Ce dossier a été publié dans Allaiter aujourd'hui n° 87, LLL France, 2011
Article écrit par Diane Wiessinger, animatrice LLL et consultante en lactation, Ithaca (État de New York, USA)
Nous avons choisi de publier cet article de Diane Wiessinger, paru en 2009 dans le n° 5-6 de New Beginnings (alors revue de La Leche League International, aujourd’hui magazine de LLL USA), car bien qu’écrit dans le contexte américain, qui, sur le sujet de l’allaitement en public, est légèrement différent du nôtre (il y a par exemple maintenant, dans un certain nombre d’États, des lois autorisant l’allaitement en public, ce qui semblerait plutôt incongru chez nous), il nous a semblé proposer une réflexion vraiment intéressante sur le sujet. (Les intertitres sont de la rédaction.)
Il y a trente ans, alors que mon premier bébé avait environ 6 semaines, je me trouvais dans la salle d’attente d’un médecin, attendant mon mari. Il n’y avait qu’une autre personne dans la pièce – un vieil homme assis face à moi, à quelques chaises de distance – et voilà que mon bébé commence à avoir faim ! Je n’avais encore jamais donné le sein en dehors de chez moi et ne connaissais pas d’autre endroit où m’asseoir dans l’immeuble, mais je savais que si j’attendais plus longtemps, le chouinement de Scott allait se changer en hurlements, rendant les choses bien pires. Je pris donc ma respiration, me tournai légèrement sur le côté, soulevai et déplaçai mon chemisier de façon à ce qu’il repose sur la tête de mon bébé. Étonnant : le visage de l’homme n’avait pas changé d’expression ! Il n’avait absolument aucune idée de ce que j’étais en train de faire ! Bien sûr que non : il avait au moins 80 ans, et j’imagine que les besoins alimentaires d’un bébé de 6 semaines et les façons d’y répondre ne faisaient pas partie de ses préoccupations.
En fait, il s’avéra que c’était le cas de la plupart des gens. Une fois, après avoir choisi un endroit « à l’écart » pour nourrir mon bébé dans l’aéroport O’Hare International de Chicago, je me retrouvai face à une queue de gens qui embarquaient. Au moins une centaine de passagers passèrent trèèèèèès lentement devant moi, et pas un ne sembla remarquer quoi que ce soit.
Ne pas se faire remarquer
Au cours de toutes les années où je me suis trouvée ici ou là à l’extérieur avec deux enfants allaités, quelques personnes ont bien remarqué. Des mères sont venues me dire combien elles auraient voulu allaiter, mais qu’elles n’avaient pas eu assez de lait, d’autres combien elles étaient nostalgiques de leurs périodes d’allaitement. Personne n’a jamais paru choqué, ni même légèrement agacé ou réprobateur.
Je suis sûre que l’immense majorité des gens autour de moi n’a tout simplement jamais remarqué les plis révélateurs de mon chemisier au-dessus de la tête de mon bébé. Un jour, une vieille femme a soulevé un coin du chemisier pour voir le visage du bébé, et sauté en arrière comme si elle s’était brûlée en réalisant ce que ce visage était en train de faire. « Oh, mon Dieu, je suis confuse ! » dit-elle. « Tout va bien », la rassurai-je, « nous en sommes tous passés par là, n’est-ce pas ? » « Oui », dit-elle, ajoutant en souriant, « c’est exact. »
J’évitais de me faire remarquer. Il y a trente ans, il y avait très peu de vêtements « spécial allaitement », je portais juste des hauts suffisamment lâches pour pouvoir être soulevés par le bas. Quand j’allaitais en public, je soulevais également légèrement l’autre côté du chemisier, de trois ou quatre centimètres. De cette façon, si j’avais une fuite, au moment de rajuster mon vêtement, la tache d’humidité se trouvait non pas sur l’aréole, mais au niveau de la couche du bébé quand je le portais dans les bras ; j’évitais ainsi l’effet « cible » autour du mamelon ! Je trouvais d’ailleurs vraiment triste qu’une tache de pipi soit tellement plus acceptable en public qu’une tache de lait... Quand je sentais le lait arriver, j’appuyais négligemment l’avant-bras sur « l’autre côté » pour tenter d’éviter la fuite. Et je dois confesser que lorsque j’allais acheter un nouveau haut, je mettais un peu de salive sur un bord pour voir ce qui se passait quand le tissu était humide. S’il ne passait pas le « test de la salive », je ne le prenais pas.
