effectués en double exemplaire.
Le traitement a été repris à la posologie de 50 µg de testostérone par semaine en injections sous-cutanées, l’allaitement étant poursuivi à la demande de l’enfant. Au départ, le taux sérique total de testostérone chez cet homme transgenre était de 140 ng/l, son taux lacté total de testostérone était de 4,62 ng/l, tandis que le taux sérique infantile était < 70 ng/l. 4 jours après la reprise du traitement, ces taux étaient respectivement de 1 710 ng/l, 8,95 ng/l et < 70 ng/l. Au 14e jour, ils étaient de 3 000 ng/l, 208,5 ng/l et < 70 ng/l, et au 28e jour, ils étaient de 3 400 ng/l, 123,6 ng/l et < 70 ng/l. Aucune baisse de la production lactée n’a été constatée.
Cette présentation suggère que si la testostérone administrée en injections sous-cutanées chez un homme transgenre qui allaite est excrétée dans son lait, cette excrétion lactée n’a aucun impact sur le taux sérique infantile de testostérone, qui restait inférieur à la limite de détection, probablement en raison de la mauvaise biodisponibilité orale de la testostérone. Il était intéressant de constater que, si le taux lacté de testostérone augmentait fortement pendant les 2 premières semaines de traitement, il avait baissé 4 semaines après la reprise du traitement, alors que son taux sérique avait continué à augmenter. Cette présentation porte sur un seul cas, et le traitement a été repris alors que l’enfant allaité avait déjà 13 mois. On n’a pas mesuré le volume de lait absorbé quotidiennement par l’enfant allaité. Ce cas fournit toutefois des données intéressantes pour les cliniciens qui ont l’occasion de suivre un homme transgenre qui souhaite reprendre son traitement par testostérone pendant l’allaitement.
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