Fistule lactée
Publié dans le n° 116 des Dossiers de l'allaitement, novembre 2016.
D'après : Milk fistula : diagnosis, prevention, and treatment. Larson KE, Valente SA. Breast J 2016 ; 22(1) : 111-2.
La fistule lactée est un problème peu fréquent, qui se manifeste par un écoulement anormal de lait via une fistule entre la peau et un canal lactifère, avec écoulement spontané et habituellement constant de lait. C’est le plus souvent une complication suite à une biopsie ou à une chirurgie mammaire chez une mère allaitante. Les auteurs présentent un cas inhabituel de fistule lactée spontanée, qui s’est développée chez une femme allaitante souffrant d’un abcès mammaire.
La mère s’est présentée en consultation hospitalière de sénologie avec une importante plaie ouverte sur le sein sur le côté externe du sein droit, de laquelle du lait s’écoulait. Elle allaitait alors son bébé de 3 mois. Quelques semaines auparavant, elle avait constaté la présence d’une zone érythémateuse, qui s’était progressivement agrandie. Puis 3 petites fistules étaient apparues, qui avaient fusionné en une seule fistule importante environ 5 jours avant la consultation. Pendant cette évolution, elle était allée consulter un gynécologue, qui avait prescrit une antibiothérapie. Devant la poursuite de l’aggravation, elle a été référée à la consultation des auteurs.
La fistule faisait environ 4 cm x 2 cm, le tissu mammaire étant visible. Elle était entourée d’une zone érythémateuse. L’échographie a constaté la présence d’un œdème, mais n’a pas retrouvé de collection liquidienne. Une fistule a donc été diagnostiquée. Une biopsie a été effectuée au niveau de la plaie. Aucun signe inquiétant n’a été constaté à l’histologie, et la bactériologie était négative. Elle a été traitée par des soins locaux et un arrêt de l’allaitement. Cela a permis la cicatrisation de la blessure, et la fermeture de la fistule en 6 semaines.
Le diagnostic de fistule lactée se fonde sur la clinique. Les femmes allaitantes chez qui une biopsie ou une chirurgie mammaire est effectuée ont un risque élevé de fistule, et il est important que les femmes soient informées de cette complication. Les biopsies seront effectuées uniquement lorsqu’elles sont nécessaires, et on privilégiera alors une biopsie ou une ponction à l’aiguille fine pour limiter le risque de fistulisation. Il semble que ce risque soit également fonction de la distribution des canaux lactifères dans la zone touchée. De nombreux chirurgiens recommandent l’arrêt de l’allaitement en cas de fistule lactée. Toutefois, la poursuite de l’allaitement ne présente aucun risque pour la mère ni pour l’enfant (de même que la poursuite de l’allaitement après drainage d’un abcès) ; si elle ralentit la cicatrisation, la poursuite de l’allaitement ne présente guère de risques pour la mère ou pour l’enfant. On recommandera à la mère de respecter des règles rigoureuses d’hygiène, dans la mesure où la fistule est théoriquement susceptible d’augmenter le risque d’infection du sein.
Traitement d’une fistule lactée avec préservation de l’allaitement
Publié dans le n° 157 des Dossiers de l'allaitement, avril 2020.
D'après : Case study : resolution of milk fistula with preservation of breastfeeding. Dermer P. Breastfeed Med 2019 ; 14(Supp 2) : S-13-14.
Les fistules lactées chez les mères allaitantes amènent généralement les professionnels de santé à recommander le sevrage. L’auteur présente le cas d’une mère qui a présenté une fistule lactée après biopsie d’une masse mammaire. En dépit d’une fuite importante de lait au niveau de la fistule nécessitant le port de couches pour bébé dans le soutien-gorge pour absorber le lait, la mère voulait poursuivre l’allaitement.
On a donc planifié avec la mère l’arrêt progressif de l’allaitement avec le sein touché, l’allaitement devant être poursuivi avec l’autre sein. Toutefois, alors que la mère augmentait progressivement l’intervalle entre les tétées avec le sein touché, la fistule a commencé à se refermer spontanément, la fermeture totale étant obtenue après 2 mois. La mère a continué à allaiter avec les 2 seins pendant toute cette période.
