Article publié dans les Dossiers de l'Allaitement numéro 66 (Janvier-Février-Mars 2006)
Dans la mesure où une faible sécrétion lactée est l’une des principales raisons données pour arrêter l’allaitement, tant les mères que les professionnels de santé ont recherché des produits susceptibles de remédier au problème. Les galactogogues sont des substances qui induisent ou augmentent la sécrétion lactée. Elles peuvent présenter un intérêt pour les mères qui souhaitent allaiter, mais qui n'arrivent pas à avoir une sécrétion lactée adéquate : allaitement d'un enfant adopté, mère ou bébé malade, cause ayant échappé à toutes les tentatives d’identification...
La production de lait met en jeu des facteurs physiques et émotionnels, et des interactions entre de nombreuses hormones. Avec l’accouchement et l’expulsion du placenta, le taux de progestérone chute, et la production lactée débute (stade II de la lactogénèse). Par le biais d’interactions avec l’hypothalamus et l’hypophyse antérieure, les agonistes de la dopamine inhibent la sécrétion de prolactine et les antagonistes de la dopamine l’augmentent, avec le même impact sur la production lactée (contrôle endocrine). Avec le temps, le taux basal de prolactine baisse progressivement, mais la sécrétion lactée est maintenue ou augmentée par des mécanismes locaux (contrôle autocrine). Donc, une augmentation du taux de prolactine est nécessaire pour augmenter la sécrétion lactée, mais pas pour la maintenir. Si les seins ne sont pas stimulés régulièrement et de façon suffisante, la production lactée diminue. En revanche, si les seins sont « vidés » plus souvent et plus complètement, la production lactée augmente habituellement.
Précautions générales d’utilisation
L’utilisation de galactogogues pour augmenter la production lactée devrait être réservée aux situations dans lesquelles une évaluation soigneuse n’a pas retrouvé de cause que l’on pourrait traiter (une hypothyroïdie maternelle, la prise d’un médicament, une chirurgie mammaire…), et lorsqu’une augmentation de la fréquence des tétées et/ou de l’expression du lait n’a pas permis d’obtenir un résultat. Il sera donc indispensable d’effectuer une évaluation complète du déroulement de l’allaitement (séparation mère-enfant, fréquence des tétées ou des séances d’expression du lait, compléments éventuellement donnés, efficacité de l’enfant au sein…), et de mettre en œuvre les mesures destinées à remédier aux éventuels problèmes constatés.
On peut espérer que les galactogogues seront efficaces chez la mère d’un bébé prématuré ou malade qui tire régulièrement son lait pour son bébé hospitalisé, et qui voit sa sécrétion lactée baisser au bout de quelques semaines, ou lorsque la mère a vu sa sécrétion lactée baisser suite à la prise d’une contraception hormonale contenant des oestrogènes, ou lorsque la mère voit sa sécrétion lactée baisser pour une raison qui reste inconnue, après plusieurs mois pendant lesquels elle était suffisante. En revanche, l’efficacité est nettement plus aléatoire chez la mère qui souhaite induire une lactation pour allaiter un bébé adopté, ou lorsque la mère ne met pas son bébé au sein (ou ne tire pas son lait) avec une fréquence suffisante.
Les mères devaient se voir communiquer les informations connues sur l’efficacité, l’innocuité et le mode d’emploi des galactogogues. Elles devraient être interrogées à la recherche d’une contre-indication au médicament ou à la substance choisie, et informées des effets secondaires possibles. Même si une conseillère en allaitement peut avoir suggéré l’utilisation d’un médicament ou une plante, c’est la responsabilité du médecin de prescrire le médicament et de suivre la mère et l’enfant en ce qui concerne la sécrétion lactée ou tout effet secondaire. En pratique, bien souvent, c’est à la sage-femme, au pédiatre ou au néonatalogiste que l’on demande une prescription pour un galactogogue, et pas à l’obstétricien-gynécologue. Comme on a pu souvent le constater, le médecin de famille, qui est le plus à même d’accompagner une mère allaitante, est idéalement placé pour suivre la situation.