Mais l’un dans l’autre, j’ai nourri mes bébés là où ils voulaient être nourris, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur, en public ou en privé. Et personne n’y a jamais vu d’objection.
L’« épreuve du feu »
Il y a donc une génération, mes amies sont toutes passées par la même « épreuve du feu », à savoir allaiter pour la première fois en public en désespoir de cause, et découvrir que ce n’est ni terriblement difficile ni terriblement évident. Mais ce que nous entendions par « public » et par « évident » pouvait varier d’une personne à l’autre.
Un jour, je suis allée à une réunion de La Leche League à laquelle assistaient peut-être quinze femmes, la plupart occupées à nourrir leur bébé. À la moitié de la réunion, il y eut une pause rafraîchissements, et toutes les femmes quittèrent la pièce, sauf une jeune étudiante étrangère et moi. Elle mit son bébé au sein pour la première fois depuis le début de la réunion, puis me sourit timidement, et dit dans un anglais hésitant : « C’est la première fois que j’allaite en public. » J’étais stupéfaite : pour cette nouvelle mère si loin de son pays, j’étais son épreuve du feu !
À une autre réunion LLL qui se tenait dans une salle municipale, une femme, qui s’était battue pour réussir à allaiter pendant tout le premier mois, s’assit près de la porte fréquemment ouverte, enleva tranquillement et son haut et son soutien-gorge, puis leva les yeux, dit « Oh ! » et remit son haut. Après quatre longues semaines pendant lesquelles elle n’avait rien regardé d’autre que ses seins et son bébé, il ne lui était pas venu à l’idée qu’il pouvait y avoir au dehors un plus vaste monde pour assister à son approche totalement « topless » de l’allaitement. Son épreuve du feu à elle avait été simplement d’apprendre à allaiter. L’opinion des gens ? Elle n’y avait pas du tout pensé sur le coup.
Diminuer la visibilité de l’allaitement
Les mères de ma génération ont appris les façons de faire pour diminuer la visibilité de l’allaitement sans avoir de vêtements ni d’équipements spéciaux. Soulever un chemisier par le bas se remarquait toujours moins que le déboutonner par le haut ; un haut un peu lâche et la tête du bébé suffisaient à couvrir pratiquement toute la peau exposée.
Nous avons appris que notre propre vue à vol d’oiseau était toujours la plus nette – que les gens qui nous regardaient sans baisser les yeux sur nous avaient généralement une piètre vision de ce qui était en train de se passer.
Les mères de jumeaux étaient les plus susceptibles d’utiliser un débardeur, d’une couleur assortie à leur haut, avec deux grandes découpes bien placées. Quand elles soulevaient leur haut, le débardeur couvrait tout ce qui devait rester couvert.
Un gilet était tout aussi efficace, pendant à la verticale et couvrant complètement les côtés, même quand le chemisier en dessous était soulevé devant. Quand les porte-bébés slings ont commencé à devenir populaires, les mères ont imaginé des façons de les utiliser pour se couvrir.
Il est possible que, pour ce qui est d’allaiter sans se faire remarquer, tout autant que notre façon de nous habiller, comptait notre façon de tenir nos bébés. À notre époque, pas de position « madone inversée », pas de coussins d’allaitement. Passé les toutes premières semaines qui avaient pu voir quelques positions précaires et maladroites, quand nous nous sentions prêtes à sortir, la plupart d’entre nous avions déjà allaité sur des canapés, sur des chaises de cuisine, les jambes croisées par terre, et en marchant. Nous étions prêtes à utiliser n’importe quel équipement trouvé à l’extérieur, depuis les allées de l’épicerie jusqu’aux chaises de restaurant. Nous avions pratiqué à la maison, peut-être devant un miroir ou un observateur, et maintenant, nous prenions une grande respiration et... le faisions.
