Ce dossier a été publié dans Allaiter aujourd'hui n° 88, LLL France, 2011, et mis à jour dans le n° 97, 2013.
Quand un bébé est malade, il a encore plus besoin d’être allaité. Il ne se prive d’ailleurs pas de le faire savoir : il veut constamment être « à bras », le sein dans la bouche. C’est que l’allaitement lui apporte alors tout ce dont il a besoin pour mieux supporter sa maladie et lutter contre elle : le contact rassurant de sa mère, un aliment complet et parfaitement digeste, qui sera souvent la seule nourriture acceptée par son organisme (donc moins de vomissements, et un risque moindre de déshydratation). Il est fréquent de voir un bébé qui mange déjà de bonnes quantités de solides se remettre à un allaitement complet quand il est malade.
Hâter la guérison
Comme le disait une mère, « allaiter un bébé malade, c’est non seulement adoucir sa souffrance, mais aussi hâter sa guérison ». En effet, tous les facteurs anti-infectieux que contient le lait maternel (anticorps, interféron, lactoferrine, lymphocites, etc.) se mettent alors en branle pour combattre la maladie. Et cela selon plusieurs mécanismes bien décrits par le Dr Jack Newman dans son article paru dans Pour la science (1) en 1996 : « Certaines molécules se lient aux micro-organismes dans les intestins, les empêchant de se fixer sur la muqueuse et de traverser cette couche de cellules. D’autres molécules diminuent la disponibilité de sels minéraux et de vitamines dont les bactéries ont besoin pour survivre dans le système digestif. Certaines cellules immunitaires du lait humain attaquent directement les micro-organismes, d’autres libèrent des substances qui stimulent les réactions immunitaires du nourrisson. »
Autrement dit, le lait maternel empêche les microbes de passer, les affame ou leur tombe dessus ; et la plupart du temps, il fait tout ça à la fois !
Une étude faite en 2003 (2) a par exemple montré que le lait de femmes dont le bébé était hospitalisé pour bronchiolite présentait un taux plus élevé de cellules immunocompétentes et de cytokines que celui de mères d’enfants en bonne santé.
De plus, grâce à ce qu’on appelle le « cycle entéro-mammaire », le lait maternel va contenir des anticorps spécifiquement dirigés contre les agents pathogènes – virus et bactéries – présents dans l’environnement immédiat de la mère et de l’enfant, et donc éventuellement responsables de sa maladie.
Comment ça marche ? Chez chacun d’entre nous, les cellules qui produisent les anticorps voyagent dans tout le système sanguin comme sur une autoroute, et prennent régulièrement la « sortie » vers les intestins, prêtes à défendre l’organisme contre les infections. Dès qu’une femme commence à allaiter, certaines de ces mêmes cellules productrices d’anticorps commencent soudainement à prendre une autre « sortie », qui mène aux glandes mammaires. Jusqu’à présent, les scientifiques ne savaient pas comment l’organisme maternel envoyait le signal aux cellules productrices d’anticorps de prendre la « sortie » différente. En 2008, une étude (3) a identifié la molécule (appelée CCR10) qui leur donne le feu vert.
Diarrhées, gastros…
On sait que les bébés allaités peuvent avoir des selles nombreuses et très molles (voire quasiment liquides), parfois verdâtres, sans avoir pour autant la diarrhée. Il n’en reste pas moins que les bébés allaités ont parfois la diarrhée (définie par plus de huit selles par jour, des selles liquides, sans substance et dégageant une odeur fétide), et dans ce cas, il ne faut surtout pas arrêter l’allaitement.
Comme le lait maternel se digère très rapidement, même si le bébé a la diarrhée, il absorbera quand même une certaine quantité de liquides et d’éléments nutritifs.
Toutes les recherches ont montré que la poursuite de l’allaitement diminue significativement la durée et la gravité de la diarrhée aiguë (4), ainsi que le risque de déshydratation. Du coup, la plupart du temps, il n'est pas nécessaire d'administrer au bébé des sels de réhydratation.
Vomissements
En cas de vomissements comme en cas de diarrhée, si le bébé accepte d’absorber quoi que ce soit par voie orale, la meilleure chose qu’il puisse prendre, c’est du lait maternel. Comme celui-ci se digère très rapidement, même s’il en vomit la plus grande partie, il absorbera quand même une certaine quantité de liquides, d’éléments nutritifs… et d’anticorps.
Des tétées courtes et fréquentes réconforteront le bébé, préviendront le risque de déshydratation et diminueront le risque de le voir tout rejeter aussitôt.
