Cet article est paru dans Allaiter aujourd'hui n° 13, LLLFrance, 1992
D'après les chiffres de l'A.P.A.C.H.E. (Association pour l'amélioration des conditions d'hospitalisation des enfants), un enfant sur deux sera hospitalisé au moins une fois avant l'âge de 15 ans (1). On peut donc affirmer sans crainte de se tromper que ce sujet concerne toutes les familles.
Bien sûr les causes de l'hospitalisation peuvent être très diverses, du plus grave au moins grave. Mais les conditions de l'hospitalisation sont importantes dans tous les cas.
Sur ce sujet, beaucoup de progrès ont été faits depuis qu'en 1945, Spitz a découvert l'"hospitalisme" (2). Les études se sont multipliées (à commencer par celles de Robertson), qui ont montré l'importance de maintenir le plus possible les liens de l'enfant avec sa famile, et dans l'idéal de permettre le séjour de l'un des parents aux côtés de l'enfant.
Une circulaire ministérielle est parue en 1983 pour insister sur ce point. Malheureusement, comme le montrent les témoignages, beaucoup reste à faire pour qu'elle soit partout appliquée. La situation peut être bien différente d'un endroit à l'autre, mais dans beaucoup, les parents se heurtent toujours à une inertie administrative, à la mauvaise volonté de certains, à l'incompré-hension d'autres, qui peuvent tranformer le séjour de leur enfant en un véritable cauchemar.
Le cas des bébés et bambins allaités pose des problèmes spécifiques. Comme on le verra dans les témoignages, l'allaitement peut se transformer en atout ("puisqu'il est exclusivement au sein, on vous laisse rester avec lui") ou en motif d'agression contre la mère ("comment, vous l'allaitez encore?", etc.). Cela est très fréquent en cas d'allaitement long, et peut en arriver à complètement parasiter le diagnostic strictement médical.
Que faire ?
Dans le cas le plus favorable, où l'hospitalisation est prévue assez longtemps à l'avance, il est bon de se renseigner très précisément sur un certain nombre de points :
- le père ou la mère peuvent-ils rester nuit et jour avec l'enfant (3) ?
- si oui, dans quelles conditions de confort ? Cela peut paraître trivial, mais si l'hospitalisation doit durer un certain temps, mieux vaut que le parent ne soit pas complètement épuisé, puisse téléphoner, etc.
- si non, les visites des parents sont-elles libres, 24 h sur 24 h (c'est le cas dans certains hôpitaux) ?
- les parents peuvent-ils être présents, dans la mesure du possible, lors des soins et des examens? À l'hôpital Robert Debré, par exemple, l'anesthésie et le réveil des enfants se font en présence des parents, ce qui a permis de diminuer la dose de produit d'un tiers !
- les possibilités d'autres solutions que l'hospitalisation ont-elles été explorées (consultations externes, hôpital de jour, hospitalisation à domicile) ?
- l'enfant est-il préparé à ce qui va lui arriver ? Certains hôpitaux font un effort particulier dans ce sens. C'est ainsi qu'à l'hôpital de Marseille, d'après Jacques Salomé, "quand un enfant doit être opéré, on le fait venir huit jours avant avec sa peluche (s'il n'en a pas, l'hôpital en prête une). Le chirurgien fait tenir l'appareil à respiration par le gosse. Puis il ouvre l'ours, l'"opère", le recoud, met le pansement, en expliquant ce qu'il fait. Et bien, ce nouveau "protocole" a fait chuter les complications post-opératoires de 65 %, et réduit la durée du séjour de plus de 25 % !"
- l'hôpital emploie-t-il des méthodes susceptibles de faciliter les soins (on sait par exemple maintenant le rôle que peut jouer la musique pour apaiser l'enfant, diminuer les doses d'anesthésique, permettre un réveil en douceur (4)), de soulager la douleur, de rendre plus agréable le séjour (salles de jeux, animateurs, possibilité de scolarisation pour les plus grands, etc.) ?
L'allaitement
En ce qui concerne l'allaitement, il est recommandé d'explorer les choses à fond. Peu de médecins sont au fait de ce qui est normal chez un bébé allaité. Si une opération chirurgicale est prévue, par exemple, il faut savoir que les interdictions d'absorber solides et liquides avant et après l'intervention, ne sont pas aussi strictes en cas d'allaitement (5).
Un bambin toujours allaité suscitera immanquablement des remarques, plus ou moins désobligeantes. Mieux vaut s'y préparer afin de rester le plus sereine possible...
Dans tous les cas, des déclarations claires, nettes et non-agressives (6), sur l'importance que revêt pour vous et votre enfant la poursuite de l'allaitement, sont primordiales.
Une fois cela accepté, beaucoup de choses sont possibles, et l'imagination est au pouvoir ! On peut se glisser sous une tente à oxygène pour allaiter. On peut allaiter un enfant sous perfusion. On peut allaiter juste avant et juste après (voire pendant, voir Tétée contre douleur) un examen douloureux, pour rassurer, consoler. Etc., etc.
