Durant les neuf mois de la grossesse, par le biais des hormones progestérone et œstrogènes, les seins vont se développer pour se préparer à fabriquer du lait pour le nouveau-né. Voir sa poitrine se modifier, devenir plus sensible, les mamelons et aréoles se pigmenter, les tubercules de Montgomery au niveau de l’aréole être plus saillants, changer la taille de bonnet de son soutien-gorge suffit à rassurer la mère : les seins se sont réveillés, ils commencent à partir du 4ème mois de grossesse à secréter du colostrum, qui perle (ou non) au niveau des mamelons et se préparent à ce pourquoi ils sont faits : nourrir les petits d’hommes.C’est ce que l’on appelle la lactogénèse 1 (ou différenciation sécrétoire). Parfois, les changements au niveau des seins durant la grossesse sont plus subtils, et ils ont plutôt lieu après l’arrivée de bébé.
La naissance, et en particulier l'expulsion du placenta, va entraîner une diminution très rapide des hormones spécifiques de la grossesse qui faisaient frein pour que les seins ne fabriquent pas de lait en abondance puisque le bébé n'était pas encore là. Les hormones de l'allaitement en sommeil pendant la grossesse vont pouvoir s'exprimer. On connaît la prolactine qui permet un climat favorable à la production de lait, et l’ocytocine qui gère l’éjection du lait, mais le phénomène est plus complexe et d'autres hormones interviennent comme les hormones thyroïdiennes, l'insuline, etc. Voici venu le temps de la lactogénèse 2 (ou activation sécrétoire). C’est un très grand chahut hormonal qui se joue dans le corps de la femme puisque les hormones de la grossesse baissent et les hormones de l'allaitement augmentent.
La plénitude mammaire de la "montée de lait"
Avec l’arrivée du lait, les seins deviennent lourds, chauds, tendus, inconfortables, le réseau veineux est visible, il peut y avoir un léger fébricule. Tant que le lait coule lors des tétées, que la mère peut se soulager avec de l'expression manuelle, cette plénitude mammaire est rassurante. Les seins ont besoin d'un temps d'ajustement pour s'adapter aux besoins du bébé. Plus le bébé va téter fréquemment, bien souvent toutes les heures, et de façon efficace (on voit au niveau du menton le nouveau-né déglutir le précieux colostrum), plus vite le lait va arriver en abondance ; les seins seront peut-être alourdis, mais confortables.
L’engorgement pathologique en post-partum précoce
Certaines femmes en post-partum immédiat, vers J3-J5, peuvent présenter un engorgement douloureux des deux seins. Cela devient problématique quand les seins se transforment en "ballons de rugby bétonnés", avec du lait qui ne sort plus. Là, on peut penser que l'accompagnement de la mère n'a pas été à la hauteur.
Comment prévenir l’engorgement des deux seins ?
Tout d'abord, permettre au bébé de prendre une tétée dans l'heure qui suit la naissance. Pour qu'il puisse téter, il faut qu'il soit près du sein, et le mieux est qu'il soit en peau à peau sur sa mère. Après avoir été rapidement séché, coiffé d'un petit bonnet pour ne pas perdre de précieuses calories, recouvert d'une petite couverture, couette, chauffée au préalable, il est posé nu, avec parfois une seule couche, sur la poitrine de sa mère semi-assise. Il va d’abord se poser un peu, observe. Et instinctivement, le bébé à terme, en bonne santé, parfois un peu guidé par sa mère, va trouver le sein. Installée ainsi, elle est en position Biological Nurturing (ou BN ou position instinctive), c'est-à-dire adossée, semi-inclinée en arrière, le bébé "à la bonne adresse", sa bouche au niveau du mamelon. Et ainsi, normalement, comme tous les petits mammifères du monde, tout seul ou légèrement aidé, il devrait trouver le sein, l'un et puis l'autre. Le garder ensuite en peau à peau, ou en pyjama, sur maman, lui permet de se sentir en sécurité. Il est regroupé sur lui-même comme dans l’utérus, retrouve ses repères olfactifs via les tubercules de Montgomery situés au niveau de l'aréole du sein, il est bercé par le rythme respiratoire, entend la voix, les bruits du cœur maternel, les gargouillis du tube digestif de la même façon que pendant la grossesse.
