Traduit de Is baby-led weaning feasible? When do babies first reach out for and eat finger foods?
Charlotte M. Wright*, Kirsty Cameron*, Maria Tsiaka* and Kathryn N. Parkinson†
*Paediatric Epidemiology and Community Health (PEACH), Faculty of Medicine, University of Glasgow, Glasgow, UK, and †Institute of Health and Society, Newcastle University, Newcastle, UK
© 2010 Blackwell Publishing Ltd, Maternal and Child Nutrition (2011), 7, p. 27–33.
Traduction : Justine Piette.
Résumé
Selon la philosophie de la DME (diversification menée par l’enfant – parfois appelée alimentation autonome, NDT), le nourrisson devrait, lors de l'introduction des solides, être encouragé à se nourrir lui-mêmel d’aliments en morceaux, par opposition aux purées données à la cuillère. Nous avons utilisé des données de l’étude Gateshead Millennium Study (GMS) afin de définir la tranche d’âge durant laquelle les nourrissons tentent d’attraper et de manger des aliments en morceaux et avons mis en relation ce comportement avec le stade de développement. Dans le cadre de l’étude GMS, des nouveau-nés ont été recrutés peu après la naissance et suivis à l’aide de questionnaires envoyés par courrier postal. Sur les 923 enfants éligibles, des informations sur les premières tentatives d’attraper de la nourriture ont été récoltées pour 602 enfants. Parmi ces derniers, 340 (56 %) avaient effectué cette action avant l’âge de 6 mois, mais 36 (6 %) n’essayaient toujours pas d’attraper des aliments à 8 mois. Les nourrissons qui n’avaient pas essayé d’attraper de la nourriture à 6 mois étaient moins susceptibles de marcher sans aide à 1 an (85 enfants sur 224, soit 38 %), comparés à ceux qui attrapaient la nourriture (155 sur 286, soit 54 % ; P < 0.001). En ce qui concerne les 447 parents ayant complété un journal des cinq premières consommations d'aliments en morceaux par leur enfant, le premier aliment mangé l’avait été avant l’âge de 6 mois pour 170 enfants (40 %) et avant l’âge de 8 mois pour 383 enfants (90 %). Les aliments proposés étaient principalement du pain, des biscottes et autres biscuits. Sur les 604 bébés pour lesquels des données existaient sur les quantités ingérées à 8 mois, tous sauf 58 (9,6 %) consommaient des aliments en morceaux au moins une fois par jour, mais seuls 309 (51 %) en consommaient plus d’une fois par jour. La diversification alimentaire menée par l’enfant est probablement faisable pour une majorité de nourrissons, mais pourrait entraîner des problèmes nutritionnels pour les nourrissons présentant un retard relatif du développement.
Introduction
L’âge d’introduction des solides a suscité de nombreux débats, mais la recommandation de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) de le faire à 6 mois (OMS, 2002) a fait qu'au Royaume-Uni, la proportion de nourrissons recevant pour la première fois des aliments solides très tôt a diminué, bien que le nombre de ceux pour lequel on attend les 6 mois reste faible (Bolling et al. 2007). Toutefois, une nouvelle controverse surgit aujourd’hui sur la manière de proposer les premiers aliments solides.
Au Royaume-Uni, le mouvement pour une diversification alimentaire menée par l’enfant (baby-led weaning ou BLW) (Rapley & Murkett 2008), conseille de proposer les premiers aliments solides sous forme de morceaux que le bébé peut saisir avec les doigts (« finger food ») et de l’encourager à s’alimenter de manière autonome dès le départ. Cette approche affirme que l'emploi d'une cuillère et les purées sont une adaptation à une diversification alimentaire à un âge inapproprié et non physiologique. Pour ses adeptes, l’âge plus tardif de diversification maintenant recommandé par l’OMS coïncide avec un stade de développement qui permet à l’enfant de saisir la nourriture et de la mâcher.
Ce concept est très attractif à de nombreux égards. Toutefois, il suppose que le développement de l’enfant coïncidera de manière fiable avec ses besoins nutritionnels en aliments solides complémentaires. Selon l’approche DME, le lait maternel peut continuer à être l'aliment principal de l'enfant tant que celui-ci n'a pas acquis les compétences nécessaires à l'ingestion de quantités satisfaisantes sur le plan nutritionnel, c’est-à-dire en moyenne autour de 8 mois (Rapley & Murkett 2008). Des publications suggèrent cependant que la majorité des nourrissons ont besoin d’aliments solides vers 6 mois, lorsque la vulnérabilité nutritionnelle croissante n’est plus compensée par la valeur immunitaire protectrice de l’allaitement exclusif (Committee on Medical Aspects of Food 1994; Mehta et al. 1998; WHO 2002).
