Cet article, écrit par Teresa Pitman et publié dans le numéro de juin 2016 de Breastfeeding today, la revue de La Leche League International, s’intitulait « Nurturing the New Nurturer : Doing it by Yourself », soit : Nourrir celle qui nourrit (nourrir dans tous les sens du terme), et le faire soi-même (do it yourself !). Teresa Pitman a été directrice exécutive de LLL Canada, et c’est l’une des co-auteures de la huitième édition de L’Art de l’allaitement maternel. Mère de quatre enfants maintenant adultes, elle s’est retrouvée maman solo quand son petit dernier avait 4 ans.
Lire des articles sur des thèmes tels que « materner la jeune mère » (ou, de façon plus inclusive, « materner le jeune parent ») me faisait systématiquement pleurer. Demandez à votre partenaire de prendre un congé et de vous aider après la naissance, disaient ces articles. Voyez si votre mère peut venir et rester quelques semaines avec vous. Quand vous recevez de la visite, demandez à ces personnes de vous donner un coup de main pour le linge. Faites-vous chouchouter. Vous le méritez. Oui, mais voilà. J’étais tout à fait prête à croire que j’avais besoin de me faire chouchouter, besoin d’être soutenue, besoin d’être maternée. J’étais épuisée, dépassée, je me débattais pour comprendre comment être mère. Mais personne ne faisait la queue derrière ma porte pour me proposer de faire la lessive. Ma mère pouvait me rendre visite pour une journée, mais elle ne restait jamais plus longtemps. Mon compagnon, lui, était immédiatement retourné travailler dès le lendemain de l’accouchement.
Ma sœur aimait raconter comment, pendant sa grossesse, ses amies lui disaient : « Oh, quand tu auras le bébé, je viendrai tout le temps te voir, ce sera super. » Mais après la naissance, elles venaient – une fois, une seule, constataient les cernes sous ses yeux, son T-shirt taché de régurgitations, ses cheveux sales et son bébé en pleurs avec des selles jaunâtres coulant le long de ses jambes. Elles abandonnaient alors leurs jolis cadeaux pour le bébé sur la table, et quittaient les lieux aussi vite que possible. Avec un peu de chance, elles envoyaient quelques messages au cours des semaines suivantes.
J’ai connu la même chose, au moins avec certaines de mes amies. Les autres avaient déjà leurs propres bébés et consacraient toute leur énergie à survivre : les chances qu’elles aient l’énergie de me materner étaient donc très faibles.
D’après moi, aucune femme en train de faire le grand saut dans la maternité n’a besoin d’être convaincue qu’elle a besoin d’être dorlotée. Ce besoin est ressenti comme un grand vide ne demandant qu’à être comblé. Comment pouvez-vous vous occuper de votre bébé si ce que vous souhaitez vraiment, c’est que l’on s’occupe de vous ? Voilà une question difficile.
Écoutez-moi bien. Si vous avez sous la main des personnes prêtes à vous aider, acceptez toute l’aide qu’elles pourront vous apporter. Et je ne parle pas uniquement d’un soutien matériel tel que faire les repas ou nettoyer la salle de bains. Réclamez des câlins, des encouragements, quoi que ce soit dont vous avez besoin. Acceptez tout ce qui vous est offert. Mais si vous êtes dans la même situation que moi, voici quelques-unes des choses qui m’ont aidée.
Tous les mots d’encouragement que vous pouvez vous offrir à vous-même. Si votre bébé est irritable ou souffre de coliques, vous pouvez avoir l’impression que toutes vos tentatives pour le calmer restent vaines : ses cris qui n’en finissent pas vous donnent le sentiment d’être un mauvais parent. N’est-ce pas en effet le rôle principal des bons parents que de rendre leur bébé heureux ? Et votre malaise s’accroît encore lorsque votre partenaire rentre à la maison et vous dit : « Tu n’aurais pas pu au moins passer l’aspirateur ? »
Si vous avez eu, en grandissant, une relation loin d’être satisfaisante avec vos parents (j’ai connu ça), devenir vous-même parent a une fâcheuse tendance à susciter des tonnes d’émotions qui auraient mieux fait de rester enterrées. Ces petites voix critiques peuvent résonner dans votre tête, soulignant chaque erreur ou échec.