Bien sûr, alors que certains bébés peuvent téter discrètement, d’autres signalent avec force gloup-gloup qu’ils sont activement et avec enthousiasme en train de « dîner en ville ». Mais généralement, nous considérions « l’allaitement en public » comme quelque chose qui risquait d’être gênant et intimidant au départ, puis allant de soi par la suite, beaucoup plus en tout cas que de changer une couche ou installer un siège auto.
Il arrivait que certaines reçoivent des regards désapprobateurs ou qu’on leur dise d’aller ailleurs, mais je ne me souviens pas d’éditoriaux pour ou contre, ni d’articles, ni de lois protégeant ou interdisant l’allaitement en public. L’immense majorité des femmes que je connaissais étaient tout simplement ignorées.
Plus de difficultés aujourd’hui ?
Aujourd’hui, trente ans après mes premières tentatives en public, les taux d’allaitement ne cessent de grimper, la législation sur l’allaitement nous protège de mieux en mieux... et pourtant, dans de nombreux pays (y compris le mien), les nouvelles mères semblent avoir plus de difficultés à allaiter en public que nous n’en avions il y a une génération.
Je me suis beaucoup interrogée là-dessus, et j’ai fini par conclure que j’étais en partie coupable.
Je ne me suis pas plainte quand les vêtements d’allaitement ont commencé à apparaître, alors que leur prix élevé impliquait qu’il fallait être riche pour allaiter en public.
Je n’ai rien dit quand j’ai commencé à voir des publicités pour des châles et des couvertures qui auraient aussi bien pu avoir écrit dessus en gros « IL Y A UN BÉBÉ EN TRAIN DE TÉTER LÀ-DESSOUS ».
Je n’ai pas protesté contre les tentes, les arceaux et tous les trucs et les machins destinés à faire de l’argent sur (et à perpétuer) les incertitudes d’une nouvelle mère.
J’ai accepté la tendance vers des coussins d’allaitement de plus en plus gros et encombrants, et les positions d’allaitement stéréotypées, bizarres et difficiles à utiliser à l’extérieur qui vont avec.
Et pire, je ne me suis pas arrêtée pour offrir un sourire et un encouragement à chaque mère allaitant en public que je remarquais. Je me demandais toujours : préfère-t-elle penser que personne ne la voit, ou préférerait-elle partager un moment de conversation avec une ancienne membre de ce club très privé ? Après des années de débat intérieur, j’ai décidé que la plupart des mères préféreraient avoir ce soutien occasionnel, et que je ne le leur ai pas donné. Je commence à le faire à partir d’aujourd’hui.
Il y a trente ans, allaiter était le fait d’une minorité. Aujourd’hui, la plupart des femmes commencent par allaiter. Néanmoins, le biberon demeure tellement la norme en société qu’il m’arrive de rencontrer des femmes qui, après avoir utilisé un tire-lait et des biberons pour se sortir d’une difficulté au démarrage, envisagent de continuer à utiliser des biberons quand elles seront en public.
Je leur demande : « Voulez-vous vraiment être ce genre de modèle ? Voulez-vous donner l’impression que les femmes intelligentes et éduquées d’aujourd’hui choisissent le biberon ? Que votre bébé, après tout le dur travail que vous avez fourni pour arriver à l’allaiter, est nourri avec du lait artificiel ? » « Mais ce sera mon lait dans le biberon », disent-elles. Et je leur réponds : « Mais comment les petites filles – ou garçons – qui vous verront le sauront ? Ce qu’elles penseront, c’est que donner le biberon, c’est ce que font les vrais gens dans la vraie vie. » C’est toujours quelque chose auquel elles n’avaient pas pensé.
Mais alors, quelles autres stratégies peuvent-elles utiliser pour nourrir leur bébé en public ?