Une autre critique possible de l'approche DME consiste à dire que retarder la diversification alimentaire pourrait amener à rater une fenêtre développementale, et conduire ultérieurement à des problèmes alimentaires (Illingworth & Lister 1964). Toutefois, très peu d’études permettent de soutenir cet argument. Une seule large étude a trouvé que les bébés confrontés tardivement aux aliments solides grumeleux (à 10 mois ou plus tard) étaient plus difficiles à nourrir que ceux qui avaient découvert cette texture plus tôt (Northstone et al. 2001). Mais les auteurs de l'étude ont pointé le fait qu’il existe très peu d'autres indices permettant d’établir que la période avant 6 mois serait une fen^tre critique pour l’introduction des solides (Northstone et al. 2001). Nous avons déjà décrit le modèle de diversification alimentaire dans le groupe étudié par la Gateshead Millennium Study et n’avons trouvé que peu d’éléments démontrant une incidence de l’âge de la diversification sur la facilité avec laquelle les bébés acceptent les aliments solides, bien que cette recherche n’ait porté que sur une tranche d’âge très étroite (4 à 6 mois).
Très peu d’articles publiés traitent de l’âge auquel les bébés commencent à attraper la nourriture, ou l’âge auquel ils se mettent à s’alimenter avec les doigts (Northstone et al. 2001; Carruth & Skinner 2002; Carruth et al. 2004; Hetzner et al. 2009). Au sein de la cohorte décrite ci-dessous, nous disposons de ces données. Dès lors, l’objectif du présent article est de décrire la tranche d’âge à laquelle les bébés tentent de saisir pour la première fois des aliments, et de lier cette action à d’autres aspects du développement, à la mise à disposition par les parents d’aliments en morceaux et à la situation socio-économique.
Méthode
La Gateshead Millennium Study repose sur une cohorte de bébés recrutés peu de temps après leur naissance en 1999 et 2000 (Parkinson et al. 2010), moment où des données sociodémographiques de référence ont également été collectées. Durant la première année, les familles ont répondu à intervalles définis à des questionnaires envoyés par la poste couvrant une variété de sujets principalement liés à l’alimentation. L'étude a été approuvée sur le plan éthique par le Gateshead and South Tyneside Local Research Ethics Committee.
À 6 semaines, 4 mois et 8 mois, il a été demandé aux familles si elles avaient commencé la diversification alimentaire (Wright et al. 2004). À 8 mois, entre autres questions liées à l’alimentation, les questions suivantes ont été posées aux parents : « Quand votre bébé a-t-il commencé à saisir des aliments ? », « Quand est-ce que votre bébé a reçu pour la première fois des aliments en morceaux ? » et « À quelle fréquence votre bébé mange-t-il des aliments en morceaux ? » Le terme d’aliment en morceaux a été défini pour les parents comme « un aliment que votre enfant peut saisir et manger seul ». Les parents ont également dû préciser si leur enfant s’alimentait exclusivement ou partiellement seul, ou s’il était entièrement nourri par les parents lors des repas. Le questionnaire envoyé aux 12 mois de l’enfant comprenait des questions sur le développement.
Les nourrissons nés avant 37 semaines de grossesse révolues ont été exclus de l’étude, de même que 33 bébés issus de familles juives haredi, ces derniers ayant présenté des modèles de croissance très différents, apparemment associés à des pratiques d'alimentation complémentaire limitée et reportée ((Wright et al. 2010).
Les familles participant à l’étude ont reçu un dossier à remplir comprenant un journal de bord pour les aliments en morceaux. Il a été demandé aux parents de le remplir lors des cinq premières occasions où des aliments solides à consommer de façon autonome ont été proposés à l’enfant. À chaque occasion, les parents notaient la date, la quantité ingérée (rien, presque rien, une bouchée, plus d'une bouchée) et une description du type de nourriture, ainsi que la réponse de l’enfant sous forme de texte libre. Le journal était ensuite renvoyé avec le questionnaire postal suivant ou récupéré par l’équipe de l’enquête lorsque l’enfant se présentait en consultation à l’âge de 13 mois.
Les types d’aliments étaient catégorisés et l’âge des premiers aliments en morceaux calculé.
