Le deuxième article a été publié dans le n° 123 des Dossiers de l'allaitement, juin 2017.
Introduction précoce des aliments de sevrage : quelle est la qualité des preuves ?
ESPGHAN’s 2008 recommendation for early introduction of complementary foods : how good is the evidence ? Cattaneo A et al. Matern Child Nutr 2011 ; 7(4) : 335-43.
Depuis 2002, l’OMS ainsi que diverses organisations gouvernementales et professionnelles ont recommandé l’allaitement exclusif jusqu’à 6 mois, puis la poursuite de l’allaitement parallèlement à l’introduction de solides, comme étant le mode optimal d’alimentation infantile.
Toutefois, un certain nombre d’articles ont été publiés ces dernières années, qui remettent en question ces recommandations.
Celle dont l’impact a été le plus important a été l’article publié en 2008 par le comité pour la nutrition de l’European Society for Pediatric, Gastroenterology, Hepatology and nutrition (ESPGHAN), qui recommande l’introduction des solides chez tous les enfants entre 17 et 26 semaines.
Cattaneo et al présentent leurs doutes sur la validité de la position de l’ESPGHAN, et se posent des questions sur la pertinence de leurs recherches bibliographiques, sur leur interprétation des données utilisées pour fonder leur recommandation, et sur l’intérêt d’une approche qui se focalise sur la prévention de certaines maladies, en prenant très peu en compte l’impact sur la croissance et le développement neurologique. Les auteurs estiment que la recommandation de l’ESPGHAN doit être considérée comme ce qu’elle est, à savoir le point de vue d’experts qui peuvent être influencés par des conflits d’intérêts. De leur point de vue, cette recommandation n’est pas fondée sur des preuves scientifiques solides, et modifier la recommandation actuelle de 6 mois d’allaitement exclusif ne se justifie pas.
Au niveau individuel, les professionnels de santé doivent garder à l’esprit que le bon moment pour l’introduction des solides est fonction du développement propre à chaque enfant, et que nombre d’enfants seront probablement prêts à accepter les solides après 6 mois plutôt qu’avant 6 mois. Leur rôle est d’informer les parents afin qu’ils connaissent les signes indiquant que leur enfant est prêt pour l’introduction des solides, et qu’ils aient confiance en leur capacité à s’occuper de l’alimentation de leur enfant. Cette approche de soutien et de responsabilisation des parents devrait être préférée aux recommandations normatives de l’ESPGHAN.
Alimentation infantile pendant le sevrage : les recommandations de l’ESPGHAN
Complementary feeding : a position paper by the European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition (ESPGHAN) Committee on Nutrition. Fewtrell M et al. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2017 ; 64(1) : 119-32.
Ces recommandations de l’ESPGHAN portent sur différents aspects de l’alimentation pendant le sevrage, et concernent les enfants nés à terme et en bonne santé vivant en Europe.
Après avoir passé en revue les connaissances actuelles et les pratiques, le Comité de l’ESPGHAN pour la nutrition infantile émet les recommandations suivantes :
• Les enfants devraient être exclusivement ou totalement allaités pendant au moins 4 mois (17 semaines), et l’allaitement exclusif ou prédominant est recommandé jusqu’à 6 mois (26 semaines).
• Les aliments de sevrage (solides ou liquides autres que le lait maternel ou une formule lactée commerciale) ne devraient pas être introduits avant 4 mois, mais cette introduction devrait intervenir à partir de 6 mois.
• Les bébés devraient se voir proposer des aliments présentant une grande variété de saveurs et de textures incluant des légumes verts ayant un goût amer. Les recommandations faites aux parents sur le sujet devraient prendre en compte les pratiques traditionnelles d’alimentation de chaque culture.
• La poursuite de l’allaitement est recommandée pendant toute la période d’introduction des solides. Le lait de vache du commerce courant ne devrait pas être donné en quantité importante avant 12 mois.
• Les aliments potentiellement allergisants peuvent être introduits dès le début de l’introduction des solides n’importe quand après 4 mois. Les enfants à haut risque d’allergie à l’arachide (enfants souffrant d’eczéma sévère et/ou d’allergie à l’œuf) devraient commencer à recevoir de l’arachide entre 4 et 12 mois, mais il est recommandé d’éviter d’en donner en quantité importante pendant les premières semaines qui suivent l’introduction du gluten, et plus tard dans l’enfance.
• De même, le gluten peut être introduit entre 4 et 12 mois, en évitant le don de quantités importantes pendant les premières semaines et pendant l’enfance.
• Tous les bébés devraient recevoir des aliments riches en fer tels que la viande ou des produits enrichis en fer. On ne devrait pas ajouter de sucre ou de sel aux aliments proposés, et les jus de fruits et les boissons sucrées devraient être évités.
• Si l’enfant reçoit une alimentation végétalienne, cela devrait être fait uniquement sous le contrôle régulier d'un médecin ou d'un spécialiste en nutrition, et les parents devraient être informés des conséquences sérieuses que peut induire le non-respect des consignes concernant le don de suppléments appropriés (vitamine D, vitamine B12, folates, fer, zinc, protéines, calcium, acides gras polyinsaturés) et l’adéquation des apports caloriques.
• La texture et la fermeté des aliments proposés devraient être adaptées à l’âge et au développement de l’enfant. Il n’existe pas de données fiables permettant de conclure à la supériorité de l’alimentation à la cuillère versus l’alimentation par l’enfant lui-même (diversification menée par l’enfant), et les parents seront encouragés à adopter des pratiques respectueuses des manifestations de faim et de satiété de l’enfant. Il est recommandé d’éviter de lui donner à manger pour le réconforter ou le récompenser. Le don prolongé des aliments sous forme de purées est également déconseillé, et l’enfant devrait consommer des aliments en morceaux à 8-10 mois. À 12 mois, il devrait boire au verre ou à la timbale plutôt qu’au biberon.
Des études seraient nécessaires sur les points suivants :
• L’introduction des solides chez les enfants nourris avec une formule lactée commerciale.
• Les besoins en fer pendant le sevrage et l’impact éventuel de la source de fer.
• L’impact de diverses sources de protéines sur la croissance et la composition corporelle (lait versus autres aliments).
• La quantité de gluten optimale à introduire pendant le sevrage.
• Plus généralement la quantité d’aliments potentiellement allergisants à introduire, et à quel moment.
• L’impact de la méthode traditionnelle d’introduction des solides (cuillère) versus la diversification menée par l’enfant sur les apports alimentaires, le risque de fausses routes et la santé infantile.
• L’impact de diverses pratiques parentales pendant les repas et de la prise en compte des signaux de l’enfant sur l’appétit, les apports alimentaires et le risque d’obésité par la suite
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