De nombreux médicaments, aliments et plantes, ont été recommandés comme galactogogues. Les médicaments agissent souvent par le biais d’un antagonisme avec les récepteurs dopaminergiques, qui induit une augmentation du taux de prolactine. Dans de nombreux cas, le(s) mécanisme(s) d’action est inconnu(s). Bien qu’une utilisation à court terme (1-3 semaines) ait été évaluée pour certaines de ces substances, une utilisation à long terme n’a pas été étudiée. Il existe des rapports anecdotiques permettant de penser qu’il n’y a, en pareil cas, aucune augmentation des effets secondaires avec les produits les plus souvent utilisés (métoclopramide, dompéridone, fenugrec), mais l’impact à long terme sur la mère et l’enfant est inconnu.
Le dompéridone
Le dompéridone (Motilium®, Péridys®), utilisé comme stimulant de la motricité intestinale, a pour effet secondaire d’augmenter la sécrétion de prolactine, par le biais de son action sur la dopamine. Il est habituellement utilisé pour le traitement symptomatique des nausées et vomissements et des troubles de la motricité digestive. Son impact sur la prolactinémie est listé au nombre de ses effets iatrogènes. Mais cet effet secondaire, connu depuis la commercialisation de ce médicament, est utilisé depuis déjà longtemps dans certains pays pour augmenter la sécrétion lactée.
Le dompéridone est commercialisé depuis un quart de siècle, et n’avait jamais occasionné de controverse telle que celle déclenchée par la directive édictée en juin 2004 par la FDA, qui interdisait son importation aux USA, et mettait en garde contre son utilisation chez les mères allaitantes. L’impact de cette directive doit être évalué non seulement aux USA, mais aussi dans les autres pays où le dompéridone est utilisé. Depuis sa commercialisation en 1970, toutes les études cliniques sur le dompéridone ont constaté qu’il était très bien toléré, avec un taux d’effets secondaires inférieur à 7%, ces effets étant le plus souvent bénins, y compris lorsqu’il est utilisé chez des bébés. Le dompéridone ne passe pas la barrière hémato-encéphalique, et a donc très peu d’effets extrapyramidaux ou neurologiques. Il est commercialisé dans plus de 80 pays depuis plus de 20 ans, principalement pour les troubles de la motilité digestive. Il est en particulier largement utilisé chez les bébés et les enfants en cas de vomissements.
Son pic plasmatique survient 10 à 30 mn après administration orale ou intra-musculaire. Sa biodisponibilité orale est basse (13-17%, contre 90% pour la voie IM), probablement en raison d’un effet de premier passage hépatique. Il est lié à 92% aux protéines plasmatiques. Il ne s’accumule pas dans l’organisme, et n’a pas de métabolite actif. Sa demi-vie est de 7 à 14 heures. Son impact sur le taux de prolactine est lié à son action anti-dopaminergique au niveau de l’hypophyse, et il est constaté chez les hommes et chez les femmes non allaitantes tout autant que chez les femmes allaitantes. Le rapport lait/plasma est d’environ 0,75. Son efficacité a été décrite dans de petites études sur des femmes qui souhaitaient induire une lactation ou augmenter leur production lactée. La quantité de dompéridone excrétée dans le lait est estimée à moins de 7 µg/jour aux posologies les plus élevées recommandées, ce qui représente moins du millième de la posologie utilisée en pédiatrie (0,75 à 1 mg/kg/jour). Un effet secondaire sur l’enfant allaité est hautement improbable avec un taux aussi bas, et le dompéridone est habituellement considéré comme compatible avec l’allaitement. Aucun effet secondaire n’a jamais été rapporté chez un enfant allaité par une mère traitée par dompéridone.