Ce qui est extraordinaire, c'est que ce bébé qui, à la fin de la grossesse, avait l'habitude d'ouvrir la bouche et de boire du liquide amniotique, environ 500 ml par 24 heures, est capable de téter en dormant, à condition d'être posé tout près du sein maternel. Dès que sa mère sent qu'il bouge un peu, car il quitte le sommeil profond, elle peut le glisser encore somnolent devant le mamelon qu’il va téter les yeux fermés. Des tétées très fréquentes les premiers jours, à certains moments toutes les heures en considérant le début de la tétée, vont stimuler l’arrivée du lait en abondance sans que les seins aient le temps de s’engorger.
Si le bébé ne tète pas souvent, pas longtemps, pas efficacement, l'expression manuelle des seins, idéalement apprise pendant la grossesse, peut aider soit à recueillir du lait dans une petite cuillère pour le donner au bébé en apéro ou en dessert, soit à exprimer du lait pour se sentir plus confortable.
L'objectif de ces jours juste après la naissance étant de stimuler la lactation et d’être confortable, proposer des tétées fréquentes (10 à 12 tétées par 24 heures) aux deux seins à chaque tétée peut être judicieux, en changeant de côté quand le bébé s’arrête de déglutir ou cherche à s’endormir.
Il y a aussi cette nuit qui précède la montée de lait appelé parfois "nuit de java" qui peut déstabiliser les parents parce que le bébé passe quasiment toute sa nuit au sein. La position instinctive ou BN aide à ce moment-là à se reposer. Pensez à la sécurité du bébé qui ne doit ni tomber, ni glisser sous la literie. Le plus efficace est de demander au personnel de la maternité un bandeau de portage en jersey pour le contenir sur votre poitrine afin qu'il ne glisse ni à droite, ni à gauche, ni vers le bas. Au petit matin, le lait sera probablement là en abondance.
Donner la vie par césarienne ne devrait pas vous empêcher de pratiquer du peau à peau dès la naissance. De plus en plus de maternités proposent à la maman césarisée d’accueillir sur sa poitrine son bébé dès sa naissance. Certains y restent et y prennent une tétée. Dans d’autres lieux, c’est l’autre parent qui reçoit le bébé en peau à peau avant de le confier en salle de réveil à la maman.
Comment soulager des seins engorgés en post-partum précoce ?
L’engorgement des premiers jours après la naissance ne signifie pas que les seins produisent des volumes importants de lait. C'est une réaction inflammatoire au chahut hormonal, avec augmentation du sang, matière première pour fabriquer le lait, et de la lymphe dans le tissu mammaire.
Les seins engorgés lors de cette "montée de lait" ont besoin d’être drainés et plusieurs actions sont possibles :
• Donner des tétées à volonté, même si votre bébé est somnolent, il peut téter. Une maman utilisait le terme de "perfusion de lait".
• Appliquer de la chaleur humide (gant de toilette d’eau chaude, douchette) juste avant les tétées, pour dilater les canaux afin que le lait s'écoule plus facilement.
• Pratiquer une contre-pression pour assouplir la zone aréolaire qui entoure le mamelon sur un diamètre d’environ 3-4 cm afin que le bébé puisse prendre plus facilement le mamelon. Le plus simple est de s’installer à plat dos dans le lit ou en position semi-couchée et d'utiliser les pulpes des doigts d’une main, les ongles étant coupés courts, pour faire comme une tulipe, et d'appliquer les pulpes des doigts au niveau de l'aréole en poussant doucement vers la cage thoracique pendant environ une petite minute pour repousser temporairement l’induration vers l’arrière du sein et en profondeur, ce qui permettra au bébé de saisir le mamelon. Les doigts peuvent se déplacer pour être bien efficaces sur tous les cadrans du sein.
• Poser sur vos seins, entre les tétées, pour lutter contre l’inflammation et vous soulager, des cataplasmes froids (coussinets d’allaitement trempés d’eau, mis dans une pochette en plastique et congelés, packs de gel réfrigérant, pansements américains mouillés et congelés donnés par le personnel de la maternité) ou des cataplasmes de feuilles de chou vert : utilisez deux ou trois feuilles d’un chou vert dont vous aurez coupé les grosses nervures, écrasez-les avec une bouteille et glissez-les dans votre soutien-gorge. Laissez aréoles et mamelons découverts. Enlevez-les quand elles vous gênent ou quand elles ont flétri.