Rhumes, otites
Là aussi bien sûr, le lait maternel est la meilleure médecine préventive et curative. La difficulté est qu’il arrive que le bébé ait du mal à téter. Lorsqu’il est enrhumé, il peut lui être impossible de respirer par le nez alors qu’il tète. Et s’il a une otite, la tétée peut être douloureuse, car la succion augmente la pression dans les oreilles.
S’il refuse de téter, il peut être nécessaire de temporairement tirer son lait et le lui donner (si possible autrement que dans un biberon : cuillère, gobelet, etc.) tout en essayant régulièrement de le remettre au sein. Dès qu’il ira mieux, il reprendra le sein avec plaisir.
Et n’oublions pas que le lait maternel peut, grâce à ses propriétés anti-infectieuses, aider à lutter contre un rhume, une otite, une conjonctivite. Pour un rhume : une giclée de lait dans chaque narine. Pour les otites et les conjonctivites : quelques gouttes de lait dans l'oreille ou dans l'œil, à renouveler plusieurs fois par jour (aucun risque de toxicité ou de surdosage !).
RGO
Contrairement à ce qui est souvent dit aux mères de bébés souffrant d’un reflux gastro-œsophagien pathologique, l’allaitement reste pour eux le meilleur choix : les recherches ont montré que les bébés allaités ont tendance à avoir moins de crises de reflux que les bébés nourris au lait artificiel. L’explication est sans doute que l’une des causes du reflux est le délai que prend l’estomac à se vider ; or on sait que le lait maternel se digère deux fois plus vite que le lait artificiel. De plus, en cas de passage dans les bronches, le lait maternel est moins irritant que le lait artificiel, il brûle également moins la muqueuse de l’œsophage en cas de remontée ; enfin, la tétée au sein engendre un meilleur tonus musculaire en général, et donc sans doute un meilleur tonus du sphincter inférieur de l’œsophage en particulier.
Maladies chroniques
Sauf quelques très rares contre-indications (la seule contre-indication totale et définitive est la galactosémie congénitale (5)), l’allaitement améliore la qualité de vie de l’enfant malade chronique, l’aide à guérir ou du moins à stabiliser au mieux son affection.
Par exemple, le lait humain est particulièrement bien adapté aux enfants souffrant d’insuffisance rénale. Chez de tels enfants, il s’est avéré (6) permettre une croissance et un état de santé similaires à ceux obtenus avec les produits, à basse teneur en protéines et enrichis en acides aminés essentiels, spécifiquement conçus pour l’alimentation de ces enfants. De même, et contrairement à ce qui est souvent dit, il est non seulement possible mais bénéfique d’allaiter les bébés souffrant d’une pathologie cardiaque congénitale. La tétée au sein n’est pas plus fatigante pour eux que la prise d’un biberon. S’ils sont allaités, ils ont généralement une meilleure croissance, sont en meilleure santé, et sont hospitalisés moins longtemps. On décourage aussi souvent d’allaiter les mères d’enfants atteints de mucoviscidose, alors que les études (7) montrent que la fonction pulmonaire est meilleure chez ceux qui sont allaités longtemps, et qu’ils présentent moins d’infections pendant leurs premières années. En cas de phénylcétonurie, un allaitement partiel est possible à condition de contrôler soigneusement le taux de Phe (phénylalanine) dans le sang de l’enfant. Dans une étude (8) qui a comparé des enfants allaités et des enfants non allaités, les premiers étaient plus nombreux à avoir un taux sérique de Phe dans les limites de la normale (120 à 360 μmol/l), et moins nombreux à avoir un taux inférieur à la normale (< 120 μmol/l) que les bébés nourris avec la formule lactée commerciale. Voir Allaitement et phénylcétonurie.
Et dans certains cas (déficit enzymatique de la néoglycogénèse, par exemple), le lait maternel, c’est la vie, tout simplement.
Le bébé à l’hôpital
Grâce à l’action des parents et au travail d’associations comme Sparadrap (9), on admet aujourd’hui ce qui aurait toujours dû être une évidence, à savoir que la place des parents est auprès de leur enfant souffrant, même et surtout pendant les examens et traitements douloureux. Le Dr Didier Cohen-Salmon, président de Sparadrap, raconte que, dans un hôpital, on avait observé que certains enfants semblaient avoir très mal à la sortie de la salle de réveil. Un des médecins proposa de « faire venir un parent, puis d’évaluer la douleur de l’enfant en sa présence. On favoriserait ainsi ce qu’Annie Gauvain-Piquard (première pédiatre à s’être mobilisée, en France, sur la douleur de l’enfant) a appelé l’homéostasie émotionnelle indispensable à l’évaluation de la douleur de l’enfant. Cette suggestion est mise en place. Chacun peut le constater, en présence des parents, le niveau des pleurs diminue et, par conséquent, on peut mieux évaluer et soulager la douleur des enfants avant qu’ils ne retournent dans leur chambre » (10).
