Publié dans le n° 203 des Dossiers de l'alalitement, avril 2024.
D'après : Circadian variation in human milk hormones and macronutrients. Suwadi MA et al. Nutrients 2023 ; 15 : 3729.
Le lait humain est un fluide complexe qui se comporte comme un système biologique influencé par des facteurs maternels, infantiles et environnementaux, afin de s’adapter au mieux aux besoins du bébé. On s’intéresse de plus en plus à l’un des nombreux facteurs influençant sa composition, à savoir le rythme circadien, dont l’impact peut d’une part jouer un rôle chez l’enfant allaité en lui transmettant des informations spécifiques, et d’autre part avoir des implications pour les études sur la composition du lait humain. Or, nombre d’études sur cette composition ne précisent pas l’heure à laquelle ont été obtenus les échantillons de lait maternel, ce qui peut expliquer au moins partiellement les différences dans les résultats constatés. Le but de cette étude australienne était de rechercher les variations circadiennes du taux de lipides, de glucose, de leptine, d’adiponectine et d’insuline dans le lait humain.
Elle a été menée auprès de 22 mères en bonne santé allaitant un singleton né à terme et âgé de 4-6 mois au moment de l’étude. Les mères ont fourni des données démographiques et socioéconomiques. On leur a demandé de fournir des échantillons de lait exprimés avant et après chaque tétée pendant 24 heures (au total 505 échantillons collectés), et de peser leur bébé avant et après chaque tétée (ou de peser les biberons avant et après expression du lait si elles tiraient leur lait). Les mères devaient noter la date et l’heure sur les tubes utilisés pour les échantillons de lait, les placer immédiatement dans leur congélateur jusqu’à leur transport sur glace jusqu’au laboratoire, où ils ont été stockés à –20 °C jusqu’à analyse. Les taux de leptine, d’adiponectine et d’insuline ont été recherchés par ELISA. Le taux de lipides a été recherché par crématocrite. Le taux de glucose a été recherché dans le lait écrémé à l’aide d’un kit spécialisé. Les données ont été analysées à l’aide d’un modèle linéaire pour chaque mère.
Tous les enfants étaient exclusivement allaités au moment de l’étude. Parmi les 22 femmes, 12 ont participé à l’étude alors que leur enfant avait 3 mois, 3 alors qu’il avait 4 mois, 6 alors qu’il avait 5 mois et 1 alors qu’il avait 6 mois. Les jours de collecte des échantillons, le bébé avait pris le sein 7 à 16 fois sur 24 heures. Les taux d’adiponectine et de glucose étaient significativement plus élevés dans les échantillons de lait de début de tétée, tandis que ceux d’insuline et de lipides étaient plus élevés dans le lait de fin de tétée. Le volume de la production lactée variait suivant un rythme circadien. Il baissait entre 10 et 16 heures pour remonter par la suite, avec un pic entre 3 et 6 heures. Le taux de leptine baissait entre 12 et 17 heures, puis augmentait entre 20 et 6 heures, avec un pic aux alentours de 5 heures. Les taux d’adiponectine, d’insuline et de glucose augmentaient entre 10 et 20 heures, puis baissaient entre 22 heures et 7 heures. Le taux de lipides augmentait entre 10 et 20 heures, puis baissait entre 20 et 8 heures. Les apports infantiles pour ces divers composants suivaient également des variations circadiennes. Les apports en leptine baissaient entre 8 et 16 heures, puis augmentaient entre 20 et 6 heures, avec un pic aux alentours de 5 heures. Les apports en insuline augmentaient à partir d’environ 13 heures, puis baissaient après minuit. Les apports en adiponectine baissaient à partir d’environ 5 heures et augmentaient après 15 heures.
Cette étude est la première à montrer que les apports du bébé allaité en leptine, insuline et glucose suivent un rythme circadien. Il était intéressant de constater que le rythme circadien des apports en adiponectine du bébé allaité était inversé par rapport au rythme circadien de son taux lacté en raison du décalage entre les variations du taux lacté d’adiponectine et les variations de volume de lait maternel. Et si on constatait de nettes variations circadiennes du taux lacté de lipides, il n’existait pas de rythme nettement défini pour les apports infantiles en lipides. Enfin, il existait des différences significatives entre le lait de début et de fin de tétée pour le taux d’adiponectine, d’insuline, de glucose et de lipides, et il est donc important de savoir exactement dans quelles conditions a été exprimé le lait humain utilisé pour des études. Les enfants nourris au lait industriel reçoivent un produit dont la composition est constante, et qui ne contient par ailleurs pas de leptine, d’insuline, de testostérone, de TSH… Il serait intéressant de rechercher l’impact chez les nourrissons des variations circadiennes de certains composants ou de leur absence. Un point faible de cette étude est que l’on n’a pas documenté les apports alimentaires maternels, mais leur impact sur la composition du lait maternel ne faisait pas partie des objectifs de cette étude. Les variations significatives des taux lactés de leptine, d’adiponectine, d’insuline, de lipides et de glucose entre le début et la fin de la tétée ainsi que suivant les heures de la journée montrent la complexité de la détermination de la composition du lait humain. Les constatations de cette étude devraient permettre de mieux déterminer la méthodologie des futures études sur le rôle de ces variations chez le bébé allaité et dans la chrononutrition.
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