Des mères porteuses de ces implants mammaires en silicone nous ont contactées pour savoir dans quelle mesure leur « toxicité » rendait nécessaire l’arrêt de l’allaitement.
En effet, un communiqué de l’Afssaps de mars 2010 (mis à jour en septembre 2010 - http://www.afssaps.fr/var/afssaps_site/storage/original/application/78ba386800600a6b866bc5878ffb1b80.pdf) expose ainsi les problèmes que pose ce type d’implants :
« Pourquoi l’Afssaps a-t-elle pris la décision de retirer ces prothèses du marché ?
L’Afssaps a identifié un taux de rupture de l'enveloppe des implants deux fois plus important que pour les autres fabricants et a réalisé une inspection dans les locaux de la société PIP. Les éléments recueillis ont montré que des implants avaient été remplis d’un gel différent de celui déclaré par la société lors de la mise sur le marché et dans les dossiers de fabrication.
Quels sont les résultats des tests ? Quelles en sont les conséquences pour ma santé ?
Les analyses physicochimiques confirment que le gel remplissant les prothèses mammaires de la société PIP qui ont été testées, n’est pas celui décrit dans le dossier du fabricant. Il s’agit bien d’un gel obtenu à partir de matières de la famille des silicones, mais ce gel n’atteint pas le degré de qualité d’un gel de silicone destiné à des implants mammaires…
- un test montre que le gel des implants mammaires PIP ne présente pas d’effet toxique aigu sur les tissus (cytotoxicité).
- les résultats du test d’irritation intradermique effectué ont montré un pouvoir irritant du gel PIP que l’on ne retrouve pas sur les gels de silicone des autres prothèses, ni sur celui déclaré dans le dossier de mise sur le marché.
- trois tests d’évaluation portant sur de possibles effets du gel des prothèses PIP sur l’ADN des cellules (génotoxicité) ont été réalisés, 2 in vitro et 1 in vivo chez l’animal. Si les deux tests in vitro ont conclu à des résultats négatifs, les résultats obtenus in vivo (souris) ne permettent pas en l’état de conclure quant à l’absence ou à l’existence d’un effet génotoxique… Le test a mis en évidence une interaction sur les cellules de la moelle osseuse et l’apparition de micronoyaux à des niveaux non significatifs statistiquement, qui ne permettent pas de conclure quant à l’éventualité d’un effet génotoxique.
L’organisme est-il capable d’éliminer le silicone ?
À la suite d’une rupture ou d’un suintement, le silicone sera pris en charge via le système lymphatique. Il se concentre essentiellement dans les ganglions sous le bras, mais n’est pas éliminé par l’organisme. »
Et ce communiqué stipule que :
« Une femme porteuse de ces implants peut-elle allaiter son enfant sans risques ?
Dans la mesure où il n’est pas possible d’exclure le passage du gel à l’extérieur de l’implant, l’Afssaps recommande aux femmes porteuses d’implants mammaires PIP à base de gel de silicone de ne pas allaiter leurs enfants.
Alors, les mères porteuses d'implants PIP doivent-elles réellement renoncer à l’allaitement ?
Dans les années 1990, une grande controverse sur les « risques » liés à l’allaitement par des femmes porteuses d’implants mammaires en silicone avait déjà fait rage. Leur innocuité pour l’enfant allaité était mise en question. On accusait ces implants d’induire, par exemple, des troubles de la motilité œsophagienne chez les enfants des mères porteuses d’implants en silicone.
L’équipe de Levine et al a publié plusieurs études sur le sujet :
Levine JJ et al. Sclerodermalike esophageal disease in children breast-fed by mothers with silicone breast implants. JAMA 1994 Jan 19 ; 271(3) : 213-6. Erratum in: JAMA 1994 Sep 14 ; 272(10) : 770.
Levine JJ et al. Esophageal dysmotility in children breast-fed by mothers with silicone breast implants. Long-term follow-up and response to treatment. Dig Dis Sci 1996 Aug ; 41(8) : 1600-3.
Levine JJ et al. Increased urinary NO3(-) + NO2- and neopterin excretion in children breast fed by mothers with silicone breast implants : evidence for macrophage activation. J Rheumatol 1996 Jun ; 23(6) : 1083-7.
Par la suite, de nombreuses études ont été publiées sur leur impact éventuel sur l’enfant allaité, le taux lacté de silicone, et son dépôt dans les tissus, qui sont venues démentir les résultats de cette équipe.
Des techniques modernes telles que la spectrométrie électrothermique d’absorption atomique, l’analyse spectrométrique du plasma… ont permis de mesurer de façon précise le taux de silicone dans les fluides biologiques et les tissus. Grâce à ces techniques, des études plus récentes ont retrouvé des taux significatifs de silicone dans le sang de femmes ne portant pas d’implants. Une étude a retrouvé chez de telles femmes des taux plasmatiques de silicone de 140 ± 10 µg/l. Dans 4 autres études sur des femmes ne portant pas d’implants mammaires, les taux plasmatiques de silicone étaient de 130 ± 70 µg/l, 170 ± 100 µg/l, de 30 à 209 µg/l et de 10 à 250 µg/l. Trois études ont retrouvé des taux plasmatiques moyens de silicone plus élevés chez les femmes portant des implants mammaires en silicone, mais les taux retrouvés chez ces femmes se situaient dans la même fourchette que les taux retrouvés chez les femmes des groupes témoin.