Il est toutefois contre-indiqué chez les personnes hypersensibles à cette molécule, et à celles qui souffrent de prolactinome. Il ne devrait pas être utilisé lorsqu’une augmentation de la motilité gastrique est susceptible de présenter un danger pour la mère, ni chez les femmes souffrant d’une pathologie hépatique. Le fabriquant ne note aucun effet secondaire cardiaque. Or, l’avertissement de la FDA faisait état d’une toxicité cardiaque. En effet, 2 cas d’arythmie cardiaque ont été rapportés chez des patients traités par dompéridone par voie intra-veineuse. Cela n’est pas particulièrement surprenant, dans la mesure où le taux sérique après administration en IV est très supérieur au taux sérique après administration orale ou IM. De plus, ces rapports datent de 20 ans, et il y a bien longtemps que le dompéridone n’est plus utilisé en IV. Aucun cas d’effet secondaire cardiaque n’a été constaté depuis.
La posologie de départ est de 10 à 20 mg, 4 fois par jour. Dans la mesure où il n’est pas utilisé pour un problème digestif, il n’est pas nécessaire de respecter un intervalle entre la prise et le repas. La plupart des mères l’utiliseront pendant 3 à 8 semaines, mais les femmes allaitant un bébé adopté pourront avoir besoin de le prendre pendant plus longtemps. Certaines mères commencent à noter une augmentation de leur sécrétion lactée au bout de 24 heures, mais, généralement cet effet ne sera guère perceptible avant 3 ou 4 jours ; et il faudra attendre 2 ou 3 semaines pour qu’il soit maximum. Baisser la posologie progressivement avant d’arrêter. La mère et l’enfant seront régulièrement suivis pendant toute la durée d’utilisation du dompéridone.
Ndlr : la dompéridone a un effet galactogène rapporté mais n'a pas d'AMM en France pour cette indication. L’utilisation de dompéridone comme galactogène a fait l’objet d’importantes controverses en raison d’un risque d’arythmie ventriculaire et de décès suite à une défaillance cardiaque plus élevée de 4/1 000 chez des adultes traités, mais la pertinence de cette augmentation du risque chez les mères allaitantes est douteuse. De nombreuses études ont fourni des résultats rassurants, y compris avec des posologies allant jusqu’à 80 mg/jour, aucune augmentation de l’intervalle QT n’étant rapportée (Biewenga ; Grzeskowiak). Une importante étude canadienne incluant 45 163 femmes traitées par dompéridone dans les 6 premiers mois post-partum a constaté que les seuls problèmes cardiaques rapportés étaient survenus chez des femmes qui avaient des antécédents de troubles cardiaques (Smolina). On devrait donc éviter de prescrire de la dompéridone à ces dernières, ainsi qu’aux femmes qui prennent des médicaments dont on sait qu’ils interfèrent avec la dompéridone et/ou augmentent l’intervalle QT (fluconazole par exemple). Des protocoles de traitement ont été publiés afin d’informer les professionnels de santé sur sa prescription dans des conditions optimales (Haase).
Le métoclopramide
Le métoclopramide (Anausin®, Primpéran®, Prokinyl®) est la molécule la mieux étudiée et la plus utilisée pour l’induction ou l’augmentation de la lactation aux Etats-Unis. Il favorise la production lactée en bloquant les récepteurs dopaminergiques au niveau du système nerveux central, ce qui induit une augmentation de la sécrétion de prolactine. Divers travaux ont montré que la prise de métoclopramide augmentait le taux de prolactine, tant chez les hommes que chez les femmes, et ce quel que soit le mode d'administration (oral, IM ou IV). Une dose de 10 mg augmente le taux de prolactine de 3 à 8 fois, et ce taux reste élevé pendant au moins 8 heures. De nombreuses études ont constaté son efficacité pour induire ou augmenter une sécrétion lactée. Des doses de 10 mg de métoclopramide 3 fois par jour chez des femmes qui avaient une sécrétion lactée insuffisante ont « donné des résultats très encourageants, sans effets secondaires chez la mère ou l'enfant ». Un tel traitement pendant 7 jours (avec baisse progressive sur 2 jours) a donné de bons résultats chez des mères de prématurés qui n'avaient pas pu mettre leur bébé au sein rapidement après la naissance, sans qu'aucun effet secondaire soit noté chez la mère ou l'enfant. Toutefois, un autre article faisait état d’effets secondaires chez certaines femmes : fatigue, céphalées, angoisse, crampes digestives, diarrhées... ; aucun effet n'a été observé chez les enfants. Dans une autre étude, les mères qui recevaient du métoclopramide avaient à J5 une sécrétion lactée plus abondante que les mères qui recevaient un placebo. Les taux de prolactine et de sodium du lait étaient similaires dans les deux groupes. Toutefois, l’une des études n’a pas constaté d’efficacité.
