D'après : Vertical transmission of dengue virus in the peripartum period and viral kinetics in newborns and breast milk : new data. Arragain L et al. J Pediatr Inf Dis Soc 2017 ; 6(4) : 324-31..
Tous les ans, le virus de la dengue induit environ 390 millions d’infections et 12 500 décès dans les régions tropicales et sub-tropicales. L’infection par l’un des 4 sérotypes de virus de la dengue n’induit pas d’immunité de longue durée vis-à-vis des autres sérotypes. L’infection peut être asymptomatique, mais elle peut également induire des signes cliniques sévères ainsi que le décès. Il n’existe pas de traitement connu. Les piqûres de moustiques sont la principale cause de contamination humaine, mais le virus peut se transmettre via les transfusions sanguines, les transplantations, et une transmission verticale (de la mère à l'enfant) a été constatée. La contamination du fœtus pendant la grossesse est rare, mais elle a des conséquences sévères chez la mère et l’enfant. Une contamination via le lait maternel est possible. Le but de cette étude était d’évaluer le risque de transmission verticale du virus de la dengue (VD), son mécanisme, ainsi que la cinétique du virus chez la mère et son enfant, ainsi que dans le lait maternel.
Cette étude prospective a été menée chez des mères qui ont accouché dans le service de maternité du CHT de Nouméa (Nouvelle-Calédonie) entre décembre 2012 et octobre 2013. Des investigations biologiques ont été effectuées chez toutes les parturientes qui ont présenté une fièvre entre 7 jours pré-partum et 2 jours post-partum afin d’en rechercher l’étiologie. On a retenu pour cette étude toutes les femmes chez qui ce bilan était positif pour le VD ainsi que leur nourrisson. Les mères ont répondu à un questionnaire, les dossiers médicaux des mères et des enfants ont été analysés, des échantillons de sang du cordon, de placenta, de sang et de liquide gastrique du nourrisson, ainsi que des échantillons couplés de sang et de lait maternels ont été collectés chaque fois que possible chez toutes les mères fébriles. On a recherché les IgM et les IgG spécifiques, l’ARN du VD a été recherché, les échantillons ont été mis en culture pour isolation, caractérisation et typage du VD.
Pendant la période d’étude, le VD a été mis en évidence chez 10 parturientes symptomatiques (9 infections primaires et 1 infection secondaire), ce qui représentait 2,5/1000 des femmes ayant accouché en Nouvelle-Calédonie pendant cette période. Les signes cliniques ont débuté peu avant la naissance chez 4 femmes, le jour de la naissance chez 5 femmes, et dans les 2 jours suivant la naissance chez 1 femme. Les signes cliniques étaient sévères chez 3 femmes. 8 mères ont développé une thrombocytopénie. Ces femmes ont accouché entre 36 et 40 semaines d’aménorrhée, par césarienne pour 3 femmes. 3 femmes ont présenté une hémorragie. Une femme est décédée ; outre les signes d’infection par le VD, elle présentait une hypertension gestationnelle ; après son accouchement par césarienne, les signes cliniques d’infection se sont aggravés, avec hémorragie, CIVD et défaillance multiviscérale. 9 des 10 nouveau-nés ont été contaminés, et tous étaient asymptomatiques à la naissance. L’enfant non contaminé était né d’une mère qui avait présenté des signes cliniques classiques de dengue ainsi qu’une infection urinaire 4 jours avant la naissance. En raison de difficultés d’accouchement, 2 nouveau-nés ont nécessité une ventilation assisté et 2 autres une réanimation (ayant induit une encéphalopathie anoxique chez 1 enfant, qui a guéri sans séquelles). Les signes cliniques sont apparus chez les enfants entre J1 et J7 et ont persisté pendant 1 à 10 jours. Ils incluaient une fièvre, une hypoxémie, des problèmes d’alimentation, une hypotonie, une éruption cutanée. 8 enfants ont été transférés en néonatalogie. 7 enfants ont présenté une thrombocytopénie. La recherche de l’ARN du VD était positif dans les 3 échantillons de placenta, dans 3 des 4 échantillons de sang du cordon, dans 5 des 6 échantillons de lait maternel et dans 4 des 7 échantillons de liquide gastrique. 6 échantillons supplémentaires de lait maternel ont été collectés auprès de 12 mères ayant développé une infection en post-partum, et le VD était retrouvé dans le lait de 9 mères ; chez les 3 autres mères, les échantillons de lait avaient été obtenus 8 à 21 jours après le début de l’apparition des signes cliniques d’infection.
Afin d’évaluer l’infectivité du lait maternel, tous les échantillons provenant de mères chez qui la recherche de l’ARN du VD était positive ont été mis en culture, ainsi que les échantillons de sang maternel collectés aux mêmes moments. Tous les échantillons de lait sont restés négatifs, et seulement échantillons de sang étaient positifs. La charge virale lactée était significativement plus basse que la charge virale sérique chez la mère et l’enfant. Dans le lait maternel, l’ARN du VD était détecté jusqu’à 14 jours après le début de la maladie, et il était
détecté dans le sang de l’enfant pendant 10 à 17 jours après le début de la maladie.
Cette étude porte sur un petit nombre de mères, mais elle a des implications cliniques intéressantes. Il serait nécessaire de rechercher le VD chez toutes les femmes fébriles en période périnatale qui vivent dans une zone d’endémie pour cette infection, et de surveiller étroitement le nouveau-né. On ignore actuellement si une transfusion prophylactique de plaquettes, le fait d’éviter les procédures invasives pendant l’accouchement ou d’éviter temporairement l’allaitement présente un intérêt. D’autres études multicentriques sont nécessaires.
À savoir. Pour e-lactancia, "compte tenu de la rareté apparente de la transmission du virus de la dengue par le lait maternel et des effets protecteurs de celui-ci pour le nourrisson, l'allaitement pendant une infection de dengue maternelle ou infantile doit se poursuivre, tant que l'état clinique de la mère et du bébé le permet".
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