En plus de l'aspect psychologique, il est sûr que pour un enfant malade, le lait maternel est à coup sûr la meilleure nourriture qu'il puisse absorber. Facile à digérer, d'un goût familier, il lui fournit de plus des facteurs immunologiques qui l'aideront à combattre sa maladie, voire les germes infectieux présents dans l'environnement hospitalier.
Si le bébé ne peut rien absorber par la bouche (7), la mère aura intérêt à tirer son lait, à la fois pour entretenir la lactation et pour éviter un engorgement. A elle de s'assurer que le service dispose du matériel nécessaire, ou de l'apporter elle-même.
Que le bébé tète ou non, il se peut que la mère note une certaine baisse de lait. Cela n'a rien d'étonnant dans une situation aussi stressante que l'hospitalisation de son enfant. Mais le lait reviendra normalement dès que la situation s'améliorera.
La mère hospitalisée
Là aussi les choses seront plus faciles s'il s'agit d'une hospitalisation prévue à l'avance que d'une urgence. Et tout dépend aussi, dans ce cas, de l'état de la mère, de sa fatigue, de son éventuelle impossibilité à bouger, des médicaments qu'elle prend, etc.
Mais les parents peuvent, s'ils le désirent, essayer que la séparation d'avec l'enfant (et d'autant plus s'il s'agit d'un petit bébé) soit la moins grande possible et que la relation d'allaitement soit la mieux préservée possible : soit qu'il puisse rester avec sa mère, soit qu'on puisse le lui amener régulièrement.
Et si malgré tout, cela s'est mal passé ?
Il arrive malheureusement que les choses se passent mal, et que le temps du séjour (même si le pronostic médical est bon) se transforme en cauchemar pour les parents et l'enfant.
Il est alors primordial de sortir cette blessure d'une manière ou d'une autre : écrire une lettre à la direction de l'hôpital, parler avec d'autres parents qui reconnaissent cette souffrance, et surtout, parler à l'enfant (même si c'est un bébé) de cette expérience traumatisante pour tous.
Alors, petit à petit, les blessures psychiques comme les blessures physiques pourront cicatriser..
Claude Didierjean-Jouveau
1) Lorsque j'ai commencé à écrire cet article, je n'avais encore jamais été confrontée à cette expérience. Depuis, mon deuxième garçon a été hospitalisé pour une crise d'asthme. Je voudrais ici remercier le service de pédiatrie de l'hôpital de Perpignan grâce auquel notre séjour à tous deux (heureusement fort court) s'est passé le mieux possible.
(2) Ensemble de troubles d'expression somatique et psychique (retard global de développement, sidération, pouvant aller jusqu'à la mort) survenant à la suite d'une hospitalisation prolongée du jeune enfant avant 15 mois.
(3) Le Guide de l'enfant à l'hôpital, de l'association Apache (Gallimard, 1992) donne quelques indications précieuses bien qu'insuffisantes, hôpital par hôpital (notamment existence ou non d'un service mère/enfant).
(4) Voir par exemple le récent colloque qui s'est tenu à Robert-Debré sur "l'enfant, l'hôpital et la musique".
(5) Pour plus de précisions, contactez une animatrice LLL.
(6) Il est très important que le personnel comprenne que la mère a des raisons valables. Sinon, il risque de la cataloguer comme mère irresponsable, voire nuisible à son enfant, allant jusqu'à menacer (cela s'est vu chez nous) de demander au juge le retrait de l'autorité parentale !
(7) Le cas est rare : même un bébé opéré d'une fente palatine peut téter en sortant de la salle de réveil.
Des livres
L'art de l'allaitement maternel, LLLI, pp. 217-218.
Dorothy P. Brewster. You can breastfeed your baby... even in special situations, Rodale Press, 1979.
The Breastfeeding Answer Book, LLLI, pp. 241-244.
James Robertson. Jeunes enfants à l'hôpital, Le Centurion, 1972.
La Vie de l'enfant à l'hôpital, CCI, Centre Georges Pompidou, 1981.
APACHE. Enfant à l'hôpital ? Suivez le guide : l'accueil dans les services d'enfants, Gallimard, 1992.
Un film
"Un enfant de deux ans va à l'hôpital", J. Robertson, 1952 (APHMI, 23 rue Lalande, 75014 Paris).
Pour les enfants
J. Cassabois. Opéré d'urgence, Messidor/La Farandole, 1984.
A.M. Chapouton. La Chappendicite, Centurion Jeunesse, 1988.
C. Dolto. Comment ça va la santé ?, Hachette, 1985.
C. Louis. Mon journal à l'hôpital, La Joie de lire, Genève, 1990.
B. Stone, R. Steadman. Souris en blanc, Ed. de la Marelle, Folio Benjamin, 1979.
G. Wolde. Fanette à la clinique, Dupuis, 1977.
Associations
Sparadrap, association pour guider les enfants dans le monde de la santé, site web.
Association pour l'amélioration des conditions d'hospitalisation des enfants, site web.
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