Le code postal de la famille a été utilisé pour associer à sa zone résidentielle un quintile de défavorisation basé sur l’indice Townsend et comparé au niveau de précarité de la région nord (Wright et al. 2006). Les familles dépourvues d’au moins une des trois commodités (logement privé, apport d'un salaire dans le ménage, possession d'une voiture) étaient considérées comme défavorisées. L’analyse a été menée à l’aide du logiciel SPSS v15 (IBM, Chicago, Illinois, États-Unis). Une association entre les variables a fait l’objet d'un test du chi-carré et d'une exploration à l’aide des corrélations non paramétriques de Spearman.
Résultats
Caractéristiques démographiques et développementales
Après les exclusions décrites ci-dessus, des données alimentaires existaient pour 609 nourrissons âgés de 8 mois ; 336 (57 %) d’entre eux avaient été allaités, mais seuls 124 (21 %) pendant plus de 4 mois. Les caractéristiques démographiques détaillées de la cohorte ont été décrites ailleurs (Wright et al. 2006; Parkinson et al. 2010). Parmi les familles ayant renvoyé le questionnaire aux 8 mois, tous les quintiles de la mesure de précarité par zone étaient raisonnablement représentés, mais les familles les plus défavorisées étaient légèrement sous-représentées et les plus favorisées légèrement surreprésentées par rapport à la région nord (les plus favorisées, 21,4 %, les moins favorisées, 14,4 %).
Seuls 131 (23 %) avaient reçu une éducation dans l’enseignement supérieur, et 229 (37 %) étaient classés comme défavorisés. À 12 mois, 510 parents qui avaient fourni des données alimentaires antérieurement ont indiqué si leur enfant marchait, et 506 s’il disait des mots ayant une signification (Tableau 1).
À quel âge les enfants tentaient-ils d’attraper des aliments ?
Dans le questionnaire envoyé aux 8 mois des enfants, 602 parents ont indiqué le moment auquel leur bébé avait commencé à attraper de la nourriture. Sur 602, 340 (56 %) enfants avaient montré ce comportement avant l’âge de 6 mois, et 36 (6 %) ne tentaient toujours pas d’attraper des aliments à 8 mois. L’âge auquel les enfants saisissaient pour la première fois des aliments n’était pas lié au fait d'avoir été allaté ni à la durée de l'allaitement. Il était faiblement mais significativement corrélé à l’âge auquel ils avaient consommé leurs premiers aliments solides (corrélation de Spearman r = 0.14, P < 0,001).L’âge auquel un enfant avait cherché à saisir des aliments était lié au stade de développement à 12 mois, les enfants marchant déjà et prononçant déjà des mots avec du sens étant plus susceptibles d’avoir attrapé des aliments à un âge plus précoce.
Quel était l’âge des enfants lors de leurs premiers aliments en morceaux ?
Dans le questionnaire à 8 mois, 599 parents ont indiqué le moment où ils ont proposé pour la première fois des aliments en morceaux. Pour 242 (40 %) d’entre eux, cela s’est passé avant l’âge de 6 mois. Ces données correspondent à celles des journaux complétés par 447 mères, 170 (40 %) d’entre elles indiquant la mise à disposition quotidienne d’aliments en morceaux avant l’âge de 6 mois, et à l’âge de 8 mois pour 383 (90 %) d’entre elles. À l’âge d'un an, cette pratique était répandue chez toutes les mères, sauf une. Dans les journaux, l’âge moyen (écart-type) des premiers aliments en morceaux était de 6,35 (1,4) mois, et l’âge de la cinquième présentation était de 6,85 (1,5) mois. Les aliments les plus communément proposés étaient du pain, des biscottes ou des biscuits sous une forme ou une autre, mais à la cinquième occasion, 20 % étaient des fruits ou des légumes, seulement 2 % étaient de la viande et 5 % des confiseries.
À 8 mois, 604 parents ont indiqué la prise, à cette période, d'aliments en morceaux, tous les enfants sauf 58 (9,6 %) en consommant au moins une fois par jour. Toutefois, seulement 309 (51 %) en consommaient plus d'une fois par jour et 215 (35 %) bébés étaient toujours décrits comme devant être totalement alimentés par un adulte lors des repas. La fréquence de proposition d’aliments en morceaux était inversement corrélée à l’âge auquel l’enfant tentait de saisir pour la première fois des aliments (corrélation de Spearman r = -0,24 ; P < 0,001). Toutefois, parmi les 340 enfants ayant tenté de saisir de la nourriture avant 6 mois, 18 (5 %) d’entre eux ne se voyaient pas proposer des aliments en morceaux au quotidien, 124 (36 %) s’en voyaient proposer une fois par jour et 92 (27 %) étaient considérés comme incapables de s’alimenter seuls lors des repas.
