Facteurs bioactifs du lait humain
Bioactive factors in human milk. M Hamosh. Pediatr Clin North Am 2001 ;
48(1) : 69-86.
Le lait humain n'est pas seulement une remarquable source de nutriments. Il contient aussi de très nombreux facteurs destinés à protéger l'enfant. Même les principaux composants nutritionnels ont souvent aussi des fonctions biologiques non nutritionnelles. L'auteur fait le point sur le sujet.
On a constaté depuis longtemps que les enfants qui n'étaient pas allaités étaient plus souvent et plus sévèrement malades, y compris dans les pays industrialisés, comme l'ont démontré un certain nombre d'études récentes. La raison de cet état de fait est l'immaturité du système immunitaire du nourrisson. Le lait maternel fait bénéficier l'enfant d'une protection tous azimuts, dont l'enfant nourri au lait industriel est privé. Outre tous les facteurs protecteurs qu'il apporte, le lait humain favorise la mise en place chez l'enfant d'un système immunitaire performant. Les facteurs protecteurs du lait humain ont en commun un certain nombre de caractéristiques. Ils agissent essentiellement au niveau des muqueuses ; ils résistent bien à la digestion ; ils agissent souvent en synergie ; ils évitent les réactions inflammatoires ; leur taux lacté est dans l'ensemble inversement corrélé aux capacités du système immunitaire de l'enfant.
Toutes les classes d'immunoglobulines sont présentes dans le lait. Toutefois, les IgA sont de loin les plus abondantes : l'enfant en absorbe 4 g pendant son premier jour de vie, et il en reçoit 1 g/jour à partir de J4. Ces IgA sont fabriquées par des cellules qui ont migré depuis les plaques de Peyer et le tissu lymphoïde bronchique de la mère jusque dans le tissu interstitiel mammaire, et sont ensuite excrétées dans le lait par transcytose. Elles protègent l'enfant vis-à-vis de tous les germes présents dans son environnement habituel.
On a longtemps pensé que l'impact protecteur de la lactoferrine était corrélé à sa capacité de fixer le fer, et de le rendre indisponible pour tous les germes pathogènes ayant besoin de fer pour proliférer. On sait maintenant que ses mécanismes d'action sont beaucoup plus complexes. Elle est bactéricide et antivirale (activité due à une région particulière de la molécule), anti-inflammatoire par son impact inhibiteur sur la sécrétion d' interleukines et de prostaglandines, elle active les cellules T killer, module l'activité du complément. Le lysozyme est une glycoprotéine dont le rôle essentiel est la lyse bactérienne. Son taux lacté augmente avec le temps. La caséine est une protéine essentiellement nutritionnelle, mais elle a aussi un impact important sur la flore digestive, en favorisant fortement la croissance du Bifidobacterium bifidum, et en limitant la prolifération des germes pathogènes. Sa digestion induit la libération de casomorphines ; ces petits peptides ont des effets comportementaux et immunomodulateurs. Le lait humain contient aussi et entre autres de la fibronectine, de la protectine, les protéines du complément.
Les oligosaccharides et les glycoconjugués du lait maternel inhibent l' adhésion sur leurs cellules cibles des bactéries, des virus, et des toxines. Les composants les mieux connus de ce groupe sont la mucine et la lactadhérine. On sait moins de choses sur les gangliosides ou les glycosamineglycanes. Les vésicules lipidiques du lait agissent selon 2 mécanismes : leur membrane de glycoconjugués fixe les bactéries et les virus, tandis que les triglycérides, les acides gras libres et les monoglycérides ont un rôle lytique sur l'enveloppe des bactéries, des virus et des protozoaires ; leur impact est favorisé par les lipases du lait.
Les cytokines sont des immunomodulateurs. La production de cytokines est faible chez les nourrissons. On a déjà constaté la présence de nombreuses cytokines dans le lait humain, et on continue encore à en découvrir de nouvelles. Certaines d'entre elles favorisent ou suppriment les réactions inflammatoires, et leur rôle exact chez le nourrisson reste inconnu. Le lait contient aussi des récepteurs solubles pour les cytokines. Parmi les molécules ayant des propriétés anti-inflammatoires, on peut citer aussi les vitamines A, C et E (qui agissent essentiellement comme des antioxydants), des enzymes telles que la catalase ou la glutathione peroxydase, des prostaglandines, des enzymes inhibitrices, des facteurs de croissance (comme le TGF-alpha). Les cellules présentes dans le lait peuvent adhérer à l'épithélium intestinal et passer dans la circulation sanguine de l'enfant. Les nucléotides du lait humain semblent agir essentiellement au niveau de la muqueuse intestinale.
Les enzymes du lait humain peuvent se diviser en plusieurs classes : celles qui sont nécessaires à la fabrication des divers composants du lait et à leur excrétion ; celle qui ont une action connue chez l'enfant, en compensant par exemple l'immaturité de son système enzymatique digestif (faible taux de lipase, absence d'amylase.) ; et celles dont le rôle chez la mère ou l'enfant reste inconnu à ce jour. On a caractérisé de nombreuses hormones, dont la structure dans le lait est différente de leur structure plasmatique chez la mère, parce qu'elles sont glycosylées ou phosphorylées par la glande mammaire avant d'être excrétées dans le lait. Ces différences de structures peuvent être à l'origine d'un impact différent. Ces hormones peuvent être soit synthétisées par la glande mammaire, soit provenir de la circulation sanguine maternelle, soit une combinaison des deux. Si certaines hormones peuvent avoir une fonction au niveau de la glande mammaire, comme les corticostéroïdes, l'insuline ou la prolactine, d'autres n'en ont aucune et leur présence dans le lait semble avoir pour unique raison un rôle chez l'enfant. Dans la mesure où les hormones et les facteurs de croissance peuvent avoir des impacts très variés au niveau de la croissance, de la différenciation et de la maturation fonctionnelle de nombreux tissus, il est difficile d'apprécier exactement leur impact chez l'enfant. Cet effet peut être immédiat (pendant l'allaitement) ou différé (impact à long terme).
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