Diabète gestationnel et allaitement
Breastfeeding by women with gestational diabetes – a contribution to maternal health promotion ? Hummel S et al. Breastfeeding with gestational diabetes in clinical practice. Zittera I. Lact Breastfeed 2017 ; 4 : 4-12.
L’allaitement présente des bénéfices pour la santé infantile, mais également pour la santé maternelle. Des études ont entre autres constaté que les personnes qui n’avaient pas été allaitées avaient un risque plus élevé de diabète de type 2 et de syndrome métabolique (Gunderson ; Jager ; Stuebe ; Villegas). Au vu de la prévalence croissante de ces pathologies, de leur impact sur la santé et de leur coût pour les systèmes de santé publique (The ; Zhuo), toutes les statégies de prévention devraient être recommandées. Les auteurs font le point sur l’allaitement et la santé des femmes ayant présenté un diabète gestationnel et celle de leurs enfants.
Prévalence, physiopathologie et impact
Ce type de diabète est défini par des anomalies dans la tolérance au glucose qui surviennent pendant la grossesse. Il est diagnostiqué par un test de tolérance orale au glucose. Il est à différencier du diabète de type 1 ou 2 diagnostiqué pendant la grossesse, même si sa physiopathologie est proche de celle du diabète de type 2. La grossesse est une période de stress métabolique pour l’organisme maternel. À partir de la deuxième moitié de la grossesse, la sensibilité à l’insuline est plus basse de jusqu’à 60 %. Si l’organisme maternel ne parvient pas à compenser, un diabète gestationnel survient.
À l’échelle mondiale, la prévalence du diabète gestationnel va de 1,9 à 25 %. Une étude menée en Allemagne en 2014-2015 a retrouvé un taux de diabète gestationnel de 13,2 % (Melchior), et ce taux est en augmentation. Il est corrélé à un risque plus élevé de complications maternelles et infantiles pendant la grossesse et l’accouchement, ainsi qu’à un risque environ 7 fois plus élevé de survenue d’un diabète maternel plus tard dans la vie (Bellamy). En raison de l’augmentation des apports en glucose au niveau utérin, le fœtus présentera un hyperinsulinisme et une accumulation de glycogène au niveau cardiaque ainsi qu’un retard du développement du surfactant. Après la naissance, il pourra présenter une hypoglycémie, des troubles respiratoires, une hyperglycémie, une hypocalcémie ou une hypomagnésémie.
Il existe également des risques à plus long terme pour la santé maternelle et infantile. Depuis 1989, une étude prospective suit 304 femmes ayant présenté un diabète gestationnel et leurs enfants ; 147 d’entre elles ont développé un diabète, après en moyenne 7,9 ans (Ziegler). Des auto-anticorps anti-îlots étaient détectables chez environ 10 % des mères suivies, qui avaient un risque très élevé de survenue d’un diabète rapidement après la grossesse. Parmi les 32 mères présentant ces auto-anticorps, toutes sauf une ont développé un diabète, en moyenne 4,5 mois après l’accouchement. Parmi les mères n’ayant pas d’auto-anticorps, celles qui avaient été traitées par insuline pendant leur grossesse avaient le risque le plus élevé de survenue d’un diabète de type 2 : 92,3 % d’entre elles ont développé un diabète en moyenne 2,1 ans après l’accouchement. Chez celles dont le diabète gestationnel avait été traité uniquement par un régime alimentaire, le risque de diabète était fonction de l’indice de masse corporelle (IMC ≤ 30 ou > 30 kg/m²) ; un diabète survenait chez respectivement 28,6 et 69,1 % des femmes, diagnostiqué respectivement 10,2 et 18,2 ans après l’accouchement, même si la glycémie était normale après la naissance et qu’aucune de ces femmes n’a développé d’anticorps anti-îlots pendant la durée du suivi. Par ailleurs, les enfants ont un risque plus élevé d’obésité et de résistance à l’insuline, qui sera également fonction des autres facteurs de risque familiaux.
