D'après : Breastfeeding and maternal cardiovascular risk factors and outcomes : a systematic review. Nguyen B et al. PloS One 2017 ; 12(11) : e0187923.
Les pathologies cardiovasculaires sont une cause majeure de mortalité dans le monde, et les modifications du mode de vie sont une des clés de la prévention. De très nombreuses études ont été menées sur les facteurs de risque tels que l’obésité, la sédentarité et une alimentation de mauvaise qualité, mais il existe d’autres facteurs de risque qui méritent d’être pris en compte. L’allaitement semble être l’un de ces facteurs. Il a un impact bénéfique à court terme sur l’homéostasie des lipides et du glucose et sur la sensibilité à l’insuline, et des études ont fait état d’un risque plus élevé de diabète, d’hypertension, d’obésité et de syndrome métabolique chez les femmes qui n’avaient pas allaité. L’objectif de cette méta-analyse était de faire le point sur les données existantes.
Les auteurs ont utilisé les recommandations PRISMA. Ils ont recherché toutes les études publiées jusqu’en mars 2016 menées sur des femmes. Ils ont retenu les études transversales, rétrospectives, prospectives et randomisées en grappe qui évaluaient l’impact de l’allaitement sur un quelconque paramètre lié au risque cardiovasculaire (modifications du poids, hypertension, diabète, hyperlipidémie, données biologiques…), quel que soit le statut des femmes pour la ménopause. Ils ont exclu les études incluant < 100 femmes. Deux des auteurs ont évalué séparément les études éligibles, puis ont analysé les études retenues. Un auteur a évalué la qualité méthodologique de ces études, avec attribution d’un score. Les études ont été dites de qualité médiocre si elles respectaient < 1/3 des critères de fiabilité, de qualité moyenne si elles en respectaient > 1/3 à < 2/3, et de qualité élevée si elles en respectaient > 2/3. Enfin, toutes les données fournies par ces études ont été extraites et classées.
Parmi les 37 études retenues en première lecture, 21 correspondaient aux critères d’inclusion. Elles évaluaient l’impact de l’allaitement sur le risque métabolique (10 études), l’hypertension (7 études), les marqueurs inflammatoires (2 études), les pathologies cardiovasculaires subcliniques (2 études), la prévalence des pathologies cardiovasculaires (3 études) et la mortalité cardiovasculaire (2 études). 16 études étaient de qualité élevée et 5 de qualité moyenne. 20 études avaient été publiées ces 10 dernières années. 9 étaient transversales, 10 étaient longitudinales prospectives, 1 était à la fois transversale et prospective, la dernière étant randomisée en grappe. 11 avaient été menées aux États-Unis, 4 en Europe, 5 en Asie et la dernière en Australie. Le nombre de femmes incluses allait de 297 à 276 400, et leur âge allait de 18 à 89 ans. Dans les études prospectives, les femmes avaient été suivies pendant 3 à 20 ans.
Concernant l’impact de l’allaitement sur l’évolution du poids et de l’indice de masse corporelle (IMC) en post-partum, la plupart des études ne constataient pas de corrélation claire après correction pour les variables confondantes. Une méta-analyse publiée en 2014 faisait état d’un taux de diabète de type 2 plus bas de 32 % chez les femmes qui avaient allaité le plus longtemps par rapport à celles qui avaient allaité le moins longtemps. Une autre analyse compilant les données de 3 études transversales sur l’impact de l’allaitement sur le risque de syndrome métabolique donnait des résultats difficilement interprétables, 2 études rapportant un impact bénéfique de l’allaitement, tandis que la 3e ne retrouvait aucun impact. Par ailleurs, 2 études prospectives (une menée aux États-Unis et l’autre en Iran) faisaient état d’un risque significativement plus bas de syndrome métabolique chez des femmes qui avaient allaité plus longtemps. 5 études évaluaient l’impact de l’allaitement sur divers facteurs de risque métabolique. Les 3 études rétrospectives concluaient à un impact bénéfique de l’allaitement sur le risque d’obésité ou le profil métabolique. Les 2 autres études étaient prospectives ; l’une d’entre elle rapportait un moins bon profil métabolique chez les femmes qui n’avaient pas allaité, alors que l’autre ne retrouvait aucun impact pour l’allaitement. 7 études évaluaient l’impact de l’allaitement sur le risque d’hypertension. Celui-ci était plus bas dans les 4 études transversales ainsi que dans 2 des études prospectives. Dans la dernière étude (randomisée en grappe, étude PROBIT), aucun impact significatif n’était constaté.
Parmi les 2 études évaluant l’impact de l’allaitement sur les marqueurs inflammatoires et les adipokines, une étude ne constatait aucun impact sur le taux de protéine C-réactive et d’IL-6, et l’autre étude rapportait un taux sérique plus élevé de ghréline et de peptide YY, tous les deux corrélés à un risque plus bas de syndrome métabolique. 2 études transversales ont évalué l’impact de l’allaitement sur le diamètre artériel, et elles concluaient toutes les deux à un impact bénéfique de l’allaitement. Concernant les études sur les pathologies
cardiovasculaires, toutes les trois (dont 2 études prospectives) constataient l’impact bénéfique d’une plus longue durée totale d’allaitement, la magnitude de cet impact dépendant toutefois de l’âge des femmes ; une étude faisait état d’une courbe en U, le risque de
pathologie cardiovasculaire étant le plus bas chez les femmes de < 65 ans qui avaient allaité pendant 7 à 12 mois. Pour l’ensemble des études, 19 études (10 études transversales et 9 études prospectives) concluaient à un impact bénéfique significatif de l’allaitement sur au moins certains des facteurs évalués, et 9 études (3 transversales, 1 prospective et 1 randomisée) rapportaient un impact nul ou peu significatif sur certains facteurs. Aucune étude ne faisait état d’un impact négatif de l’allaitement sur la santé cardiovasculaire
maternelle. Un impact bénéfique de l’allaitement était rapporté par 12 des 16 études de qualité élevée et par 4 des 5 études de qualité moyenne.
Les points forts de cette analyse sont sa méthodologie soigneuse et la prise en compte d’un nombre significatif d’études de bonne qualité. Ses points faibles sont le nombre insuffisant d’études prospectives pour chacun des facteurs analysés, et le fait que certaines études étaient de qualité moyenne. Toutefois, il semble bien que l’allaitement ait un impact bénéfique sur la santé cardiovasculaire maternelle, et certaines études (celles incluant des femmes ayant allaité pendant un total de ≥ 24 mois) permettent de penser que cet impact est dose-dépendant sur les facteurs de risque métabolique, l’hypertension, les pathologies cardiovasculaires et la mortalité pour ces pathologies ; toutefois, l’évaluation d’un tel impact nécessite d’autres études. Il semble également que l’impact de l’allaitement baisse progressivement ou devienne peu significatif avec l’âge (chez les femmes de > 50 ans à > 65 ans suivant les études), ou le délai écoulé depuis le dernier allaitement (> 30 ans). Il reste nécessaire de mener des études prospectives de bonne qualité sur le sujet.
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