Stratégies
1. Les gens ne voient pas ce qui n’est pas visible.
Une mère qui veut vraiment être invisible quand elle donne le sein peut repérer à l’avance des endroits retirés de l’espace public qu’elle partage avec d’autres, ou bien elle peut faire téter le bébé juste avant de sortir ou chaque fois qu’elle se retrouve dans un endroit tranquille. Mais cela signifie rater quelque chose – le dîner, la conversation, l’environnement agréable, en un mot la vie.
En fait, un peu de pratique et un habillement adéquat peuvent rendre une mère allaitante invisible sans qu’elle ait à se cacher. J’ai donné un jour une conférence sur l’allaitement dans un auditorium plein d’étudiants. Je portais un poupon dans un porte-bébé sling, le tapotant, le caressant, le berçant, comme je l’aurais fait avec un vrai bébé. À trois reprises, je l’ai aussi « allaité », soulevant à chaque fois mon haut et amenant la bouche du poupon sur mon sein nu dans le porte-bébé. Pendant l’une de ces « tétées », j’ai vu deux filles au second rang glousser ensemble. Personne d’autre n’a réagi, et lorsque j’ai posé la question à la fin de la conférence, personne d’autre n’avait réalisé ce que j’avais fait. Même les deux filles du second rang avaient raté deux des trois « tétées ». Clairement, on remarque beaucoup moins les mères qui donnent le sein qu’elles ne le pensent.
2. Tous les magiciens le savent : la distraction peut créer de l’invisibilité.
Un jour, sur notre marché de produits fermiers, ma mère et moi achetions des légumes à une jeune femme. Elle les a pesés, nous a parlé, nous a rendu la monnaie, tout en faisant passer son bambin d’un sein à l’autre à plusieurs reprises. Après avoir quitté son stand, j’ai demandé à ma mère si elle avait remarqué que le bambin tétait. Avec tout le tohu-bohu du marché, elle n’avait rien vu du tout !
3. La plupart des gens qui remarquent qu’une mère est en train d’allaiter auront été alertés par des signaux envoyés par la mère elle-même.
Si elle fait ça avec confiance et insouciance, et pas à la dérobée et de façon embarrassée, la plupart des gens penseront soit qu’ils n’ont pas vu ce qu’ils pensaient avoir vu, soit que ce qu’ils ont vu n’est finalement pas si terrible et choquant que ça. Ma belle-fille s’est récemment arrêtée dans un passage public pour allaiter Max, âgé de 3 mois, et plusieurs adolescents sont passés près d’elle. « Vous avez vu cette dame ? » a dit l’un deux. « Je pense qu’elle était en train d’allaiter. » Et ce fut tout. Ces garçons avaient désormais une petite expérience neutre de l’allaitement à ajouter à leur vision de « Comment Marche le Monde ». Après deux douzaines d’expériences semblables, ils arrêteront même de le remarquer.
4. Les mères peuvent juste... le faire.
Cet été, notre groupe local LLL a participé à la parade annuelle de la ville. Avant la parade, j’ai jeté un coup d’oeil et j’ai vu sur le trottoir une mère affublée d’un de ces énormes gadgets qui proclament IL Y A UN BÉBÉ EN TRAIN DE TÉTER LÀ-DESSOUS. La rue était pleine de monde, et elle était là, toute seule à l’écart. Voyez le contraste avec notre groupe dans la parade. Un des bambins de 2 ans a commencé à être fatigué de marcher, sa mère l’a pris dans les bras, et l’a allaité en marchant. Quelqu’un l’a remarqué et a fait un commentaire négatif. Mais les autres gens soit n’ont rien remarqué – moi-même, je ne l’ai pas remarqué, alors que je marchais près d’elle – soit ont pu ajouter un autre non-évènement à leur expérience de la chose. Mais que dire de tous ceux qui n’ont pas pu ne pas remarquer l’installation sous le châle IL Y A UN BÉBÉ EN TRAIN DE TÉTER LÀ-DESSOUS ? Était-ce là pour eux une expérience neutre de l’allaitement ? Ou cela n’a-t-il pas plutôt contribué à leur donner l’impression que l’allaitement est, littéralement, une chose à faire sous le manteau ?