Donc, si personne n’est là pour vous dire que vous faites un super boulot, dites-le-vous vous-même ! À la naissance de mon premier fils, Matthew, j’ai commencé à tenir un journal. J’y écrivais ce que je faisais, ce qui semblait fonctionner – ou pas –, et ses évolutions à mesure qu’il grandissait (ainsi que les miennes). Sans ignorer les faits les moins plaisants, j’essayais tout de même de n’en oublier aucun des plus gais. Assez rapidement, j’ai pu prendre du recul et remarquer tout ce que j’avais découvert au cours des semaines précédentes. Cela m’a redonné un tout petit peu de confiance en moi.
L’une de mes collègues aime imprimer de petits posters d’encouragement et les mettre sur les murs de nos bureaux. À cet instant, j’en vois un qu’elle a collé sur le mur juste en face de moi, qui dit : « Cette journée va être fantastique. » Y jeter un simple coup d’œil suffit à me mettre le sourire aux lèvres. Lorsque je suis devenue mère, j’affichais des messages similaires pour moi-même. L’un d’entre eux était une citation du Dr Spock. Même si je n’étais pas d’accord avec tout le contenu de son célèbre livre Comment soigner et éduquer son enfant, j’adorais cette phrase : « Vous en savez bien plus que vous ne croyez. » Je l’avais affichée près de la table à langer. D’autres expressions que j’adorais venaient de La Leche League : « Ayez confiance en votre bébé, ayez confiance en vous » et « Les personnes sont plus importantes que les choses ». Lorsque je me sentais critiquée et découragée, lire ces citations me redonnait de l’énergie.
Mangez. Rien ne mine davantage votre énergie et ne vous rend plus pessimiste que tenter de survivre en ne se nourrissant que de crackers et de soupes en conserve ou, pire encore, de chips et de cookies. Mais comment cuisiner un repas décent et sain avec un bébé difficile qui tète tout le temps, et sans aucune aide ?
M’activer dès potron-minet marchait bien pour moi. Mes enfants semblaient être au meilleur de leur forme tôt le matin (peut-être parce qu’ils avaient tété TOUTE LA NUIT...), donc j’entamais la préparation du dîner juste après le petit-déjeuner. Au moment de la débâcle de fin d’après-midi (tant pour moi que pour mon bébé), j’avais au moins préparé les bases du repas et pouvais y apporter les dernières touches, mon bébé porté en écharpe.
Je faisais mijoter quelques ingrédients dès le matin, lançais la machine à pain après le repas de midi, et nous avions une soupe ou un plat mijoté avec du pain frais pour le dîner. J’adorais me dire que le repas cuisait tout seul pendant que je câlinais mon bébé sur le canapé.
J’ai aussi appris que les aliments les plus sains n’avaient souvent pas besoin d’être cuisinés. Des légumes crus, des fruits crus, des noix et des graines, quoi de plus simple ? Je gardais un récipient rempli de noix, de raisins secs et de graines de tournesol à grignoter pour les jours où le repas de midi semblait devoir être indéfiniment reporté.
Les ados à la rescousse. (J’inclus ici les jeunes garçons, mes propres fils adoraient faire ça pendant leur adolescence, même s’il est vrai qu’en général, ce sont plutôt les filles qui aident leur maman.) Payer un service d’aide était pour moi hors budget, mais, après calcul, je pouvais rémunérer un lycéen. J’avais juste besoin d’une personne disponible après l’école jusqu’au moment du dîner, en général une ou deux heures, quelques jours par semaine.