Le métoclopramide est peu lié aux protéines plasmatiques, et sa demi-vie plasmatique est de 3 à 6 heures. Il passe bien dans le lait, et le rapport lait/plasma est toujours supérieur à 1 ; il n’y a pas d’accumulation dans le lait. A la posologie de 10 mg 3 fois par jour, le taux lacté était compris entre 0,02 et 0,157 mg/l ; le taux lacté est plus bas lorsque le métoclopramide est utilisé en post-partum tardif qu’en post-partum précoce. L’enfant absorbait au maximum 0,032 à 0,040 mg/kg/jour, ce qui correspond à moins de 10% de la dose utilisée en pédiatrie (0,5 mg/kg/jour). Le taux de métoclopramide du lait n'avait aucun impact sur le taux sérique de prolactine de l'enfant, et les auteurs concluaient que le taux lacté de métoclopramide était trop bas pour avoir un effet néfaste sur l'enfant. Aucun effet secondaire documenté n’a été rapporté chez les enfants allaités par des mères traitées par métoclopramide. Le métoclopramide ne semble pas modifier de façon significative la composition du lait.
Les effets secondaires possibles sont une agitation, une somnolence, de la fatigue, une diarrhée, mais le plus souvent ils ne nécessitent pas l’arrêt du traitement, même s’ils sont nettement plus fréquents qu’avec le dompéridone. Le traitement devrait être stoppé en cas de survenue d’un des rares effets secondaires extrapyramidaux, tels qu’insomnie, céphalées, confusion, vertiges, dépression, anxiété ou agitation. Les réactions dystoniques aiguës sont rares (< 0,5%) et pourront néces-siter un traitement par un antihistaminique utilisable pendant l’allaitement. Le métoclopramide ne devrait pas être utilisé chez les femmes qui souffrent d’épilepsie ou qui prennent des anti-épileptiques, ont des antécédents de dépression ou sont sous antidépresseurs, souffrent d’un phéochromocytome ou d’une hypertension non contrôlée, ont une hémorragie ou une obstruction mécanique gastro-intestinale, ou qui ont présenté une hy-persensibilité au métoclopramide.
La posologie habituelle est de 30 à 45 mg/jour en 3 à 4 prises, avec une réponse dose-dépendante jusqu’à 45 mg/jour. Il est habituellement utilisé pendant 7 à 14 jours à cette posologie, avec diminution progressive de la dose sur 5-7 jours. Une plus longue durée d’utilisation peut être associée à une augmentation de l’incidence des dépressions. Occasionnellement, la sécrétion lactée maternelle peut baisser à nouveau si la posologie est abaissée ; dans ce cas, la dose efficace la plus basse possible pourra continuer à être prise avec succès pendant plus longtemps. Certains spécialistes préconisent une augmentation progressive de la posologie lorsqu’on commence le traitement.
Le sulpiride et la chlorpromazine
Le sulpiride (Aiglonyl®, Dogmatil®, Synédil®) est un neuroleptique. Il agit comme galactogène en augmentant la sécrétion de prolactin-releasing hormone par l’hypothalamus. Deux études ont démontré une augmentation de la production lactée par rapport au groupe témoin prenant un placebo. A la posologie de 50 mg 2 à 3 fois par jour, il augmentait le taux sérique de prolactine et la sécrétion lactée ; le taux lacté maximum était de 1,97 mg/l, et l’enfant recevait au maximum 0,48 mg/kg/jour par le biais du lait maternel. Les effets secondaires possibles chez la mère peuvent inclure les effets extrapyramidaux décrits ci-dessus pour le métoclopramide, et une prise de poids, et font qu’il n’est plus guère utilisé dans cette indication. La posologie conseillée est de 50 mg 2 à 3 fois par jour.