5. Les mères peuvent mettre en scène leurs petits actes de rébellion.
Une de mes amies allaitait son bébé dans la gare centrale de New York. Son père, sans doute légèrement inconfortable lui-même, lui fit part du supposé inconfort d’un autre monsieur proche d’eux. « Oh, est-il mal à l’aise ? » demanda gaiement mon amie. « Eh bien, si c’est le cas, il peut certainement bouger de place. En ce qui me concerne, je suis très bien là où je suis. » Après tout, détourner le regard suffisait à la mettre hors de sa vue. Beaucoup plus facile que de transporter le bébé, le sac à langer et les bagages jusqu’à un autre siège !
6. Les mères peuvent tenir bon.
L’ouvrage de Barbara Behrmann, Breastfeeding Café, un recueil de témoignages de mères sur l’allaitement, relate l’histoire d’un jeune garçon de café qui dit à une femme qu’elle ne pouvait pas allaiter son bébé dans le restaurant. « Oh, mon chou », répliqua calmement la mère avec son accent texan traînant, « Il ne tète pas. Il est juste en train de lécher mon mamelon avant de s’endormir. » Là-dessus, le garçon disparut.
7. Les mères qui allaitent peuvent éduquer les autres.
Leigh Anne est animatrice LLL dans l’État de New York, consultante en lactation IBCLC, et mère de trois enfants. Pas le genre de personne que vous voudriez affronter si vous n’êtes pas sûr de ce que vous avancez.
Elle était assise dans le vestibule de l’école de ses enfants, allaitant son bébé âgé de 7 mois, quand elle entendit une femme dire : « Elle ne peut pas faire ça ici ! »
Leigh Anne ne se démonta pas et dit, affable, « En fait, les lois de l’État de New York disent que je peux. » « Mais il y a des enfants ici ! » « Oui », dit-elle aimablement, « et ils sont en train d’apprendre que nous sommes des mammifères et que les mammifères nourrissent ainsi leurs bébés. » La femme écarquilla les yeux. « Je ne suis pas une mammifère. » « Les seins sont des glandes mammaires, et cela fait de nous des mammifères », répondit mon amie. « De toute façon, si j’avais d’autres enfants, je ne pourrais pas les allaiter, je suis diabétique », dit la femme. « Si vous voulez aider vos enfants à ne pas devenir diabétiques, vous les allaiterez, parce que, de fait, le non-allaitement augmente le risque d’obésité et de diabète. » La femme ouvrit à nouveau la bouche, puis la referma. Elle finit par sourire et dire : « Eh bien, vous venez de m’achever, pas vrai ? » Leigh Anne sourit à son tour : « Au contraire, mon amie, je viens de vous relever » (NdT. Jeu de mots sur shoot down et shoot up). La femme vint alors lui serrer la main, se présenta, et elles devinrent « copines de vestibule » pour le reste de l’année.
Et maintenant, que faire ?
Si l’allaitement en public n’a pas réussi à devenir plus aisé au cours des trente dernières années, c’est peut-être parce que les mères allaitantes ont envoyé des signaux mitigés au public.
J’avance une hypothèse : les gens ne savent pas quoi faire de nous, et ils se basent donc sur les indications que nous leur donnons. Et nous voici, occupées à cracher sur le bord des vêtements, à découper des trous dans nos débardeurs, à choisir des châles et des hauts flottants, à chercher des cachettes. Ce n’est qu’une hypothèse, vous savez, mais il y a trente ans, nous faisions bien attention à nous dissimuler, nous étions heureuses de nous cacher, nous cherchions ardemment à nous évaporer. Peut-être avons-nous trop bien réussi à le faire !
Et donc, voici ce que je pense pour les trente prochaines années.