Que demander à cet assistant ? Tant de choses ! Dans mon cas, c’était tenir le bébé et le bercer pendant que je prenais ma douche, mais aussi remettre un peu d’ordre, préparer une machine de linge ou laver la vaisselle pendant que j’allais me promener avec le bébé. Mon aide commençait à cuisiner le repas pendant que j’allaitais (tout en lui donnant des instructions), mais aussi désherbait le jardin, promenait le chien, allait balader le bébé en écharpe pendant ma sieste, et plein d’autres choses. Si vous tombez sur un jeune avec permis de conduire, il ou elle peut en prime faire de petites courses et les ranger.
Même deux heures un jour par semaine peuvent faire la différence dans ces périodes où vous êtes débordée. Les moyens financiers vous manquent ? Dans de nombreux lycées, les jeunes doivent faire des heures de bénévolat pour obtenir leur diplôme (Ndlr. Dommage que cela n’existe pas en France...), et aider (gratuitement) une nouvelle mère, ça compte. Réfléchissez à tout ce qu’ils apprennent en quelques heures passées à vos côtés. L’une de mes anciennes aides est devenue animatrice de La Leche League !
Sortez ! Le simple fait de sortir respirer de l’air frais vous fera vous sentir mieux. Un bon conseil pour celles qui, comme moi, vivent au Canada : essayez de toujours accoucher au mois de mai ! Vous profitez ainsi de tout l’été et de son temps raisonnablement chaud avant que ne s’installe la saison du gel et de la neige. Bien sûr, si vous êtes comme moi et accouchez finalement de deux bébés en octobre, vous devrez rassembler toute votre résistance canadienne et sortir quoi qu’il arrive. Ne serait-ce qu’une demi-heure passée devant la maison, bien emmitouflée, à saluer les voitures de passage, et je me sentais beaucoup mieux.
Participer aux réunions de la Leche League est une autre bonne raison de sortir. Bien sûr, Internet regorge de tous types d’informations sur l’allaitement. Les lire n’aura cependant pas le même effet que vous asseoir dans une pièce aux côtés d’autres parents qui traversent (ou ont traversé) les mêmes choses que vous. Je vous jure que cela en vaut la peine.
Concentrez-vous sur VOS priorités. Oui, les vôtres. Si des membres de votre entourage souhaitent que des choses avancent, alors peut-être devraient-ils mettre la main à la pâte et les faire eux-mêmes. Aujourd’hui, vous vous maternez en même temps que vous maternez votre bébé et, honnêtement, cela peut prendre beaucoup de temps.
Une femme m’a dit un jour : « Ne vous servez pas du bébé comme excuse pour ne pas accomplir certaines choses. » J’affirme exactement le contraire : votre bébé est une EXCELLENTE excuse pour ne pas faire les choses que vous n’avez pas vraiment envie de faire. Fatiguée de ce bénévolat pour lequel vous vous êtes engagée ? Désolée, mais vous y consacrer n’est plus possible pour le moment, vous avez un bébé et il tète TOUT LE TEMPS. Vous n’avez pas envie d’aller rendre visite à cette camarade de classe qui, encore aujourd’hui, peut vous donner l’impression d’être une moins que rien ? Désolée, mais votre bébé DÉTESTE la voiture, peut-être que vous parviendrez à vous voir quand il sera plus âgé (voire quand il commencera l’université). Votre bébé peut vous aider à faire ces quelques pas vers le « non » lorsque vous en avez besoin. Vous voyez comme c’est merveilleux, un bébé ?!
Gardez à l’esprit que vous et votre bébé êtes uniques. Vous pouvez vous sentir mal suite à une discussion avec d’autres parents ou après avoir vu en ligne des images de parents qui semblent capables de tout gérer. Peut-être cette maman enthousiaste prépare-t-elle vraiment son pain tous les jours – jusqu’à moudre les grains de blé – tout en travaillant à plein temps et en parvenant à garder une maison impeccable. Mais elle n’est pas vous, et elle n’a pas votre bébé. Si vous passez vos journées à vous relaxer sur le canapé en vous nourrissant de pain acheté dans le commerce pendant que votre bébé dort sur votre poitrine parce que c’est ça qui vous rend heureuse, vous faites ce qui est bien pour vous. Pour vous.