Les psychiatres avaient constaté depuis longtemps la survenue d’une galactorrhée chez les personnes traitées par chlorpromazine (Largactil®, un autre neuroleptique), tant chez les hommes que chez les femmes. Dans une étude, la prise orale de 25 mg 3 fois par jour pendant 1 semaine a permis d’augmenter la production lactée. La chlorpromazine augmente le taux de prolactine en bloquant les récepteurs dopaminergiques, et donc l’action inhibitrice de la dopamine sur la prolactine. Des effets extrapyramidaux sont également possibles. Elle est fortement liée aux protéines plasmatiques (95-98%) ; toutefois, son métabolisme est très variable suivant les individus. Une étude a suivi des femmes prenant au long cours une posologie quotidienne de 40 à 400 mg de chlorpromazine, et aucun effet iatrogène n’a été observé chez leurs enfants. D’autres études ont permis d’apprécier que l’enfant recevait au maximum 0,025 mg/kg/jour de chlorpromazine par le biais du lait maternel, ce qui corres-pond à moins de 2% de la dose pédiatrique. Cependant, un cas de sédation chez un enfant a été rapporté, lié à la prise maternelle d’une dose inconnue de chlorpromazine. De plus, cette dernière a de fréquents effets secondaires, qui la rendent difficilement utilisable pour augmenter la lactation.
La somatotropine
La somatotropine (Genotonorm®, Maxomat®, Norditropine®, Saizen®, Umatrope®, Zomacton®), ou hormone de croissance humaine, est synthétisée par les cellules somatotropes de l’hypophyse antérieure. Elle est connue pour son impact sur la lactation dans de nombreuses espèces. Une étude cas-témoin randomisée en double aveugle a évalué l’efficacité de l’hormone de croissance humaine à la dose de 0,1 UI/kg/jour par voie sous-cutanée, et a constaté une augmentation significative du volume de lait au bout de 7 jours chez 16 femmes allaitantes en bonne santé. Aucune modification de la composition du lait n’a été constatée, ni aucun effet secondaire chez les mères ou les enfants allaités. L’utilité comme galactogogue de ce produit coûteux, et dont l’administration doit se faire par injection, semble limitée.
L'ocytocine
L'ocytocine (Syntocinon®) est responsable du réflexe d'éjection. On pense que cette hormone augmente la pression intra-mammaire. Elle n’est pas utilisée pour augmenter la sécrétion lactée, mais pour faciliter l’éjection du lait. Diverses études se sont penchées sur l'impact d'un spray nasal d'ocytocine chez des mères de prématurés qui devaient tirer leur lait. Les mères qui utilisaient le spray nasal d'ocytocine avant de commencer à tirer leur lait tiraient, à J2 et J5, 3 à 5 fois plus de lait que les mères qui utilisaient un spray nasal de placebo dans une étude. Toutefois, une autre étude n’a retrouvé aucune différence dans la quantité de lait obtenue par les mères utilisant le spray nasal d’oxytocine par rapport aux mères utilisant le placebo. Les auteurs n'ont retrouvé aucune différence significative dans la composition du lait entre les deux groupes. Aucun effet secondaire n'a été rapporté. L’oxytocine est commercialisée en France uniquement sous forme injectable. Il est cependant possible de verser le contenu d’une ampoule injectable sur un sucre, que la mère pourra laisser fondre dans sa bouche. L’oxytocine a également été utilisée en nébulisation.