Une étude n’a pas retrouvé de différence significative dans le taux lacté de silicone suivant que la femme portait ou non une prothèse mammaire. Trois études ont retrouvé un taux significativement plus élevé de silicone dans le tissu mammaire des femmes portant des prothèses à base de gel de silicone que chez les femmes du groupe témoin, mais ce taux tissulaire n’était pas corrélé avec l’existence ou non d’une rupture de la poche contenant le gel, ou avec la durée pendant laquelle l’implant avait été posé
D’après les connaissances actuelles et étant donné les très importantes variations personnelles constatées entre les femmes, la mesure du taux de silicone dans le sang, le lait maternel ou le tissu mammaire ne présente aucun intérêt pour la détection d’une rupture de l’implant.
Silicon assays in women with and without silicone gel breast implants – A review. W Peters, D Smith, S Lugowski. Ann Plast Surg 1999 ; 43(3) : 324-30.
Cette étude a été effectuée sur 15 mères portant des implants en silicone et 34 mères sans implants mammaires. Le recueil des échantillons de lait a été effectué selon des modalités très précises afin d’éviter toute contamination, ainsi que leur analyse (par spectrophotométrie d’absorption atomique). Les taux de silicone ont été mesurés selon le même protocole dans ces échantillons de lait maternel, dans le sang maternel, dans du lait de vache du commerce courant et dans 26 marques différentes de lait industriel.
Il n’y avait aucune différence significative dans les taux de silicone retrouvés dans le lait des mères, qu’elles soient ou non porteuses d’implants mammaires en silicone (55,45 ± 35 µg/l contre 51,05 ± 31 µg/l), ni dans les taux sériques de silicone. En revanche, le taux moyen de silicone du lait de vache du commerce courant était de 708,94 µg/l, et le taux moyen de silicone dans les laits industriels était de 4402 µg/l.
Les auteurs concluaient que les mères porteuses d’implants mammaires en silicone ont des taux sériques et lactés de silicone similaires à ceux observés chez les mères non porteuses d’implants. Ils soulignent qu’en revanche, le taux de silicone du lait de vache du commerce courant est en moyenne 10 fois plus élevé que celui du lait maternel, celui des laits industriels étant quant à lui près de 100 fois plus élevé.
Breast milk contamination and silicone implants: preliminary results using silicon as a proxy measurement for silicone. Semple JL; Lugowski SJ; Baines CJ; Smith DC ; McHugh A. Plast Reconstr Surg 1998 Aug ; 102(2) : 528-33.
Cette étude épidémiologique danoise, qui a comparé la santé des enfants de 1 135 femmes porteuses d’implants mammaires et de 7 071 femmes qui n’en portaient pas, n’a retrouvé strictement aucune corrélation entre les implants mammaires en silicone et une quelconque pathologie chez les enfants nés après la pose de ces implants chez leur mère. En revanche, les résultats de cette étude montrent que les mères qui ont eu une chirurgie mammaire à visée esthétique amènent plus souvent leur enfant à l’hôpital pour des troubles œsophagiens, problème habituellement suivi par une simple consultation médicale.
Health outcomes in offsprings of mothers with breast implants. K Kjøller, JK McLaughlin, S Friis et al. Pediatrics 1998 ; 102(5) : 1112-1115.
Les implants mammaires ne sont pas sans danger. Certes, les implants PIP ont une durée de vie plus courte, le silicone qu’ils contiennent est plus irritant, et le risque de problèmes pour la femme porteuse de ces implants est donc plus élevé. Mais la rupture est un risque commun à tous les implants mammaires (leur durée de vie moyenne est de 10 à 15 ans, et un suivi régulier est recommandé), et la diffusion du gel de silicone dans les tissus voisins peut provoquer des douleurs, une fibromyalgie, des pathologies conjonctivales… (Are breast implants safe ? D Zuckerman. Med Gen Med, 24/10/2001). Toutes les femmes qui souhaitent se faire poser des implants mammaires devraient être informées objectivement sur les risques liés à cette chirurgie.
Toutefois, la silicone est utilisée pour divers implants dans le corps. Pourquoi se focaliser sur les implants mammaires ? Le taux de dérivés de la silicone est beaucoup plus élevé dans le lait de vache et dans les laits industriels que dans le lait maternel. Pendant des décennies, les coliques des nourrissons ont été traitées à l’aide de produits contenant de la siméthicone, une molécule proche de celle utilisée dans les implants mammaires, et ces bébés en ont absorbé des quantités considérablement plus élevées que celles qu’ils peuvent ingérer par le biais du lait maternel. Les tétines et sucettes sont le plus souvent en silicone. Le silicone est utilisé comme lubrifiant pour les seringues, il est présent dans de nombreux produits de beauté (sticks pour les lèvres par exemple). Par ailleurs, les polymères de silicone présents dans ces implants sont de très grosses molécules, ce qui rend hautement improbable leur passage dans le lait. Et il n’y a aucune commune mesure avec l’impact irritant que peut avoir ce gel s’il se répand dans les tissus suite à la rupture de l’implant, et celui qu’il peut avoir si une infime quantité est absorbée par la bouche.
Si les implants PIP semblent induire davantage de problèmes chez les femmes porteuses que des implants de meilleure qualité, il n’existe aucune raison de supposer que le silicone de ces implants puisse passer davantage dans le lait que celui des implants de meilleure qualité, ni qu’il soit plus susceptible de poser un problème pour l’enfant allaité.Françoise RailhetÉditrice des Dossiers de l'allaitement
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