Impact protecteur de l’allaitement
L’allaitement abaisse à long terme le risque de diabète de type 2, mais cet impact dépend de la durée de l’allaitement (Ziegler). Dans cette étude, il était constaté uniquement chez les femmes qui ne présentaient pas d’anticorps anti-îlots et qui avaient allaité pendant > 3 mois ; ces dernières avaient un taux de diabète de type 2 de 42 % 15 ans après l’accouchement, contre 72 % chez les femmes qui avaient allaité pendant < 3 mois ou n’avaient pas allaité. Cet impact était plus important chez les femmes qui avaient allaité exclusivement. La raison de cet impact reste inconnue. On a constaté que les femmes qui avaient présenté un diabète gestationnel et qui avaient allaité étaient beaucoup moins souvent obèses (Hummel), et que celles qui allaitaient exclusivement étaient plus nombreuses à revenir à leur poids antérieur à la grossesse. Le surpoids et l’obésité augmentent le risque de diabète de type 2. L’impact de l’allaitement semble indépendant des habitudes alimentaires, du niveau d’activité physique ou du niveau socioéconomique (Jager).
La lactation a un impact positif sur l’homéostasie du glucose et sur le métabolisme des lipides (Gunderson ; Kjos ; O’Reilly). Cela peut s’expliquer par les besoins de la production lactée. La glande mammaire a besoin de glucose pour fabriquer le lactose, et on a constaté que la glande mammaire est sensible à l’insuline (Burnol). La lactation induit également une mobilisation des réserves lipidiques pour la synthèse des lipides lactés. Cette redistribution des lipides peut abaisser la résistance à l’insuline. Une étude métabolomique, menée en moyenne 3,6 ans après l’accouchement chez 196 femmes ayant présenté un diabète gestationnel, a constaté que celles qui avaient allaité pendant > 3 mois avaient un profil métabolomique différent de celles qui avaient allaité pendant moins longtemps (Much) ou n’avaient pas allaité. Ces différences pourraient être utilisées pour dépister les femmes à haut risque de survenue d’un diabète, et des études seraient nécessaires sur le sujet. Par ailleurs, les mères qui allaitent ont un profil hormonal différent, avec entre autres un taux plus élevé de prolactine. Cette dernière, via des récepteurs à prolactine, agit sur les cellules pancréatiques qui sécrètent l’insuline, et stimule leur croissance et leur production (Butler ; Parsons ; Xu).
Pratiques d’allaitement chez les mères ayant présenté un diabète gestationnel
L’allaitement exclusif pendant les 6 premiers mois est recommandé à l’échelle internationale, l’allaitement étant ensuite poursuivi parallèlement à l’introduction d’autres aliments. Des études ont constaté que les mères diabétiques étaient moins nombreuses à allaiter et qu’elles allaitaient moins longtemps, y compris celles qui ont présenté un diabète gestationnel (Cordero ; Finkelstein). Il semble que cela soit toutefois fonction de l’IMC de la mère et du traitement du diabète pendant la grossesse, les femmes traitées par insuline et celles dont l’IMC était > 30 kg/m² étant les moins nombreuses à allaiter et les plus nombreuses à sevrer rapidement (Hummel ; Matias ; Morrison ; Ziegler). Une étude a constaté une montée de lait plus tardive chez les femmes ayant présenté un diabète gestationnel, en particulier si elles avaient été traitées par insuline, si elles étaient obèses, présentaient d’autres facteurs de risque, ou si elles n’étaient pas activement soutenues en maternité (Matias). Toutefois, les intentions maternelles et le soutien en maternité jouent un rôle important. Une étude a constaté que ces mères étaient moins nombreuses à souhaiter allaiter et que leur bébé recevait plus souvent des suppléments en maternité (Loewenberg Weisband). Une autre étude rapportait que les nouveau-nés de ces mères étaient rarement mis au sein dans l’heure suivant la naissance, que leurs mères recevaient moins d’informations sur les pratiques optimales d’allaitement, et qu’on leur distribuait plus souvent des échantillons de lait industriel (Oza-Frank).