La thyrotropin-releasing hormone (TRH)
La thyrotropin-releasing hormone, ou protiréline (Stimu-TSH®) est utilisée pour évaluer la fonction thyroïdienne. Elle induit la sécrétion de thyréostimuline (TSH) et de prolactine par l’hypophyse. Elle induit une augmentation du taux de prolactine dans les 15 minutes qui suivent son absorption orale, qui n'est pas corrélée de façon significative à la sécrétion lactée. D'autres facteurs doivent entrer en jeu, comme la durée et l'efficacité de la succion de l'enfant. Lors d'une autre étude, des femmes rece-vant 1mg de TRH par spray nasal 4 fois par jour pendant 10 jours ont été comparées à des femmes qui recevaient un spray nasal de placebo. Le groupe recevant la TRH avait une sécrétion lactée significativement plus importante et des taux plus élevés de prolactine que celui recevant le placebo. D’autres études ont utilisé la voie IV (200 µg) ou orale (5 à 20 mg 2 fois par jour). 2 femmes ont présenté une hyperthyroïdie avec une posologie de 40 mg 2 fois par jour. Son utilisation semble efficace et sans danger à doses modérées, mais l’impact à long terme n’a pas été étudié. La TRH n’est pas couramment utilisée.
Les spécialités homéopathiques
Il n’existe pas d’études médicales évaluant leur efficacité. Elles ont l’avantage de n’induire aucun effet iatrogène. De très nombreux remèdes peuvent être utilisés. Les plus souvent recommandés sont Lac caninum (5 CH), Galega officinalis (TM), Ricinus (4 ou 5 CH), Calcarea carbonica (5CH). Une consultation avec un spécialiste sera nécessaire pour trouver le traitement le plus adapté à la mère.
Les plantes médicinales
De tous temps et dans tous les pays, les femmes ont cherché à augmenter leur sécrétion lactée par la consommation de diverses plantes (fenugrec, fenouil, anis, angélique, galéga...). Il n’existe que très peu d’études portant sur ces plantes, et l'impact réel de bon nombre d'entre elles est inconnu, ainsi que leur mode d’action. Toutefois, leur utilisation traditionnelle permet de penser qu’elles sont sans danger et peuvent être efficaces. Lorsqu’une mère a du mal à avoir une sécrétion lactée satisfaisante, et qu’elle doit veiller étroitement à son alimentation et à son niveau de fatigue et de stress, ainsi qu’au nombre de tétées quotidiennes, les plantes peuvent constituer une aide appréciable. Les plantes les plus couramment qualifiées de galactogo-gues sont le fenugrec, le galéga, le chardon-marie, l’anis, le basilic, le chardon béni, les graines de fenouil, la guimauve. La bière est couramment utilisée dans certaines cultures, mais l’alcool peut avoir un impact négatif sur le réflexe d’éjection.
Pour le fenouil, voir la mise en garde ici : Galactogogues
Le fenugrec
Le fenugrec (Trigonella foenum graecum) était tenu en haute estime en Egypte, en Inde, en Grèce et à Rome. On le prescrivait autrefois en cas de tuberculose, de bronchite, de maux de gorge, de diabète, d'anémie, de rachitisme et de libido défaillante. Il était aussi employé comme expectorant, laxatif et fébrifuge. Il reste très utilisé dans le monde ; il est largement cultivé en Inde et en Chine, et utilisé comme légume. C’est également une plante utilisée traditionnellement pour favoriser l’allaitement.
Il n’existe que très peu d’articles dans la littérature médicale portant sur le fenugrec. Une étude égyptienne effectuée en 1945 avait fait état d’une augmentation de la sécrétion lactée de 900% suite à la prise de fenugrec. Par contre, il existe dans la littérature médicale divers articles portant sur l’utilisation du fenugrec dans diverses situations. Il a un effet hypoglycémiant (dû à un alcaloïde, la trigonelline) et hypolipidémiant, le rendant utile comme adjuvant dans le traitement du diabète et de l’hypercholestérolémie. Il contient une quantité importante de mucilages (jusqu’à 40%), des saponines stéroïdes (diosgénine et yamogénine, qui contribuent à la synthèse du cholestérol et des hormones sexuelles), du coumestrol... Il contient aussi des protéines, des lécithines et diverses vitamines.