Discussion
Ces résultats indiquent qu’environ la moitié des nourrissons de la cohorte tentaient de saisir de la nourriture avec leurs doigts et de la manger à 6 mois, et qu'ils étaient une majorité à le faire à 8 mois. Cette étape a été acquise à un large éventail d’âges, constat également retrouvé dans d’autres études (Carruth et al. 2004). En moyenne, les nourrissons les moins avancés au niveau du développement montraient ce comportement plus tard.
Nos résultats semblent aller dans le même sens qu'une enquête faite au Royaume-Uni qui avait observé qu’avant l’âge de 6 mois, 43 % des enfants mangeaient des toasts et 27 % des biscuits (Northstone et al. 2001). Toutefois, ces résultats semblent étonnamment différents de ceux d’enquêtes américaines. Une vaste enquête téléphonique menée aux États-Unis (Carruth et al. 2004) a constaté que même si 68 % des nourrissons âgés de 4 à 6 mois avaient déjà attrapé de la nourriture, seuls 53 % des enfants de 7 à 8 mois étaient capables de manger des aliments nécessitant d'être mâchés. Une autre étude prospective, plus petite et menée par le même auteur (Carruth & Skinner 2002), a tropuvé que l’âge moyen pour « manger des aliments en morceaux sans réflexe nauséeux » était 8,44 mois (fourchette de 6 à 12 mois), même si l’âge moyen de consommation d'aliments tels que « biscuits ou cookies adaptés » était de 7,7 mois (4 à 14 mois). Ces deux études ont également rassemblé des informations sur les étapes du développement, mais ne semblent pas les avoir liées aux capacités à s’autoalimenter chez les individus. Une autre étude de grande ampleur menée aux États-Unis a découvert qu’à peine 15 % des mères avaient introduit des aliments en morceaux avant 6 mois (Hetzner et al. 2009), tandis qu'une étude rétrospective comparant des nourrissons ayant des problèmes chirurgicaux majeurs avec un groupe témoin a permis de découvrir que, en moyenne, les bébés de la population de référence ne commençaient à se nourrir seuls d’aliments en morceaux qu’à 10 mois (Khan et al. 2009). Ces importantes différences suggèrent une influence culturelle et développementale sur l’âge des premiers aliments en morceaux.
L'âge d’acquisition de ces aptitudes dépend fortement des opportunités d'apprendre, mais aussi du niveau de développement. Il est déjà reconnu que l’âge auquel on est "prêt" au sevrage est en grande partie déterminé par la culture. Il semble que cela soit aussi le cas pour les aliments solides.
Une limite qui apparaît lorsqu'on compare notre étude à d’autres est que chaque étude a sa propre définition de l'autoalimentation et des aliments en morceaux. Dès lors, nous ne pouvons pas être sûrs que les réponses des mères sont directement comparables. Une force de l'étude tient au fait que les questionnaires ayant permis de recueillir les données, qui s’appuient sur des rappels, sont étayés par les journaux récoltés simultanément. Même si ces journaux n’étaient disponibles que pour une proportion réduite de nourrissons, ils s’avèrent cohérents avec les données des questionnaires. Ces données ont été collectées il y a dix ans, elles pourraient donc ne pas être généralisables aux nourrissons d’aujourd'hui puisque, entre-temps, l’âge de la diversification a reculé et, semble-t-il, la durée de l’allaitement également. Toutefois, cela signifie aussi que ces enfants ont été étudiés avant que la DME ne commence à se développer. Dès lors, nous sommes certains que le comportement d’aucune mère n’a été influencé par cette philosophie.
Jusqu’à présent, très peu de recherches ont porté sur la DME. Une étude a tenté d’en explorer les corrélats à l’aide d'une enquête en ligne sur la pratique de la diversification auprès de mères de nourrissons âgés de 6 à 12 mois, dont une majorité avait entendu parler de la DME (Brown & Lee 2010). Sans surprise, il est apparu que les mères adoptant un mode d’alimentation semblable à la DME allaitaient plus longtemps, étaient plus favorisées et plus instruites. L’étude ne portait pas spécifiquement sur les aliments en morceaux, mais les mères ont indiqué que les premiers aliments complémentaires (donnés à l’âge moyen de 5,1 mois) étaient donnés sous forme solide, par opposition aux purées, dans 52 % des cas, ce qui contraste avec notre cohorte dans laquelle 92 % des mères donnaient des purées achetées dans le commerce (Wright et al. 2004). Aucune étude n’a encore examiné la sécurité ou la suffisance de l’apport en nutriments de la DME mais, à l’heure actuelle, aucune répercussion néfaste ne semble avoir été rapportée, le nombre de membres (2 811) d’un forum DME suggérant par ailleurs qu'elle est déjà largement pratiquée (Baby Led Weaning Forum 2010).