L’expression de colostrum en fin de grossesse est suggérée afin de pouvoir supplémenter le nouveau-né si nécessaire sans recourir à un lait industriel. En effet, les bébés nés de mères diabétiques ont un risque plus élevé d’hypoglycémie et donc de supplémentation précoce. Une étude randomisée récente incluant 635 mères a évalué l’impact de l’expression du colostrum deux fois par jour à partir de 36 semaines (Forster). Cette expression anténatale s’avérait sans danger, elle n’augmentait pas le risque d’accouchement prématuré, et elle était corrélée à une prévalence et une durée plus élevées d’allaitement exclusif.
Gestion du diabète gestationnel
Dans de nombreux pays, toutes les femmes enceintes passent un test de tolérance orale au glucose entre 24 et 28 semaines de grossesse. Si un diabète gestationnel est dépisté, la femme sera suivie étroitement. Le traitement de première intention est nutritionnel. Un régime alimentaire sera discuté avec la femme, qui devra également veiller à avoir une activité physique régulière et à ne pas prendre trop de poids. La glycémie sera régulièrement contrôlée. Si cela ne suffit pas, un traitement par insuline sera institué. Le nouveau-né sera étroitement suivi en post-partum précoce. Si la mère était sous insuline pendant la grossesse, l’accouchement devrait survenir dans un service auquel une unité de néonatalogie est attachée. La glycémie maternelle sera suivie en post-partum, dans la mesure où elle ne se normalise pas dans 13 à 40 % des cas, ce qui signale un risque significativement plus élevé de diabète de type 2. L’allaitement présente des bénéfices spécifiques pour ces mères et leurs enfants, et il est donc fortement recommandé. En raison d’un risque plus élevé de problèmes au démarrage de l’allaitement, ces mères devraient être bien informées et activement soutenues.
Des pratiques optimales dès le démarrage de l’allaitement sont particulièrement importantes pour les enfants de ces mères, qui ont un risque plus élevé d’hypoglycémie. Afin d’abaisser ce risque, le bébé devrait être mis au sein aussi rapidement que possible après la naissance (y compris après une césarienne), et bénéficier ensuite d’un allaitement à la demande et d’un contact étroit avec sa mère (peau à peau intensif), ce qui minimisera également le risque de stress et d’hypothermie et favorisera les mises au sein fréquentes. Si des suppléments sont nécessaires, on privilégiera le colostrum maternel, éventuellement exprimé avant la naissance, ou à partir de la naissance. S’il n’est pas disponible, on pourra donner en supplément un hydrolysat. La glycémie du nouveau-né sera régulièrement suivie jusqu’à stabilisation. En cas d’épisodes d’hypoglycémie, on pourra administrer au nouveau-né un gel buccal de glucose ou de dextrose. L’administration de glucose en perfusion étant nettement plus invasive, elle sera réservée aux hypoglycémies non contrôlées par des mesures non invasives. On évitera dans toute la mesure du possible de séparer l’enfant de sa mère. Après la sortie de maternité, il est recommandé de continuer à soutenir activement la mère.
En conclusion
L’allaitement présente des bénéfices encore plus important chez les mères ayant présenté un diabète gestationnel et chez leurs enfants, à court et à long terme. Le maximum devrait être fait pour bien informer ces mères sur l’allaitement en période prénatale, et pour les soutenir activement pendant les premières semaines post-partum, afin de leur permettre de réussir leur allaitement.
Références
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Lactation et diabète de type 2 chez les femmes ayant présenté un diabète gestationnel
Lactation and progression to type 2 diabetes mellitus after gestational diabetes mellitus : a prospective cohort study. Gunderson EP et al. Ann Intern Med 2015 ; 163(12) : 889-98.
Des études ont constaté que la lactation améliorait le métabolisme du glucose, et qu’elle abaissait le risque maternel de survenue d’un diabète de type 2. Toutefois, on ignore dans quelle mesure l’allaitement pourrait prévenir cette survenue chez les mères qui ont présenté un diabète gestationnel. L’objectif de cette étude était d’évaluer l’impact de l’allaitement sur le risque de diabète de type 2 dans les deux premières années post-partum.