Lorsque la mère absorbe du fenugrec, l’augmentation de la sécrétion lactée semble être dose-dépendante, et il sera souvent nécessaire de trouver par tâtonnements la dose adéquate pour permettre à la mère d’augmenter sa sécrétion lactée à un niveau suffisant sans être excessif. La dose couramment utilisée est de 1 à 4 gélules de plante broyée 3 à 4 fois par jour (3 à 4 g/jour de plante séchée), quoique, comme pour toutes les plantes, il n’y ait pas de dosage standard. Les mères qui induisent une lactation ou une relactation auront besoin des dosages les plus élevés. Une alternative est de boire 3 fois par jour une tasse de tisane faite avec 1/4 de cuillère à café de graines infusées pendant 10 mn dans 225 ml d’eau (le goût est assez désagréable). Cette plante donne souvent une odeur de sirop d’érable à la sueur, au lait et à l’urine. Il faut compter 1 à 3 jours pour apprécier l’impact du fenugrec. Il n’a guère été rapporté d’effet iatrogène autre qu’un léger effet laxatif à hautes doses chez certaines femmes.
Autres plantes
Le galéga (Galega officinalis) est connu depuis la Renaissance pour son effet galactogène. Comme le fenugrec, il contient des saponines et un alcaloïde (la galégine) à effet hypoglycémiant et hypolipidémiant. C’est un galactogogue traditionnel, largement recommandé en Europe, suite à l’observation faite dans les années 1900 d’une sécrétion lactée plus abondante chez des vaches à qui on en donnait. Aucune étude contrôlée n’a été effectuée chez les humains, et aucun effet secondaire n’a jamais été rapporté, sauf chez 2 enfants dont la mère prenait une tisane contenant de la réglisse (Glycyrrhiza glabra), du fenouil, de l’anis et du galéga, et qui ont présenté une somnolence, une hypotonie, une léthargie, des vomissements et une succion faible. La recherche d’une infection a été négative, et les signes cliniques ont disparu après supension de l’allaitement pendant 2 jours et arrêt de la consommation de cette tisane par la mère. La tisane n’a pas été testée sur le plan de la présence de polluants ou d’autres substances anormales, et aucun autre effet secondaire n’a été rapporté en Europe ou en Amérique du sud, pays où cette plante est aussi utilisée comme hypoglycémiant. Il est habituellement utilisé sous forme de tisane (1 cuillère à café de feuilles séchées infusées pendant 10 mn dans 225 ml d’eau), prise 3 fois par jour.
L’anis vert (Pimpinella anisum) et étoilé (Illicium verum) sont aussi connus depuis des siècles ; ils ont de plus la réputation de donner au lait un goût agréable, et de calmer les coliques du bébé allaité ; certaines mères sont satisfaites des pastilles à l’anis (Vichy). Le fenouil (Foeniculum vulgare) et le cumin (Cuminum cyminum) ont aussi été conseillés pour augmenter la sécrétion lactée. D’autres plantes locales sont utilisées sur les autres continents. Le chardon-marie (Silybum marianum) est utilisé depuis longtemps en Europe. Cette plante porte ce nom en hommage à la Vierge Marie, les premiers chrétiens croyaient que les nervures blanches sur les feuilles étaient le symbole de son lait. Elle est utilisée sous forme de tisane (1 cuillère à café de graines écrasées infusées pendant 10 mn dans 225 ml d’eau) à prendre 2 à 3 fois par jour.
La bière
Elle est traditionnellement reconnue comme possédant un pouvoir lactogène. Une étude, effectuée par Houdebine et ses collègues, a recherché le ou les facteurs responsables de cet effet lactogène. Elle a permis de constater que ces facteurs provenaient du malt d’orge ; ce sont des bêta-glucanes, qui agissent vraisemblablement en stimulant l’hypophyse et en augmentant la sécrétion de prolactine. Ils sont présents en grande quantité dans l’orge. Les auteurs recommandaient, lorsque l’on souhaitait augmenter la sécrétion lactée, de conseiller à la mère d’absorber une à plusieurs fois par jour, plusieurs centaines de ml de bière sans alcool riche en malt (donc en bêta-glucanes). On peut aussi conseiller la consommation régulière de produits comme le Tonimalt® ou l’Ovomaltine®.