Les parents doivent pouvoir, sans avoir à se battre, rester avec leur enfant, dormir sur place, être là quand il se réveille de l’anesthésie, être présents pendant les soins douloureux, etc. Comme le dit la circulaire SROS (11) : « La place des parents, leur information, leur présence auprès de leur enfant, leur participation active aux soins sont reconnues et assurées au sein de l’établissement de santé, quels que soient le moment et le lieu. »
Rappelons à cette occasion que si l’enfant est allaité, beaucoup d’examens et de traitements peuvent être faits alors qu’il est au sein (voir plus bas).
Quand l’enfant est allaité, la présence de sa mère de jour comme de nuit (idéalement dans une chambre mère/enfant, mais elles sont encore trop peu nombreuses) permet de préserver l’allaitement, et donc de continuer à lui apporter à la fois un aliment de premier choix, facile à digérer et bourré d’anticorps, et une nourriture affective, qui l’aideront à supporter cette épreuve. Comme le dit Marion : « Pendant cette semaine longuissime, je n’ai pas quitté mon petiot, et lui n’a quasiment pas quitté mon sein. Il s’y endormait, s’y reposait, y riait et reprenait des forces contre moi. Je suis persuadée que ça l’a aidé à se battre, et moi à me sentir un peu moins inutile. Au milieu de toutes ces perfusions, tuyaux, capteurs, pansements, seringues…, mon sein, tout naturellement, l’aura aidé. »
En cas d’opération sous anesthésie générale, il pourra être utile de discuter à l’avance avec le chirurgien et l’anesthésiste, afin d’arriver à une durée de jeûne pré-opératoire compatible avec les études sur le sujet, et plus gérable pour la mère et le bébé (voir plus bas).
De même, après l’opération et sauf contre-indication médicale, le bébé peut être remis au sein dès qu’il est suffisamment réveillé pour ce faire. Bien des mères et des bébés ont trouvé que l’allaitement les réconfortaient pendant cette période si stressante.
1. n° 220, février 1996.
2. Bryant DL et al, Does human milk change in response to infant infection ?, J Hum Lact 2004 ; 20(2) ; 218.
3. Wilson E et al. An indispensable role for the chemokine receptor CCR10 in IgA antibody-secreting cell accumulation. J Immunol 2008 ; 181(9) : 6309-15.
4. Haffejee J, Cow’s milk-based formula, human milk, and soya feeds in acute infantile diarrhea : a therapeutic trial, J Ped Gastro Nut 1990 ; 10 : 193-98.
5. Et encore, pas toujours : cela dépend de la variante de la galactosémie.
6. Dartois AM et al., Comparison of two proteins diets in infants with chronic renal failure, J Renal Nutr 1995 ; 5(2) : 52-61.
7. Colombo C et al, Benefits of breastfeeding in cystic fibrosis : a single-centre follow-up survey, Acta Pædiatr 2007 ; 96(8) : 1228-32.
8. Banta-Wright SA et al, Breast-feeding success among infants with phenylketonuria, J Pediatr Nurs 2012 ; 27(4) : 319-27..
9. Association Sparadrap, 48, rue de la Plaine, 75020 Paris, 01 43 48 11 80, www.sparadrap.org. Voir notamment son très bon et très complet dossier sur les droits de l'enfant malade ou hospitalisé (et de ses parents)
10. La Lettre de Sparadrap n° 8.
11. Circulaire DHOS/O1/DGS/DGAS n° 2004-517 du 28 octobre 2004 relative à l'élaboration des SROS de l'enfant et de l'adolescent.
Au sein même pas mal !
Plusieurs études ont montré l’effet analgésique de la tétée au sein en cas par exemple de prise de sang chez le nouveau-né (12).
Les mères allaitantes savent bien que cet effet perdure au-delà des premières semaines. Mais comme il n’y avait jusqu’en 2009 pas d’étude scientifique pour le montrer, une association comme Sparadrap ne parlait de la tétée comme geste anti-douleur que pour les bébés de moins de 3 mois.
Cette année-là, une étude a porté sur plus de 150 bébés jusqu’à 6 mois (13). Des chercheurs d’Ankara (Turquie) ont évalué les pleurs et la douleur ressentie par deux groupes d’enfants de moins de 6 mois, le premier étant allaité pendant une vaccination, l’autre pas, et montré que pleurs et douleurs étaient significativement réduits dans le premier groupe.