Cette étude prospective américaine a été menée auprès de 1 035 femmes, qui avaient accouché à ≥ 35 semaines de gestation d’un singleton entre 2008 et 2011, qui avaient présenté un diabète gestationnel, et qui ont été incluses dans une étude sur l’alimentation infantile, le diabète gestationnel, et le diabète de type 2. Elles ont été vues 6 à 9 semaines après l’accouchement, puis une fois par an pendant les deux années suivantes, pour un test oral de tolérance au glucose, ainsi qu’un examen clinique et un questionnaire. Les données ont été analysées par régression de Weibull, avec ajustement pour les variables confondantes. Toutes les données ont été réunies pour 959 femmes. 113 ont développé un diabète de type 2. L’intensité de l’allaitement avait un impact. Par rapport aux femmes qui avaient allaité exclusivement, le taux de diabète de type 2 était 2,17 fois plus important chez celles qui avaient essentiellement nourri leur bébé avec une formule lactée commerciale, 1,85 fois plus important chez celles qui avaient allaité partiellement, et 1,56 fois plus important chez celles qui avaient allaité de façon majoritaire. La durée de l’allaitement avait également un impact, avec un risque de diabète de type 2 respectivement 2,32 fois, 2 fois et 1,81 fois plus important chez les mères qui avaient allaité 0 à 2 mois, 2 à 5 mois, et 5 à 10 mois par rapport à celles qui avaient allaité pendant > 10 mois. Les variations du poids de la mère atténuaient légèrement cet impact.
Le fait d’allaiter exclusivement et d’allaiter longtemps abaissaient significativement le risque de survenue d’un diabète de type 2 dans les deux ans suivant l’accouchement chez des femmes ayant présenté un diabète gestationnel.
Impact des pratiques d’allaitement sur la tolérance au glucose de femmes ayant présenté un diabète gestationnel
The effect of high-intensity breastfeeding on postpartum glucose tolerance in women with recent gestational diabetes. Yasuhi I et al. Int Breastfeed J 2017 ; 12 : 32.
On sait que les femmes qui ont présenté un diabète gestationnel ont un risque significativement plus élevé de souffrir par la suite de diabète. Par ailleurs, l’allaitement augmente nettement les dépenses énergétiques maternelles, et il a un impact bénéfique sur le métabolisme du glucose constaté dans des études in vivo. Une grande étude a constaté que la durée de l’allaitement était inversement corrélée au risque de diabète de type 2, et cet impact a également été constaté par d’autres études. L’objectif de cette étude était de voir si les pratiques d’allaitement avaient un impact sur la tolérance au glucose et sur la résistance à l’insuline pendant la première année post-partum chez des femmes ayant présenté un diabète gestationnel.
Dans le cadre du suivi en post-partum en vigueur au Japon, les femmes qui présentent un diabète gestationnel se voient proposer un test de tolérance orale au glucose (HPGO) à 6-8 semaines, 6-8 mois et 12-14 mois post-partum. Les auteurs ont sélectionné les femmes ayant présenté un diabète gestationnel ayant accouché dans leur centre médical sur une période de trois ans et qui avaient passé au moins un HPGO. Les pratiques d’allaitement ont été évaluées à 6-8 semaines, et 6 et 12 mois. L’allaitement a été dit de haute intensité si l’enfant était exclusivement allaité ou si le lait maternel représentait ≥ 80 % de ses apports pendant les six premiers mois et s’il était toujours allaité à 12 mois. Les auteurs ont par ailleurs pris en compte l’âge de la mère, son indice de masse corporelle (IMC), les antécédents familiaux de diabète, la glycémie au moment du diagnostic de diabète gestationnel, le traitement éventuellement suivi, la prise de poids pendant la grossesse, et l’évolution du poids en post-partum. Les données ont été analysées par régression logistique multiple.