Notre culture a un problème : on n’y apprécie à leur juste valeur ni l’allaitement ni le parentage. Par conséquent, on ne soutient pas comme il faudrait les personnes qui s’investissent dans ces domaines. Ce n’est pas de votre faute. Et oui, vous devriez recevoir plus d’aide, d’encouragements et de soutien.
Je ne détiens pas la solution non plus, à part vous dire : allez à une réunion de La Leche League. Je vous promets que là, personne ne se préoccupera de vos cernes, de votre absence de maquillage ou des pleurs de votre bébé chaque fois que vous le posez. On sera simplement content de vous voir. Et vous, vous aurez un peu l’impression d’être rentrée à la maison.
Teresa Pitman
13 juin 2016
Nurturing the New Nurturer : Doing it by Yourself
Traduction : Justine Piette
Merci!!! Lire ce texte fait chaud au coeur!! Après avoir vécu l'allaitement et la parentage en solo ( mon conjoint part travailler à 7h du matin et rentre à 20h tous les soirs), ça fait du bien de se dire qu'on n'est pas les seules à vivre cet épuisement total. Merci!! Doing it by yourself! yes!!
Merci ! Comme ça fait du bien de lire ses belles paroles et surtout ça rassure quand on se remet en doute chaque heure de la journée !
Merci ! merci ! merci !
J'avais juste besoin de lire ça à défaut de l'entendre.
Ça fait du bien et je pense que je vais appliquer la technique des petites citations :-)
Merci, pour cet article cela fait vraiment du bien ❤
Que ça fait du bien de lire ce genre d'article. De se dire que non nous ne sommes pas seule dans la galère et que bah en fait tant pis pour la maison cracra, le linge qui déborde et tout le reste de tâches ingrates que seule la femme puis la mère gère à la maison. Bébé est là et il a besoin de sa maman et nous avons besoin de lui. tous ces moments de tétées câlins sont tellement agréables. Pourquoi devoir les écourter ou carrément s'en priver pour faire ce que d'autres peuvent faire à notre place. Car le ménage n'importe qui est capable de le faire idem pour les repas. Alors que faire téter bébé seul maman peut le faire.
Donc je continuerai comme ça câlin et tétée et quand bébé me le permettra le reste.
Merci encore pour cet article ça redonne du courage et surtout ça déculpabilise. ?
Je suis d'accord à 100%!
Les mères ont une pression d'enfer pour être des femmes parfaites, à tel point qu'on doit apprendre à déculpabiliser d'être juste normales.
J'ajouterais 3 choses:
- si on a d'autres enfants en plus du bébé les faire garder une fois de temps en temps est vital
- Lire des articles de la leche league si on a passé de réunion suffisamment proche c'est déjà super pour se connaître mieux , et relâcher la pression
- vivre linstant present. Ce qui implique de ne pas réfléchir en permanence à tout ce quon a à faire, d'apprendre à ne pas répondre au téléphone quand on est occupée (notamment quand on allaite ou qu'on s'occupe du bébé), et de profiter à fond des moments où bébé va bien : se faire des risettes, des calins, des bisous, ... (Cest du pur bonheur et ils grandissent beaucoup trop vite)
l'avantage avec un tire-lait, c'est que l'on peut se lever à tour de rôle https://www.babyphone-sans-onde.fr/tire-lait-electrique-medela.html vraiment pratique !
Comme je me reconnais dans cet article. En effet il est vraiment difficile de lire qu'il faut se faire aider par son entourage quand on n'a personne autour de soi pour le faire.... oui il ne faut pas s'oublier quand on se lance dans l'aventure du maternage proximal et surtout SE FAIRE CONFIANCE. Pas toujours évident quand on ne voit plus clair dans un stade de fatigue avancé... merci ça fait du bien de se dire que tout cela est normal et vécu par plein d'autres mamans.
FIGHTING!!!! We can do it !
Merci pour ce bel article ça fait du bien de pouvoir lire ces lignes si réconfortantes. Merci d être là pour nous
Merci pour cet article très réconfortant.
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