• Réduire vos boissons est inutile, pourrait entraîner une infection urinaire et aggraver une constipation, mal venue dans cette période où les hémorroïdes ont pu ressortir. Écoutez votre corps et buvez à votre soif.
Si, durant les heures de travail avant la naissance, vous avez reçu beaucoup de liquides, perfusion avec de l’ocytocine, liquide de la péridurale, vous pouvez vous retrouver avec de gros œdèmes au niveau des seins et des membres inférieurs parce que l'ocytocine est antidiurétique. La position allongée sur le dos pourra vous aider parce que les liquides s’enfonceront dans votre corps. Dans ce cas d’œdèmes importants, l'utilisation d'un tire-lait peut être préjudiciable parce que cela aggraverait l’œdème de la plaque aréole-mamelon. Ce qui aide beaucoup et qui est capital, c'est un bébé qui tète bien, souvent et efficacement.
En quelques heures, quelques jours, les seins s’ajustent et les sensations douloureuses s’estompent.
L’engorgement ultérieur alors que l’allaitement semble bien en place
Les premières semaines principalement, les seins peuvent redevenir lourds si :
• le bébé draine mal le sein (problème de succion, utilisation d’un bout de sein en silicone, frein de langue serré),
• Il espace un peu ses tétées, vient de recevoir une tétine ou de découvrir son pouce, de boire un biberon de lait industriel, ou la mère est très occupée et la personne qui s’occupe de l’enfant tarde à l’apporter à sa mère pour une tétée (déménagement, travaux, cérémonie, fête etc.),
• il a un petit rhume et tète moins,
• il a dormi cinq heures de suite et fait sa "1ère nuit de bébé",
• un seul sein peut être engorgé parce que, sans le faire exprès, la mère n'a pas alterné les seins, l’un des deux a été un peu négligé et il proteste,
• un sevrage trop brutal, trop rapide.
Les maîtres mots sont alors :
1. Repos (confiez vos aînés à la parentèle, aux amis).
2. Tétées fréquentes en donnant la priorité au sein douloureux et en variant les positions. Allaiter en position BN semi-assise. La position de la louve est aussi intéressante : vous êtes à 4 pattes au milieu du grand lit au-dessus de votre bébé, ou vous vous penchez vers votre bébé posé sur le matelas à langer sur la table en vous appuyant sur vos coudes, les seins pendent, et le lait descend plus facilement.
3. Application de chaleur humide pendant quelques minutes avant la tétée pour dilater les canaux et faciliter l’écoulement du lait (gant de toilette d’eau chaude, douche, sein trempé dans un saladier d’eau chaude). Ne prolongez pas ces périodes de chaleur humide, au risque d’aggraver l’œdème.
4. Cataplasmes froids (coussinets d’allaitement trempés d’eau, mis dans une pochette en plastique et congelés, sac de petits pois congelés, réservé à cet usage – l’indiquer sur le sac pour ne pas les consommer ultérieurement, packs de gel réfrigérant) ou cataplasmes de feuilles de chou vert froid après la tétée pour réduire inflammation et douleur. Étonnamment, certaines mamans ont apprécié de dormir avec une bouillotte, écoutez-vous et voyez ce qui vous fait le plus de bien.
5. Massez doucement vos seins pendant la tétée en direction du mamelon.
6. Si votre bébé n’a pas assez drainé le sein douloureux, ou ne veut plus téter sur le second sein, quelques minutes d’expression manuelle de votre lait ou l’utilisation d’un tire-lait manuel ou électrique, avec une puissance faible, pourront vous permettre d’être confortable.
7. Si vous vouliez sevrer votre enfant, patientez un peu, vos seins ont besoin d‘être drainés (bébé ou tire-lait) pour redevenir souples et confortables, pour éviter la complication que représente la mastite. Une fois l’engorgement résorbé, vous reprendrez lentement le processus de sevrage.
En agissant rapidement, en 24 à 48 heures, tout va rentrer dans l’ordre, mais continuez à chouchouter votre sein encore quelque temps.
Pour poser une question, n'utilisez pas l'espace "Commentaires" ci-dessous, envoyez un mail à la boîte contact. Merci