Parmi les 141 femmes ayant présenté un diabète gestationnel pendant la durée de l’étude, 53 ont refusé de participer ou n’ont pas fourni toutes les données nécessaires. L’analyse a donc posté sur 88 femmes. Elles avaient 33 ± 5 ans, 52 % étaient primipares. Elles avaient pris 6,9 ± 5,3 kg pendant la grossesse. Le diagnostic de diabète gestationnel a été fait à 24,5 ± 6,2 semaines, et 61 % ont été traitées par insuline. Elles ont accouché à 38,5 ± 2,7 semaines, d’un enfant pesant 2 922 ± 594 g, par césarienne pour 29,5 % des mères. L’allaitement était de haute intensité pour 79,5 % des femmes à 6-8 semaines, 63,6 % à 6 mois et 45,5 % à 12 mois. 20,5 % des femmes n’ont jamais pratiqué un allaitement de haute intensité. Le résultat du test d’HPGO était significativement moins bon chez les femmes qui n’avaient jamais pratiqué un allaitement de haute intensité (risque 1,16 fois plus élevé d’un résultat anormal chez ces femmes par rapport aux mères ayant pratiqué un allaitement de haute intensité). Aucun impact n’était constaté pour l’âge maternel, la parité, les antécédents familiaux de diabète, la glycémie à d’autres moments que pendant le test, la prise de poids pendant la grossesse ou l’évolution du poids en post-partum. L’impact d’un allaitement de haute intensité n’était pas statistiquement significatif après correction pour toutes les autres variables lorsqu’il avait été pratiqué seulement pendant les 6-8 premières semaines, mais il l’était pour un allaitement de haute intensité pendant ≥ 6 mois, l’impact sur les résultats au test étant le plus important à 6-8 mois. Les mêmes constatations était faites sur le plan de la résistance à l’insuline.
Cette étude présente des limitations. Elle portait sur un petit nombre de femmes, ce qui limite la puissance statistique. La répartition des mères en deux groupes sur le plan des pratiques d’allaitement ne permettait pas d’évaluer de façon plus fine l’impact d’un allaitement partiel. Les auteurs ont démarré une étude prospective multicentrique sur le sujet. Il serait également nécessaire de prévoir un suivi à plus long terme (en particulier après la fin de l’allaitement), ainsi que pour analyser les mécanismes de cet impact de l’intensité de l’allaitement. Au vu des résultats de cette étude, il est toutefois permis de penser qu’un allaitement exclusif ou prédominant pendant les six premiers mois abaisse le risque de développement d’une mauvaise tolérance au glucose et d’une résistance à l’insuline chez les femmes ayant présenté un diabète gestationnel, et que c’est également le cas de la poursuite de l’allaitement jusqu’à 12 mois et plus, cet impact étant indépendant de l’IMC, de la prise de poids pendant la grossesse et de l’évolution du poids en post-partum.
Impact d’une supplémentation en maternité sur les pratiques d’allaitement de mères ayant ou non présenté un diabète gestationnel
Hospital supplementation differentially impacts the association between breastfeeding intention and duration among women with and without diabetes mellitus history. Loewenberg Y et al. Breastfeed Med 2017 ; 12(6) : 338-44.
La survenue d’un diabète gestationnel (DG) concerne 7 à 18 % des grossesses aux États-Unis et présente des risques pour la santé maternelle à long terme, avec entre autres un risque plus élevé de survenue d’un diabète de type 2 (D2). Dans la mesure où le fait d’avoir allaité abaisse le risque de survenue d’un D2, promouvoir l’allaitement pourrait être une approche simple et peu coûteuse de prévention. De nombreux facteurs ont un impact sur les pratiques d’allaitement : intentions maternelles, facteurs démographiques, socioculturels, environnementaux… Des études ont constaté que le démarrage de l’allaitement était plus difficile chez les mères ayant présenté un DG, et que leur bébé recevait plus souvent des suppléments de lait industriel en maternité. Le but de cette étude était d’évaluer les relations entre les intentions maternelles en matière d’allaitement, le DG, le don de suppléments en maternité, et la durée de l’allaitement.
