La pommade tous usages du Docteur Jack Newman

Article écrit par Vanessa Lasne, animatrice LLLF, IBCLC, Marie Courdent, animatrice LLLF, puéricultrice IBCLC, DIULHAM, Julie Hamdan, animatrice LLLF, médecin généraliste, DIULHAM, IBCLC.
Juin 2023

Le pédiatre canadien Jack Newman propose, comme mesure provisoire pour soulager une mère souffrant de douleurs, d’utiliser une pommade "tous usages" dont il a élaboré la recette.

Cette pommade n'est pas une pommade antidouleur, mais une pommade antibactérienne et antifongique, utilisée en partant du principe qu'un certain nombre de douleurs persistantes des mamelons viennent du fait que des crevasses ou autres lésions ont servi de porte d'entrée à un ou plusieurs germes (bactéries et/ou champignons) présents sur la peau. Le dermocorticoïde, quant à lui, sert à diminuer l’inflammation locale des mamelons, et donc la douleur, le temps que les anti-infectieux agissent. La pommade n’est donc pas la première mesure, ni même la seule à utiliser pour aider la mère ; il est nécessaire en parallèle de comprendre la source du problème, d’y remédier et de revoir la situation globale de la dyade (installation, prise du sein…).
Lorsque l'indication de l'onguent a été bien posée, une amélioration rapide est visible, sous 24 à 48 heures. Un avis éclairé/spécialisé paraît nécessaire avant de débuter l’utilisation de la pommade, et en l’absence d’amélioration sous une semaine, une nouvelle consultation est justifiée.

La pommade tous usages de Jack Newman n'est pas, dans sa formulation d'origine, réalisable en France. Plusieurs recettes ont été créées, sur la base de la recette originale, pour l’adapter à la France.

Annebé Vitoux-Gillet (pharmacienne, animatrice LLLF) et son équipe, et Marie Courdent (animatrice LLLF, IBCLC, DIULHAM) ont, en 2008, proposé une première variante de la recette initiale, sous forme de préparation magistrale :

- Mupirocine 2 % (choisir une formule sans agents irritants), 1 tube de 15 g de pommade
- Bétaméthasone 0.1 %, 15 g de pommade (tube de 30 g)
- Miconazole Nitrate 0,6 g
- Ibuprofène 0,6 g

L’ensemble est mélangé pour obtenir un pot de pommade d’environ 30 g. On obtient une pommade qui est beaucoup plus grasse qu’une crème. Cela permet d'avoir un meilleur effet occlusif et donc une meilleure efficacité.

Dr Jack Newman, contacté à l’époque au sujet de cette nouvelle recette, a donné son aval et précisé qu’il réserve la préparation avec ibuprofène aux cas où la première préparation (sans ibuprofène) n'a pas aidé.

Le CHRU de Lille (labellisé IHAB) utilise cette préparation magistrale telle que détaillée ci-dessus (formule sans ibuprofène), et préconise une application sur chaque mamelon, après la tétée, jusqu'à huit fois par jour.

La formule présentée plus haut pouvant, semble-t-il, être difficile à obtenir en pharmacie, il a été proposé en 2010 - par Marie Courdent (animatrice LLLF, puéricultrice IBCLC, DIULHAM), Annebé Vitoux (animatrice LLLF, pharmacienne), Danièle Ortais (animatrice LLLF, DIULHAM, sage femme), Marie-Laure Hessel (animatrice LLLF, pharmacienne, IBCLC) - de la remplacer par le traitement suivant :

en alternance, après chaque tétée :
- pommade mupirocine à 2 % (choisir une formule sans agents irritants) et pommade bétaméthasone à 0,1 % à mettre ensemble (mélanger dans le creux de la main lavée une même quantité de chaque crème)
- gel de miconazole 2 % (gel buccal), à mettre seul après la tétée suivante, au moins 4 fois par jour
Alterner ces applications après chaque tétée.

Cette formulation présente l’intérêt de pouvoir dissocier chaque crème, afin d’adapter la durée du traitement de chaque molécule. De plus, il n’y a pas de préparation magistrale à faire réaliser à la pharmacie, le traitement peut donc être débuté immédiatement (certaines pharmacies présentent un délai d’environ 24 heures pour réaliser une préparation magistrale). En revanche, la manipulation est un peu plus complexe pour la maman qui doit bien différencier les trois traitements au lieu d’appliquer une seule crème toute prête.

Plus récemment, d’autres formules ont pu émerger, par exemple celle utilisée entre autres au lactarium de Nantes, à réaliser sous forme de préparation magistrale et à appliquer trois fois par jour après la tétée :
- mupirocine pommade 2 % : ⅓
- betaméthasone crème 0,05 % : ⅓
- éconazole crème 1 % : ⅓
L’éconazole a ici été préféré au miconazole car, contrairement à ce dernier, il ne contient pas d’alcool. Certains praticiens choisissent d’utiliser dans cette formule de l’acide fucidique comme antibiotique local au lieu de la mupirocine. Il est cependant à noter que l’antibiorésistance à l’acide fusidique est plus fréquente qu’avec la mupirocine.

D'autres variantes de la recette initiale de Jack Newman sont susceptibles d'exister en fonction des habitudes des prescripteurs.

Questions/réponses

Q – Est ce que ces différentes pommades doivent être éliminées ou essuyées avant la tétée ?
R – Il n’y a pas de consensus quant à la réponse à donner à cette question. La pommade de Jack Newman est utilisée depuis plus de 30 ans et ce pédiatre canadien n’a jamais émis de réserves ou précautions autres qu’appliquer avec parcimonie.
Le lactarium de Nantes comme le CHRU de Lille préconisent de ne pas rincer, savonner ou essuyer avant la tétée suivante pour ne pas dessécher, agresser une peau déjà fragilisée. Dans le cas où l’enfant demanderait rapidement à téter après application, il est alors possible d’essuyer le surplus de crème avec une compresse et de remettre de la pommade une fois supplémentaire après cette tétée.
Le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (CRAT), quant à lui, encourage, sur les fiches dédiées aux différentes pommades (bétaméthasone...), à rincer après la tétée. Une animatrice dit que lorsqu'elle sent que la mère n’est pas vraiment rassurée, elle ajoute qu’il est aussi possible d’exprimer quelques gouttes de lait maternel avant la tétée pour rincer son mamelon.

Q – Quelle dose de produit mettre ?
R – Le traitement est appliqué parcimonieusement sur les mamelons (avec les mains propres, et en utilisant un doigt différent par mamelon). Parcimonieusement signifie "avec modération" : le mamelon est luisant, mais la pommade n’est pas visible.

Q – Pendant combien de temps utiliser ce traitement ?
R – Comme pour tout médicament, une utilisation à la dose la plus faible et sur une durée la plus courte possible sera privilégiée. L’onguent ici proposé est une solution temporaire, à utiliser en parallèle d’une évaluation globale de l’allaitement et d’un accompagnement par une personne formée à l’allaitement, avec pour objectif d’éliminer la cause des douleurs. Il ne s’envisage donc pas au long cours et ne durera jamais toute la durée de l’allaitement. Le plus souvent, l’onguent est proposé sur une dizaine de jours en moyenne. Certaines mamans franchement soulagées le stopperont au bout de 10 jours, sans récidive ni autre problème. Au cas par cas, d’autres mamans se verront proposer par le professionnel qui les suit, soit de prolonger de quelques jours en cas d’efficacité significative mais pas encore complète, soit d’amorcer une décroissance progressive (en diminuant progressivement le nombre d’applications journalières) en cas de crainte de récidive des douleurs à l’arrêt du traitement.