Écrit par Élise Vidal, mère de trois enfants, Saint-Mathieu-du-Parc, monitrice LLL. Texte révisé par Mylène Schryburt et Annabelle Boucher, monitrices LLL. Édité par Annabelle Boucher.
Publié dans La Voie Lactée, la revue québécoise de la Ligue La Leche, novembre 2016.
Le RPS de LLL France a modifié certains chiffres indiquant le degré d'alcoolémie afin que le texte soit plus compréhensible pour un public français.
Le temps des fêtes : moment festif, de rassemblement et de réconfort par excellence !
Période d’indulgence durant laquelle on se permet des douceurs qui font du bien.
Encore une fois cette année, beaucoup de mères qui allaitent se demanderont si oui ou non, elles peuvent "se permettre" ce verre de vin au souper, ce cocktail à l’apéro ou ce digestif en soirée.
Concernant la consommation d’alcool pendant la grossesse, les recommandations au Canada sont généralement bien connues de tous (par les professionnels de santé comme dans la population en général), à savoir que la consommation d’alcool est à proscrire durant toute la grossesse. Mais lorsqu’on parle de consommation d’alcool durant l’allaitement, il semble y avoir un flou… On entend parfois dire que la mère doit laisser passer un certain nombre d’heures avant d’allaiter son petit lorsqu’elle a consommé de l’alcool. Qu’elle doit jeter son lait. Qu’il est préférable d’exprimer du lait en prévision des boires de son bébé durant les moments où elle consommera de l’alcool. Ou même qu’il vaut mieux donner des préparations commerciales pour nourrisson à son enfant durant cette période.
Dans le livre Un cadeau pour la vie du réputé pédiatre espagnol Carlos Gonzáles, collaborateur auprès de La Leche League International, on explique bien le rapport entre l’alcool consommé par la mère et celui présent dans son lait. À l’aube du début du temps des fêtes, il est important de bien comprendre tout cela pour être en mesure de faire un choix éclairé.
La réponse courte à la question "Une mère qui allaite peut-elle consommer de l’alcool lorsqu’elle allaite ?" est : oui.
Peut-elle en consommer sans modération ? Dans ce cas, la réponse est non. D’ailleurs, PERSONNE ne devrait consommer d’alcool sans modération. Cela vaut tout particulièrement pour une mère responsable de prendre soin d’un bébé ou d’un enfant.
Comme l’explique très bien le Dr González, la concentration d’alcool dans le sang est à peu près la même que dans le lait humain. Ainsi, une mère présentant un taux d’alcool dans le sang de 0,50 g/l (la limite légale pour conduire dans plusieurs pays d’Europe) nourrira son bébé d’un lait équivalent à une boisson alcoolisée à un degré de 0,062°. Comme le sang, le lait se filtre continuellement. Donc, au fil du temps, simultanément à la descente du taux d’alcool dans le sang de la mère, son lait deviendra de moins en moins alcoolisé (le taux d’alcool dans le lait diminuerait même un peu plus vite que celui du sang). Le lait accumulé "dans les seins" n’est pas statique ; il est en constante transformation. Tout comme le sang n’est pas immobile dans nos veines !
Cela peut faire peur à certaines mères (et à leur entourage) de nourrir un enfant avec du lait "alcoolisé". Cependant, il est important ici de relativiser. Légalement, dans beaucoup de pays, un breuvage contenant moins de 0,5° d’alcool est considéré sans alcool. On parle ici d'environ 10 fois plus d’alcool qu’un breuvage alcoolisé à 0,062° (le lait de la mère dont nous parlions plus haut, qui aurait bu assez d’alcool pour présenter un taux d’alcool dans le sang de 0,50 g/l). Pour qu’une mère produise un lait qui serait considéré "alcoolisé" d’un point de vue légal, il lui faudrait fabriquer un lait à plus de 0,5° d'alcool. Cela correspond à une alcoolémie de 4 g/l. Or, pour un très grand buveur comme pour un buveur occasionnel, un taux d’alcool sanguin de 0,5° entraîne un coma éthylique. Le corps ne peut tout simplement pas fonctionner à un tel taux d’alcoolémie sanguine. Le sang d’une personne en état d’ébriété (grand buveur ou buveur occasionnel, sans distinction) pourra atteindre 0,2° (équivalent à une alcoolémie de 1,60 g/l) ou 0,3° (2,40 g/l) d’alcool, mais de façon réaliste, le sang d’une mère buvant modérément n’atteindra que rarement 0,0625° (0,50 g/l) [...]
On peut donc dire que boire de l’alcool n’est pas incompatible avec l’allaitement. Nul besoin donc de compter ses consommations ou de donner un substitut de lait humain à son enfant lorsqu’on a bu un verre ou deux. Certes, nous partons des prémisses que la modération a bien meilleur goût, et qu’en effet, allaiter un enfant en ayant bu une quantité plus ou moins grande d’alcool comporte des risques : bébé plus somnolent, baisse du réflexe d’éjection chez la mère, etc. Une mère sachant que sa production lactée est déjà fragile, qui allaite un bébé prématuré ou présentant une problématique particulière aura tout intérêt à bien réfléchir à la question avant de prendre un verre. Il faut aussi, bien entendu, considérer que le sommeil de la mère pourrait être perturbé (à considérer lorsqu’on pratique le partage du lit), ainsi que son niveau de vigilance.
Cela dit, nous parlons ici d’une consommation d’alcool occasionnelle. Du lait humain contenant de l’alcool quotidiennement n’est certainement pas l’idéal, et une mère présentant un problème de consommation d’alcool a tout intérêt à demander de l’aide.
Gardons bien en tête aussi que lorsque nous sommes responsables d’un enfant, il n’y a pas que le taux d’alcool dans le lait qui compte. Être alerte et réceptive demeure la priorité numéro un !
Nous devons aussi respecter la mère qui choisit de s’abstenir complètement de boire en période d’allaitement. Comme dans tous les domaines, nous avons toutes nos limites, et il est toujours sage de les respecter.
Sur ce, je vous souhaite de merveilleuses fêtes remplies de joie, d’indulgence, et un verre de bon vin si cela vous fait plaisir et du bien !
Référence :
González, Carlos. 2014. Un cadeau pour la vie. Guide de l'allaitement maternel, éditions LLL France et Le Hêtre-Myriadis, en vente dans la boutique LLL.
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