Les auteurs ont utilisé les données de la Infant Feeding Practices Study II (IFPS-II), menée auprès de mères ayant accouché entre 2005 et 2007. Cette grande étude longitudinale menée aux États-Unis a collecté des données sur les mères pendant la fin de leur grossesse et leur enfant pendant les douze premiers mois. Les mères avaient ≥ 18 ans, avaient accouché à ≥ 35 semaines de gestation, la mère et l’enfant étaient en bonne santé. Les familles avaient reçu un questionnaire avant la naissance, puis dix autres pendant la première année. Pour cette étude, on a pris en compte la survenue d’un DG et l’existence chez la mère d’un diabète insulinodépendant (DID) ou d’un D2. Les intentions maternelles en matière d’allaitement avaient été évaluées en fin de grossesse, on a noté le don éventuel de suppléments en maternité (premier questionnaire en post-partum) et la durée de l’allaitement a été calculé en semaines à partir des données des questionnaires suivants. De nombreuses variables démographiques et socioéconomiques étaient également prises en compte par cette étude, ainsi que le tabagisme, le poids et la taille de la mère, son activité professionnelle… Les données ont été analysées par régression logistique multiple, test du khi carré, test de Fisher et test de Wilcoxon.
Les données nécessaires ont été collectées pour 160 femmes ayant présenté un DG (groupe cas) et 2 139 femmes constituant le groupe témoin. Par rapport au groupe témoin, les femmes du groupe cas étaient plus souvent fumeuses en fin de grossesse, et plus souvent obèses. Elles étaient moins nombreuses à souhaiter allaiter exclusivement pendant les premières semaines (51,9 % contre 63 %) et elles ont allaité pendant moins longtemps (21,4 contre 24,6 semaines) que celles du groupe témoin ; après correction pour les autres variables, l’existence d’un DG restait significativement corrélée à une intention moins fréquente d’allaiter exclusivement. La durée totale d’allaitement était positivement corrélée à l’intention maternelle d’allaiter exclusivement pendant les premières semaines dans les deux groupes de mères. Les mères du groupe DG étaient plus nombreuses à avoir donné des suppléments de lait industriel à leur bébé pendant le séjour en maternité (63,5 % contre 46,4 %), en particulier lorsqu’elles n’avaient pas l’intention d’allaiter exclusivement. Le don de suppléments en maternité était corrélé à une durée totale plus courte d’allaitement dans les deux groupes de mères. Chez les mères du groupe témoin, le don de suppléments en maternité avait un impact significatif sur la relation entre les intentions maternelles en matière d’allaitement exclusif et la durée totale d’allaitement après correction pour les autres variables. En revanche, ce n’était pas le cas chez les mères du groupe DG.
Cette étude présente des limitations. Les femmes incluses dans la IFSP-II ne sont pas réellement représentatives de la population générale des États-Unis, d’autant que les données portent sur des enfants nés il y a une dizaine d’années. Par ailleurs, seulement 160 femmes avaient présenté un DG. Enfin, les intentions maternelles en matière d’allaitement ont été obtenues pendant le troisième trimestre de grossesse alors que le DG avait déjà été diagnostiqué ; on ne peut pas exclure un impact de ce diagnostic sur les intentions maternelles. Toutefois, cette étude épidémiologique reste encore une source précieuse de données sur l’allaitement et les facteurs corrélés, en raison de son caractère prospectif et du nombre important de données collectées. Ces résultats permettent de penser que, chez les mères ayant présenté un diabète gestationnel, les intentions en matière d’allaitement exclusif pendant les premières semaines post-partum ont un impact plus important sur les pratiques en matière d’allaitement que le don de suppléments en maternité. Les professionnels de santé qui suivent ces mères pourraient augmenter leur motivation en veillant à les informer sur les bénéfices de l’allaitement à l’occasion du suivi prénatal. Les soignants en maternité peuvent également faire en sorte de les soutenir activement.