Vu la proportion élevée de nourrissons qui ne s’auto-alimentent pas à 6 mois, il semblerait irréaliste de suggérer que la plupart des enfants pourraient s’appuyer exclusivement sur l’alimentation autonome dès le début de la diversification. Toutefois, comme avancé ci-dessus, l’âge auquel l’enfant attrape des aliments en morceaux dépend au moins partiellement des attentes maternelles et du moment où ils sont effectivement proposés. Dans la cohorte qui nous concerne, il existe un écart considérable entre la capacité apparente à s’alimenter seul et avoir l’opportunité de le faire. Même parmi les enfants qui tendaient la main relativement tôt et saisissaient spontanément des aliments depuis 2 mois, moins des deux tiers se voyaient proposer des aliments en morceaux plus qu’une fois par jour, et un quart a été décrit par leurs parents comme n’étant pas capables de s’alimenter seul lors des repas. Si cela peut refléter un réel manque de capacité, cela révèle également des attentes parentales faibles en matière d’alimentation autonome.
Nos données suggèrent que cette méthode pourrait présenter un risque pour les enfants dont la vitesse de développement est plus lente. Les règles de la DME recommandent d’ailleurs de ne pas l’adopter pour des nourrissons nés avant terme ou pour les enfants chez qui un retard du développement a été décelé. Toutefois, un retard de développement léger n’est en général pas identifié avant la deuxième année de vie, et même les enfants situés dans la moyenne inférieure pourraient être vulnérables si cette méthode était appliquée de manière trop systématique. Il faudrait probablement dire aux parents que la DME n’est réaliste qu’à partir du moment où leur enfant tend la main et met en bouche des objets à 6 mois.
La DME a également le mérite d’introduire un modèle d’alimentation sociale et des repas variés très tôt, contrairement aux purées souvent données séparément et contenant des aliments différents de ceux consommés par le reste de la famille. Nourrir des enfants avec des purées n’est en effet pas sans poser des problèmes. Dans les pays développés, les premiers aliments solides, en général sous forme de purée ou de pâte, sont versés dans la bouche de l’enfant ou donnés à la main. Il est de plus en plus reconnu que cette habitude est coercitive pour l’enfant et susceptible de mener à un refus de s’alimenter, et de retarder l’acquisition de compétences alimentaires et sociales (Aboud et al. 2008; Aboud et al. 2009). Par ailleurs, il convient de garder également à l’esprit que les purées ont une teneur nutritive très faible, et les petites quantités consommées durant les premières semaines de la diversification ne contribueront que relativement peu à répondre aux besoins d’un nourrisson. Par contre, les aliments en morceaux sont riches en nutriments. Dès lors, un enfant qui semble ne manger que très peu lorsqu’il s’alimente seul pourrait en fait n’avoir besoin de rien de plus. Une étude par observation au sein de cette cohorte a permis de voir que les enfants de 15 mois prenant eux-mêmes leur repas sous forme d’aliments en morceaux avaient besoin de 50 % de temps supplémentaire pour manger à peine plus de la moitié du poids des aliments avalés au cours d’un repas donné à la cuillère, mais que l’apport moyen en énergie des deux repas était le même (Parkinson et al. 2004).
L’approche la plus pragmatique serait probablement d’adopter les avantages de la DME sans tomber dans l’extrême, à savoir favoriser les aliments en morceaux dont l’enfant peut se nourrir en toute autonomie et la participation aux repas familiaux à un âge précoce, tout en reconnaissant le besoin de compléter cette alimentation par des aliments donnés à la cuillère, au moins les premières semaines.
Conclusions
La plupart des nourrissons de la cohorte ont commencé à saisir et à manger des aliments en morceaux entre 4 et 7 mois. Toutefois, s’alimenter de manière autonome ne faisait toujours pas partie de la routine de repas quotidienne de nombreux enfants de 8 mois. La DME est réalisable pour une majorité de nourrissons, mais pourrait entraîner des problèmes nutritionnels chez les enfants présentant un retard de développement relatif. Une approche partielle, plus pragmatique de la DME est probablement la meilleure option.
Remerciements
Cette étude n’aurait pas été possible sans l'inestimable soutien des sages-femmes des maternités de Gateshead et Newcastle, des auxiliaires de vie de Gateshead, ainsi que sans la participation fidèle de l’ensemble des parents.
Références
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