Il y a certainement un apprentissage pour l’allaitement en public. D’abord on essaye toutes de l’éviter, de le cacher, de le couvrir. Cela fait partie du processus pour devenir à l’aise avec. Faites votre chemin parmi les options décrites ci-dessus, et toutes les autres qui peuvent vous mettre à l’aise. Mais à mesure que vous gagnerez en confiance, j’espère que vous envisagerez la possibilité d’arrêter de vous cacher. Au lieu d’attendre que le monde accepte l’allaitement en public, les mères peuvent faire en sorte que les gens deviennent si habitués à ce spectacle qu’ils n’y prêtent tout simplement plus attention.
Attention à ne pas mettre trop d’énergie dans une signalétique « amie de l’allaitement » et des endroits confortables où s’asseoir au fond des magasins. (Qu’arriverait-il à la poignée de main en public si l’on commençait à apposer des affiches « poignées de main bienvenues ici » ?!) Partons plutôt de l’idée que le monde entier est « ami de l’allaitement », et installons-nous dans l’allée de l’épicerie, ou penchons-nous sur le caddie si c’est ce qui est le plus commode sur le moment.
Rappeler au monde doucement et régulièrement que les bébés ont aussi besoin de déjeuner peut avoir le même effet que les piqûres qu’on fait à un enfant allergique pour le désensibiliser, avec des doses petites et fréquentes de l’allergène qui le faisait réagir. Des doses pas assez importantes pour créer un incident, mais pas non plus si petites qu’elles en deviennent complètement invisibles.
C’est peut-être l’Américaine rebelle qui parle en moi ; j’aime l’idée d’une petite révolution, et c’est à coup sûr une révolution dont le temps est venu. Éduquons les gens grâce à une visibilité constante. Ne laissons pas le reste du monde nous achever. Élevons le reste du monde !
Peut être reproduit, imprimé ou diffusé à condition de mentionner la provenance de cet article.
Superbe article! En effet, chaque allaitement en public renforce ma confiance en moi, et c'est de plus en plus naturel, donc invisible. Et à chaque fois un acte de militantisme pour servir La Cause, et contribuer à montrer aux enfants quelle est la normalité pour les mammifères que nous sommes!
Mais je ne sais jamais trop non plus comment me comporter face à une autre femme qui allaite en public, car j'imagine toujours qu'elle est peut être sur la défensive, ou gênée si je lui adresse un sourire d'encouragement.
Bonjour
Merci beaucoup pour votre texte il m'a fait me rendre compte de tout le chemin que j'avais parcouru depuis la naissance de mon bébé.
Au début j'étais incapable d allaiter sans coussin d allaitement, alors impossible de le faire en.extérieur.
Puis j'y suis arrivée et j'ai commencé à allaiter chez mes beaux parents avec un justement un horrible tablier d allaitement ou on étouffait dessous.
Chez mes parents je changeais carrément de pièce s'il y avait des invités.
Et aujourd'hui?? Tout cela a disparu, la dernière fois j'ai du allaiter ma fille dans la salle d attente du pédiatre ... Personne n'a rien remarqué je suis sûre ☺
Je vis dans la banlieue française de Genève et j'allaite ma fille depuis 5 mois avec bonheur.
Je la nourris lorsqu'elle le demande, où que je sois, très naturellement: en faisant mes courses, en marchant dans la rue, en terrasse, au restaurant, au café, au travail, en concert, à la piscine, dans l'avion, à la banque, chez le coiffeur, en bateau....partout.
Je pars du principe que pour tous, un bébé qui crie est plus dérangeant qu'un bébé qu'on allaite.
Quelques fois je sors mon sein de mon corsage sans plus de considérations. D'autres fois, je pose un foulard ou une bavouille sur le sein visible, ou alors j'utilise mon sling. Je n'ai jamais reçu de commentaire désobligeant. Souvent, les gens ne le remarquent même pas (ou font semblant). Certains sont étonnés, d'autres émus. Des personnes viennent me parler de ma fille ou partager leurs expériences , leurs ressentis. Les enfants se montrent curieux et posent des questions. Je prends plaisir à leur expliquer ce que je fais. En fait, le plus souvent, mon allaitement en public provoque des sourires et des partages chaleureux autour d'un moment agréable pour mon bébé comme pour moi.
Alors, pourquoi s'en passer?
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