Diabète gestationnel, perception maternelle des bénéfices de l’allaitement, et pratiques maternelles
Breastfeeding after gestational diabetes : does perceived benefits mediate the relationship ? Wallenborn JT et al. J Pregnancy 2017 : 9581796.
Des études ont constaté que le démarrage de l’allaitement était plus difficile chez les mères souffrant de diabète, et cela pourrait également être le cas chez les mères ayant présenté un diabète gestationnel (DG). C’est le cas dans jusqu’à 14 % des grossesses aux États-Unis. Ces mères bénéficient habituellement d’un suivi plus important de la grossesse, et elles pourront donc recevoir plus souvent des informations sur l’allaitement à l’occasion de ce suivi, ce qui pourra augmenter leur motivation à allaiter. L’objectif de cette étude était d’évaluer les pratiques d’allaitement chez des mères américaines ayant présenté un DG, et de voir dans quelle mesure la perception qu’avaient ces mères des bénéfices de l’allaitement influençait leurs pratiques.
Les auteurs ont utilisé les données collectées par la Infant Feeding Practices Study II (IFPS II), une étude pour laquelle 4 902 mères ont été incluses pendant leur grossesse entre 2005 et 2007, leurs enfants étant suivis jusqu’à 12 mois. Les mères qui allaitaient toujours à 12 mois ont été recontactées lorsque leur enfant avait environ 6 ans (917 mères) pour collecte de données supplémentaires sur la durée de l’allaitement. De nombreuses données ont été collectées à l’occasion de cette étude : démographiques, socioéconomiques, caractéristiques anthropométriques, déroulement de la grossesse, de l’allaitement, alimentation infantile…
Toutes les données ont été réunies pour 310 mères ayant présenté un DG et 4 134 mères qui n’en avait pas souffert (groupe T). 82,8 % des femmes étaient d’origine caucasienne, 75,3 % avaient au moins un diplôme d’études secondaires, 57,4 % avaient 25 à 34 ans, 75,5 % étaient mariées, 24,8 % étaient en surpoids ou obèses, et 85,7 % ont commencé à allaiter. Les mères des deux groupes présentaient des caractéristiques similaires, mis à part le fait que les mères du groupe DG étaient un peu plus âgées et deux fois plus souvent obèses. Les mères du groupe DG étaient un peu moins nombreuses à commencer à allaiter (79,6 % contre 85,8 %), mais le pourcentage de mères ayant allaité pendant > 6 mois était similaire dans les deux groupes (39,8 et 38 %). 46,4 % des mères du groupe DG et 49,8 % des mères du groupe T pensaient que l’allaitement abaissait le risque de diarrhée chez le bébé, 34,8 % et 36,6 % qu’il abaissait le risque d’obésité, 60,4 % et 63,8 % qu’il abaissait le risque d’otites, et 60,4 % et 63,8 % qu’il abaissait le risque d’infections respiratoires, la différence entre les deux groupes n’étant pas significative. Après justement pour les diverses variables confondantes, la perception maternelle des bénéfices de l’allaitement pour son enfant était positivement corrélée à une durée plus élevée d’allaitement.
Cette étude présente des limitations. Les mères incluses n’étaient pas représentatives de la population générale des États-Unis, avec une sur-représentation des mères d’origine caucasiennes, mariées, ayant un niveau élevé d’études et des revenus supérieurs à la moyenne. Par ailleurs, les données provenaient des réponses des mères aux questionnaires régulièrement administrés. Elle présente également des points forts : nombre important de mères, suivi prospectif, recueil d’un nombre important de données. Elle permet de penser que le diabète gestationnel n’a pas en soi d’impact significatif sur la prévalence et la durée de l’allaitement, et que la perception des bénéfices de l’allaitement a un impact significatif sur les pratiques maternelles d’allaitement, que la mère ait ou non présenté un diabète gestationnel. Les professionnels de santé doivent donc informer les mères sur l’allaitement et ses bénéfices à l’occasion du suivi prénatal.
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