Il est à noter que d’autres plantes, utilisées dans divers pays pour augmenter la sécrétion lactée, contiennent aussi des bêta-glucanes. Plusieurs auteurs ont étudié l’effet lactogène de plantes, africaines et iraniennes en particulier. Les pectines contenues dans certaines de ces plantes pourraient aussi avoir cet impact.
En conclusion
Quoi qu’il en soit, il est ESSENTIEL de se souvenir que les galactogogues ne sont pas la « potion miracle » qui permettra à une mère d’avoir du lait. Ils peuvent certes constituer une aide appréciable dans certains cas bien précis. Mais sauf cas très particulier tel qu’induction d’une lactation par exemple, la prise d’un galactogogue (surtout s’il est susceptible d’avoir des effets secondaires) ne devrait intervenir qu’après avoir essayé les autres moyens permettant d'augmenter la stimulation mammaire (mises au sein fréquentes, bébé tétant efficacement, expression du lait manuelle ou avec un tire-lait...), et lorsque ces moyens se sont avérés insuffisants à eux seuls. La poursuite des mesures habituellement destinées à augmenter la sécrétion lactée est indispensable pour obtenir un résultat satisfaisant.
Si l'on estime nécessaire de prescrire à une mère un médicament pour augmenter la sécrétion lactée, le dompéridone, à la posologie de 10 à 20 mg 4 fois par jour, représente actuellement le meilleur choix en raison de son faible passage lacté et de la quasi absence d’effets secondaires chez la femme. Le métoclopramide, prescrit à la dose de 10 mg 3 fois par jour pendant 1 à 2 semaines, peut éventuellement être utilisé. Si l’on préfère utiliser un traitement non médicamenteux, le fenugrec est dénué de toxicité, et semble avoir un impact intéressant. La consommation raisonnable de bière sans alcool, ou de tisanes, extraits ou huiles essentielles de plantes galactogogues pourra aider certaines mères, même s’il est difficile d’apprécier la part d’effet placebo et celle d’un impact réel de leur utilisation.
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Après deux gastro-entérites consécutives de mon bébé de 5 mois (qui a très peu mangé pendant 2 semaines donc), puis 4 jours de fièvre pour moi, je n'avais vraiment plus assez de lait pour la nourrir. Mes seins avaient repris leur taille d'avant grossesse. J'étais désespérée que ça s'arrête si vite. Mais ça coulait encore un peu, ce qui m'a fait garder espoir : ça pouvait revenir. Ca a pris 2 semaines.
J'ai tiré mon lait après chaque tétée, et entre les tétées. Bébé commençait juste à faire ses nuits, alors je mettais un réveil pour tirer mon lait la nuit, et la mettait au sein quand elle se réveillait. Je lui donnait le sein toutes les heures (plus souvent elle s'énervait car pas assez de lait).
J'ai pris du fenugrec en gélules puis en tisane (beaucoup), de l'homéopathie (Ricinus 5CH) qui semble surtout favoriser le réflexe d'éjection, j'ai mangé de la levure de bière à la petite cuillère (on a connu meilleur...), j'ai fait des siestes aussi souvent que possible, et ai bu des tisanes d'allaitement en continu.
En attendant, j'ai donné quelques biberons de lait artificiel à mon bébé le soir pour qu'elle n'ait pas trop faim. Après 2 semaines, premier soir sans biberon de complément. On y arrive.
Remarque : quand je parlais de ma tristesse autour de moi on me répondait qu'à presque 6 mois mon bébé avait déjà de la chance que je l'aie allaitée si longtemps, qu'il fallait accepter que ça s'arrête. Heureusement mon mari a été d'un grand soutien, et même les soirs où je croyais que c'était peine perdue, il m'encourageait à tirer mon lait, et à tenir.
Alors courage à toutes celles qui doutent. En persévérant on y arrive.
Après une hospitalisation, et n'ayant plus du tout du lait, j'utilise la dompéridone, et c'est vraiment très efficace.
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