Ce cas montre que la poursuite de l’allaitement est possible avec le sein touché même en cas de fistule lactée. Il serait nécessaire d’étudier l’impact de cette stratégie chez d’autres mères afin de vérifier que cette approche permet la guérison de la fistule tout en préservant l’allaitement, même si la rareté des fistules lactées rend difficile la planification d’une étude prospective cas-témoin.
Traitement conservateur d’une fistule lactée iatrogène
Publié dans le n° 194 des Dossiers de l'allaitement, mai 2023.
D'après : Conservative treatment of iatrogenic milk fistula. Lausten-Kiel C et al. Ugeskr Laeger 2022 ; 184(32) : V11210868.
La fistule lactée est un problème rare. Elle peut être spontanée ou iatrogène. La présence de facteurs de croissance dans le lait humain favorise la granulation au niveau des blessures, ce qui peut retarder l’épithélialisation de la plaie. Les auteurs rapportent un cas de fistule lactée iatrogène qui a été traitée de façon conservatrice.
Cette femme de 29 ans a été orientée vers un centre de cancérologie en raison d’un nævus d’aspect suspect sur le sein gauche alors qu’elle était en cours d’allaitement. Le nævus s’était développé pendant la grossesse et l’allaitement. Conformément au protocole en vigueur dans le service, il a été excisé à 5 mm de distance de ses limites (y compris en profondeur), et la plaie a été refermée directement. L’examen anatomopathologique a constaté la totale bénignité du nævus.
24 jours après l’intervention, la plaie s’est rouverte. Elle a été traitée avec du ruban de suture et des pansements occlusifs. 9 semaines après l’intervention, la plaie était toujours ou verte. On a recommandé à la mère de la nettoyer quotidiennement à l’eau et au savon pour prévenir une infection. 14 semaines après l’intervention, la plaie était toujours ouverte et du lait commençait à suinter. Malgré les soins locaux, la situation a continué à empirer et, 19 semaines après l’intervention, la femme s’est présentée aux urgences en raison de douleurs dans le sein, accompagnées de fièvre et d’un syndrome grippal. L’examen clinique et biologique a constaté la présence d’une infection locale. Elle a été traitée par dicloxacilline per os. On lui a conseillé de comprimer la zone de la plaie pendant les tétées afin de minimiser les fuites de lait. On lui a également prescrit une crème corticoïde à appliquer sur la plaie afin de traiter l’hypergranulation locale, et de changer aussi souvent que nécessaire les compresses appliquées sur la plaie afin de la maintenir la plus sèche possible.
Après 2 semaines de ce traitement, la plaie était cicatrisée. Au contrôle 2 mois plus tard, la cicatrice mesurait 12 x 6 mm. Elle était hypervascularisée et non hypertrophique. La mère allaitait toujours.
Question/réponse
Q – Suite à une ponction d'abcès mammaire il y a plusieurs années, j'ai eu un écoulement de lait au niveau du point de ponction qui a perduré tout le temps de mon allaitement. Je viens d'accoucher de mon deuxième enfant, et suite à la montée de lait, j'ai à nouveau un écoulement de lait au niveau de ce même orifice de ponction. Est-ce normal ?
R de Julie Hamdan, animatrice LLLF, médecin – La plupart du temps, après une plaie, incision cutanée, ponction, etc., les tissus cicatrisent et l'orifice se referme dans les jours ou semaines qui suivent. Mais il arrive parfois que l'orifice persiste, réalisant ce qu'on appelle une fistule lactée. Après plusieurs années, il est possible que la fistule soit maintenant fixée et ne se referme plus. Il s’agit alors simplement d’un petit trou (taille d’aiguille) par lequel s’écoule du lait, la peau au pourtour est normale. Les mamans qui ont eu des piercings aux mamelons en font l'expérience : du lait peut s'écouler par les orifices du ou des piercings, et si ceux-ci étaient anciens, ils ne se refermeront plus. L’allaitement peut être poursuivi en prenant les mêmes précautions qu’à l’habitude : nettoyage quotidien à l’eau et au savon. On pourra simplement se protéger des fuites intempestives, au moyen d'un coussinet par exemple.
En cas d’inflammation sur la peau autour de l’orifice, d’écoulement purulent, ou de plaie qui s’agrandit, se creuse, est douloureuse, un avis médical est nécessaire.
Pour poser une question, n'utilisez pas l'espace "Commentaires" ci-dessous, envoyez un mail à la boîte contact. Merci