Alors, chaque fois que votre bébé doit subir un geste médical douloureux (prise de sang, injection, retrait de points de suture, soins d’une blessure, etc.), n’hésitez pas à le mettre au sein pendant le geste. Sans « demander l’autorisation » au personnel soignant, qui risque de la refuser par ignorance. À savoir : dans une enquête faite en 2005 auprès des abonnées de la liste Lactaliste, les soignants, d’abord surpris, voire très réticents, avaient tous été convaincus de l’intérêt de la chose, certains disant même que désormais ils le proposeraient aux mères !
Et si la tétée a cet effet antalgique en cas de douleur aiguë et ponctuelle, on peut bien imaginer qu’elle l’a aussi pour une douleur chronique, d’où son effet calmant pour les bébés malades.
Les mécanismes en jeu ne sont pas encore bien élucidés. Effet de la succion ? Du contact peau à peau ? Des endorphines du lait maternel ? D’un autre composant (tel l’opiorphine, qui aurait un effet antalgique égal à celui de la morphine) ? De tout cela à la fois ?
En tout cas, même si l’on ne sait pas exactement pourquoi ça marche, l’important est que ça marche ! Et que ça se sache.
12. Voir entre autres celle de Ricardo Carbajal et al, « Analgesic effect of breast feeding in term neonates : randomised controlled trail », British Medical Journal, n° 326, 2003, p. 13-15.
13. Dilli D et al, Interventions to reduce pain during vaccination in infancy, The Journal of pediatrics 2009 ; 154(3) : 385-90.
En cas d’anesthésie générale
Le passage du contenu gastrique dans les poumons représente une complication rare mais sévère de l'anesthésie générale. Pour minimiser le risque, on recommande un jeûne d'au moins huit heures avant une intervention chirurgicale.
Les bébés représentent un groupe pour lequel ce temps de jeûne pourrait être raccourci. En effet, alors que les aliments solides quittent lentement l'estomac suivant une courbe linéaire, la vidange gastrique des liquides est très rapide. Une série d'études faites autour des années 90 a comparé des bébés qui soit jeûnaient pendant le temps recommandé, soit recevaient des liquides clairs (par boissons claires, on entend : eau, sirop à l'eau, jus de fruit sans pulpe, bouillon, tisane, thé, café) jusqu'à deux heures avant l'anesthésie. Dans les résultats obtenus, rien ne permettait de penser que l'absorption de liquides clairs jusqu'à deux heures avant l'anesthésie avait un quelconque impact sur le volume ou l'acidité du contenu gastrique résiduel.
D’autres études ont montré que la vidange gastrique est plus rapide pour le lait maternel que pour le lait industriel : la moitié du lait absorbé a quitté l’estomac au bout de 48 minutes avec le lait humain, contre 78 minutes avec le lait industriel. De plus, une étude a montré qu'il n'existait aucune différence dans le volume gastrique résiduel ou son pH chez des enfants de moins d'un an qui avaient reçu soit des liquides clairs soit du lait maternel peu avant l'anesthésie. Cette étude concluait que l'allaitement pouvait être poursuivi jusqu'à 3 heures avant l'anesthésie. D’autres estiment même qu’on peut aller jusqu’à 2 heures, comme pour les liquides clairs.
Peut être reproduit, imprimé ou diffusé à condition de mentionner la provenance de cet article.
Merci pour cet article fort convaincant des bénéfices de l'allaitement lorsque le bébé est malade.
La mienne à 9 mois et traverse son premier rhume, elle s'est mise à téter énormément, de même lors du "pied main bouche".
Alors, si cela peut être parfois un peu lourd pour la maman, surtout si le bébé avait l'habitude de manger des solides,
cet article me donne la force de poursuivre, même si cela peut être fatiguant, cela l'est aussi pour bibou.
Tous ces articles me montrent que l'allaitement permet à la mère et au bébé de traverser ensemble les périodes bonnes comme plus difficiles. Merci encore!
Je vais tester l'astuce de la giclée de lait dans les narines, je n'aurais jamais pensé à cela, et pourtant quand on lit
tout ce que peut soigner le lait à l'intérieur du ventre, cela paraît très logique de l'utiliser en application locale.
Merci merci!
Il est si bon de trouver un avis favorable de pouvoir poursuivre l'allaitement pendant la maladie alors que la plupart des personnes réagissent négativement de peur d'empirer la maladie alors que c'est naturel et tout l'inverse! Merci pour votre site qui est un réconfort pour toutes les mères allaitante!
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